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Observatoire des ZUS (6) : l’évitement scolaire (définition, analyse et évolution)

3 novembre 2005

Extrait du site de la DIV, le 03.11.05 : Rapport 2005 de l’Observatoire national des Zones urbaines sensibles

Le « quotidien des ZEP », revue de presse du site de l’OZP, termine la publication d’extraits du rapport 2005 de l’Observatoire des ZUS.

L’évitement scolaire

Il n’existe pas aujourd’hui dans la statistique publique nationale d’indicateurs d’évitement scolaire.

La formule figurant dans les annexes de la loi du 1er août 2003 et proposant de retenir « dans la mesure du possible » un « taux d’évitement scolaire à l’entrée en 6e » pour les zones urbaines sensibles dans le cadre d’une appréciation de l’amélioration de la réussite scolaire des enfants et des jeunes qui y vivent requiert tout un travail préalable d’élaboration.

(...)

Ce travail ne relève toutefois pas seulement de la statistique mais demande à ce que soit défini ce qu’on entend par évitement scolaire. Or, en la matière, les choses ne sont pas aussi simples qu’on peut le croire, et cette définition ainsi que le système de mesure qui en découle s’inscrivent dans des registres d’analyse fort différents et répondent à des motifs ou à des interrogations distincts. La question qui se pose est alors : « Qu’attend-on d’une mesure de l’évitement scolaire dans les ZUS ? ». De la réponse à cette question découleront une ou plusieurs approches possibles de l’évitement qui permettront d’en circonscrire la mesure. C’est une première manière de faire.

On pourrait aussi décider d’éviter ce débat sémantique, opter pour une démarche pragmatique et examiner ce que l’on est capable de mesurer. Parler d’évitement suppose a minima qu’il existe des élèves qu’on s’attendrait à trouver dans un établissement et qui se trouvent dans d’autres. Si l’on peut repérer un établissement sur un territoire donné et, avec plus ou moins de rigueur, déterminer si cet établissement se trouve à l’intérieur ou à l’extérieur d’une zone déterminée, si l’on sait faire de même avec l’adresse de l’élève, il suffit alors d’examiner le nombre d’élèves scolarisés hors des établissements des « secteurs » dont ils dépendent... et l’on considérera que l’écart mesuré constitue, faute de mieux, un indicateur d’évitement.
Mais, là aussi, les choses ne sont pas si simples. D’une part, il existe des départements où la sectorisation a été considérablement assouplie (...) tandis que d’autres continuent à l’appliquer avec une certaine rigueur. Ceci conduit immanquablement à des écarts dont la signification ne pourra pas être comparée. D’autre part, on sait que l’offre d’options particulières (les langues étrangères notamment) est fortement différenciée selon les collèges et les territoires (...). Cela risque de brouiller l’analyse, dans la mesure où, dans certains cas, la demande d’une option rare correspondra à un stratagème d’évitement tandis que dans d’autres, elle traduira simplement un déficit de l’offre d’options sur le territoire concerné ; d’autres fois encore, l’offre d’options disponibles sera suffisamment large pour prévenir leur usage à des fins d’évitement.

(...)

Que désigne-t-on par « évitement scolaire » ?

On écartera bien évidemment du champ « les conduites d’évitement scolaire », formule qui désigne certaines formes d’absentéisme larvé (...) L’évitement dont il est ici question désigne le processus qui conduit à ce que des enfants, qui auraient dû « normalement » être inscrits dans l’établissement public du secteur correspondant à leur lieu de résidence, se retrouvent, par choix, scolarisés dans un autre établissement public ou privé.

(...)

L’évitement suppose donc l’existence de stratégies, plus ou moins réparties et plus ou moins informées. La question de l’évitement scolaire ne se résume donc pas à celle de la ségrégation spatiale de l’école. Cette dernière procède d’abord de la ségrégation sociale de l’habitat, et se voit renforcée par les mécanismes ou stratégies d’évitement scolaire.

Mais la ségrégation sociale de l’habitat est elle-même, en partie du moins, alimentée par l’évitement scolaire, la stratégie d’évitement allant jusqu’à déterminer des stratégies résidentielles : on choisit son lieu de résidence aussi en fonction de la perception de l’environnement scolaire (...).

Le « on » n’a pas ici le niveau de généralité que le langage courant lui accorde. Tout le monde ne dispose pas des mêmes moyens pour choisir son logement et l’emplacement de celui-ci.

Ce sont précisément ceux qui disposent de ces moyens qui pourront, le cas échéant, se conformer à la sectorisation scolaire, leur choix résidentiel constituant la garantie de l’accès à l’établissement ou au type d’établissement qu’ils souhaitent pour leur enfant.

