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Les réactions à la publication de la nouvelle carte des quartiers prioritaires

18 juin 2014

Publiée tôt mardi 17 juin, la refonte de la géographie prioritaire a rapidement fait réagir les élus locaux. Le nouveau président de l’association des maires Ville & Banlieue, Damien Carême, s’est dit « plutôt satisfait », tandis que, dans un communiqué commun, l’Association des maires des grandes villes de France (AMGVF) et l’Assemblée des communautés urbaines de France (ACUF) se réjouissent des ambitions gouvernementales mais affirment rester « vigilantes sur les contenus et périmètres des prochains contrats de ville. »

Extrait de lagazettedescommunes.fr du 17.06.14 : Les associations d’élus réagissent favorablement à la nouvelle carte

 

La nouvelle politique de la ville concentre ses moyens sur les plus pauvres. Au risque de pénaliser certains territoires en difficulté. Le point de vue de Louis Maurin, directeur de l’Observatoire des inégalités.

[...] Un problème de méthode

Il est logique de faire évoluer la carte des territoires soutenus par la collectivité. Certains s’en sortent mieux qu’hier, d’autres, qui n’étaient pas en crise hier, le sont aujourd’hui. Mais la façon de faire pose problème. Faute de s’intéresser à la méthode, rares sont ceux qui comprennent vraiment de quoi il en ressort, même si quelques experts ont déjà souligné les problèmes posés par l’utilisation du critère de revenu [2]. La réforme de la politique de la ville semble tomber sous le sens : on remplace des critères obscurs de définition d’un quartier prioritaire de la politique de la ville par celui du seul revenu. « Ce critère objectif est un bon indicateur de l’ensemble des difficultés rencontrées », écrit le ministère. « Simple et lisible », a répété la communication gouvernementale qui a été reprise partout.

C’est faux. Il manque à la communication du gouvernement plusieurs choses. D’une part, ces fameux revenus sont connus avec trois ans de retard : en 2014, on juge de la situation de 2011, ce qui pose un problème en période de décrochage des plus pauvres (voir notre article). D’autre part, ils n’incluent pas les prestations sociales. Les experts des ministères ont oublié que dans ces quartiers en difficulté, il arrive que 10, voire 20 % ou plus, de la population ne touche aucun autre revenu que ces prestations. Les seules données locales qui existent comprenant une estimation des prestations sociales ont été publiées par le bureau d’étude privé Compas [3]. Enfin, le revenu ne résume pas les difficultés. Une partie des quartiers touchés de plein fouet par le chômage ne voit ses revenus diminuer qu’avec retard, notamment à la fin des périodes d’indemnisation. Les difficultés scolaires incrustent dans le temps les difficultés sociales et n’apparaissent pas forcément dans les données sur les revenus.

Il y a encore plus grave. En pleine crise de l’emploi, qui frappe d’abord les populations les plus fragiles et donc les territoires les plus pauvres, on réduit les moyens financiers d’une partie de ces quartiers. [...]

Extrait de inégalités.fr du 17.06.14 : Politique de la ville, la pauvreté en concentré

 

La géographie des quartiers sensibles s’étend et se rétracte comme un soufflet d’accordéon... La nouvelle carte resserrée présentée par la ministre de la Ville est-elle plus qu’une simple variation sur le même thème ?

[...] Tout ceci est, sur le papier, formidable et correspond vraiment à un souhait des experts et opérateurs de la politique de la ville. En trois mots : simplification, simplification, simplification. Mais le diable politique est niché dans les détails. Tout d’abord la carte annoncée n’est pas vraiment arrêtée. Il est explicitement annoncé que « des marges de manœuvre sont laissées aux acteurs locaux pour définir les périmètres exacts des quartiers auxquels s’appliquera une solidarité nationale renforcée ». La phrase est jolie. Elle signifie seulement que l’heure des conciliabules et manœuvres est ouverte. Les édiles vont critiquer la méthode et l’indicateur choisis. Ils vont souhaiter, pour les quartiers évincés, plaider leur réintégration. Et il n’est pas certain, à l’inverse, que tous les nouveaux quartiers repérés acceptent d’être désignés par l’Etat comme quartiers pauvres. À voir donc.

Plus au fond, le sujet est de savoir si cette simplification (qui annonce un gommage d’un zonage très élaboré) pourra vraiment voir le jour, ou bien s’il s’agira seulement d’un paramétrage supplémentaire ajoutant en complexité. Et ajoutant encore quelques secousses d’accordéon, avec d’abord un centrage déjà annoncé sur 200 quartiers parmi 1.300 (ceux qui vont bénéficier des crédits et opérations de rénovation urbaine) et, plus tard peut-être, une extension à d’autres quartiers qui s’estiment injustement mis à l’écart de cette géographie prioritaire. Et une reprise de souffle donc dans l’accordéon.
Julien Damon, Professeur associé à Sciences po

Extrait deslate.fr du 19.06.14 : Politique de la ville : simplification ou nouveau coup d’accordéon ?

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