La question se pose de savoir si l’on intègre ces stratégies résidentielles comme participant à l’évitement scolaire (mais avec le risque de ne pas pouvoir les mesurer) ou si on les exclut (avec alors le risque de passer à côté d’une dimension non négligeable de l’évitement).

(...)

De même, si l’on se contente d’identifier l’évitement scolaire sur la base de la part manquante des élèves d’un secteur pour un établissement donné, on se contente de ne rendre compte que de l’évitement « réussi ».

Par ailleurs, la notion d’évitement est connotée. Elle suppose une stratégie ou une posture de mise à distance, de contournement. Elle est centrée sur l’institution et rend compte d’une non-conformation à l’attitude attendue. Elle ne dit rien sur les motifs de telles conduites et la production sociologique sur le sujet n’a pas livré tout ce qu’on peut en attendre : on décrit l’évitement le plus souvent de manière symétrique, comme l’envers de la recherche de l’entre-soi social (...) L’hypothèse d’une diversité des motifs (...), de même que l’analyse des choix électifs qui conduisent l’enfant dans un établissement plutôt qu’un autre et qui permettraient de donner une épaisseur sociologique à la notion, si elles ont déjà été explorées (...), sont peu systématisées.

Enfin, plusieurs travaux signalent que l’évitement scolaire est très largement déterminé par des données relatives au contexte territorial (présence d’établissements publics d’excellence ou jugés comme tels dans la commune ou le secteur voisin, présence ou absence d’une offre privée accessible, existence de stratégies institutionnelles ou collectives pour maintenir une certaine mixité dans l’établissement...).

Selon l’extension et l’épaisseur que l’on donnera à la notion d’évitement scolaire, sa mesure sera envisagée différemment. Les choix en la matière (définition et méthodes) dépendent aussi des motifs pour lesquels on entend la mesurer.

Quels sont les motifs d’une telle mesure ?

(...)

Le premier motif de la mesure de l’évitement peut concerner l’appréciation des indicateurs relatifs à la scolarité dans les établissements situés en ZUS...

(...)

...le deuxième motif concerne les stratégies face à « l’offre » scolaire...

(...)

... le troisième motif relève de la ségrégation sociale et urbaine des ZUS, la mesure de l’évitement faisant fonction de témoin de la sur-ségrégation que peuvent connaître les établissements situés en ZUS.

Méthode

(...)

Partir des territoires ? (...)
Partir des établissements ? (...)

Préconisations

Il paraît souhaitable et faisable d’observer l’évolution de la ségrégation des établissements situés en ZUS et d’étudier au travers d’enquêtes spécifiques les mécanismes d’évitement avec toute leur complexité.

Pour l’instant, et en l’état actuel des connaissances sur le sujet, il nous semble qu’il serait raisonnable, à l’échelon national, de distinguer deux grandes démarches :
D’une part, observer l’évolution de la ségrégation et, dans la mesure du possible, la sur-ségrégation pour les établissements scolaires situés en ZUS. Pour cela, les tentatives de géocodage des données engagées dans certaines académies peuvent constituer les premiers éléments d’une démarche à généraliser.

D’autre part, étudier, à partir d’enquêtes ou de recherches spécifiques, les mécanismes d’évitement et, a contrario, les mécanismes qui se développent en résistance ou alternative à l’évitement (...).

La première démarche ne peut s’engager sans un partenariat fort avec l’Éducation nationale, à l’échelon central ou à l’échelon académique. L’analyse territoriale qui en ressortirait doit être coproduite au risque de perdre ou de sa qualité ou de sa valeur. La seconde gagne, elle aussi, à être partenariale mais peut se satisfaire d’un portage plus léger.

Quelle que soit l’option retenue, il est indispensable de s’appuyer sur les travaux déjà engagés sur la question.
On distinguera d’un côté les travaux sociologiques, qualitatifs ou quantitatifs, destinés à rendre compte des processus à l’oeuvre, les travaux statistiques ou économétriques réalisés eux aussi par des équipes de recherche et, de l’autre, les tentatives de mesures engagées à l’échelon communal, académique ou régional, par les instances publiques en charge de la politique de la ville ou de l’éducation.

L’inventaire et l’analyse systématique de ces travaux seront engagés très prochainement.

À l’échelon local, il conviendrait a minima de signaler, dans les rapports destinés à rendre compte de l’évolution de la situation des ZUS, la manière dont sont suivies les politiques conduisant à des dérogations de la carte scolaire et plus généralement aux mécanismes de son contournement, et également d’être attentif aux processus conduisant à la disqualification de certains établissements. L’objet de ce type d’observation étant moins de produire des indicateurs que d’inciter à une attention systématique sur le sujet.

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