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Journée OZP 2014. Table ronde : Education prioritaire. Cette fois-ci, comment réussir ?

23 mai 2014

Journée nationale OZP, 17 mai 2014
TABLE RONDE

Cette fois-ci, comment réussir ?
animée par Elisabeth Laporte, DASEN du Val-de-Marne
avec
Marc Bablet, chargé de l’Education prioritaire à la DGESCO,
Patrick Gonthier, IEN à Orly-Choisy-le-Roi ;
Patrick Picard, directeur du Centre Alain Savary (Institut Français de l’Education)

 

De gauche à droite, Patrick Picard, Marc Bablet, Elisabeth Laporte, Marc Douaire, Patrick Gonthier

 

Élisabeth Laporte
Aujourd’hui, la réussite de nos élèves est un impératif catégorique. Dans le cadre de la refondation, nous avons devant nous deux défis à relever : le premier est de faire progresser les résultats de nos élèves et le second est d’éviter une fracture sociale déjà engagée sur certains territoires. Sur le terrain, le scepticisme et les doutes demeurent sur cette refondation. Alors, réussir oui, mais comment ? Comment tous ensemble allons-nous pouvoir faire réussir les enfants ? Et qui va garantir cette réussite ?

Marc Bablet
Au cours de l’histoire de l’Éducation prioritaire, il y a eu des réussites. Sans regarder du côté des résultats des élèves, nous avons enregistré des évolutions à ces dates bien précises que sont 1990, 1998 et 2006. L’Éducation prioritaire a toujours été à la pointe de ces réussites. En 1990, nous avons réussi à renforcer les liens entre le premier et le second degré. En 2006, nous avons réussi le recentrage sur les apprentissages et en 2006, nous avons réussi la centration sur les pratiques et sur l’émergence des métiers intermédiaires. Nous avons observé certaines de ces réussites sur des territoires différents parce que l’Éducation prioritaire est diverse et que des territoires sont davantage en réussite que d’autres.
C’est cette évolution, l’ensemble de ces réussites observées auxquels s’ajoutent tous les travaux d’expertise, ceux de la recherche, le travail des inspections générales qui nous permettent de dire qu’aujourd’hui, nous allons de nouveau réussir. Toutes les données que nous avons ce sont des briques d’intelligence et d’efficacité. Aujourd’hui, il s’agit de rassembler toutes ces briques et de construire mais de construire tous ensemble. Avec une priorité donnée au premier degré, malgré les écarts et les inégalités qui se sont creusés, nous allons réussir cette refondation de l’école.

Patrick Picard
Comment reconstruire ? Je pars de mon expérience et de ce que je vois. Pourquoi est-ce que l’on peut réussir ? La force de frappe dans cette réussite va être le référentiel. Un référentiel systémique parce qu’il concerne la réussite de tous, c’est-à-dire aussi des enfants qui sont dans la grande difficulté scolaire. Ce référentiel n’est pas un gadget. Aujourd’hui, qu’est ce que l’on comprend des difficultés d’enseignement, de compréhension des élèves, de la formation, du pilotage ? Si on parvient à avancer sur ces questions, on va permettre à tous d’aller beaucoup mieux, aux enseignants comme aux élèves. Dans cette optique, une réorganisation de la Dgesco est indispensable avec un niveau de priorité pour l’Éducation prioritaire.
La refondation se gagnera sur la capacité des dynamiques partenariales à mettre en place une ingénierie adaptée aux besoins de formation des enseignants. Le pilotage académique est responsable de la faiblesse pédagogique. Comment peut-on demander aux enseignants aujourd’hui de faire réussir leurs élèves sans formation et sans accompagnement ? Se former et travailler ensemble sont indispensables.

Patrick Gonthier  
Comment réussir cette fois-ci ? Du côté des enseignants, cette réforme était attendue et, si les attentes étaient fortes, elles étaient aussi contradictoires. En effet, la refondation est perçue comme une énième réforme dont les équipes se demandent si elle va changer quelque chose.
Nous sommes confrontés à la difficulté du temps. Le temps et l’urgence de la situation d’aujourd’hui, le temps des apprentissages, le temps de l’appropriation, le temps de l’évaluation des politiques publiques. Lors des Assises, du temps était demandé pour la concertation et pour travailler entre degrés. Nous devrions penser le temps commun mais nous en sommes actuellement au temps pour chacun. Comment trouver le temps de se voir, ce temps commun nécessaire ? Pour faire réseau, pour que les personnes puissent se rencontrer et construire ensemble, il faut du temps. Du temps pour s’ouvrir à d’autres personnes, pour ouvrir les établissements aux parents d’élèves, pour inventer de nouvelles pratiques avec eux. Les nouveaux cycles vont également nous demander de travailler ensemble autrement. Il faut aussi du temps pour évaluer ce que l’on est en train de faire, des temps de travail régulateurs.

Élisabeth Laporte
Les outils d’évaluation ont-ils été conçus et intégrés ?

Marc Bablet
Il faut être clair. Le ministère doit évaluer le système et non les élèves. Au niveau national, la Direction de l’évaluation, de la prospective et de la performance (nouvelle appellation de la DEPP) continuera à travailler comme elle le fait actuellement. On sait qu’il y a un besoin d’outils partagés.
Cependant, il convient que chacun s’empare de la question de l’évaluation au niveau territorial. Dans beaucoup d’endroits, il existe des choses intéressantes. Par exemple, dans le Val-d’Oise, une évaluation est proposée à tous les élèves de CP afin d’estimer les besoins en lecture des élèves, ; dans l’académie de Rouen, des évaluations sont partagées pour tous les élèves de 5e. Il ne s’agit pas de faire de la surenchère évaluative mais de trouver un juste équilibre entre évaluation et action. Pour cela, il est conseillé de prendre appui sur le référentiel et de mener les évaluations avec bienveillance, comme aussi de faire la différence entre compétences et comportement.

Patrick Picard
Si la bienveillance doit s’exercer envers les élèves, il faut aussi qu’elle s’exerce envers les enseignants. Je filme souvent des pratiques de classe là où les des projets construits des enseignants n’ont pas suscité l’intérêt de leur hiérarchie. Beaucoup d’enseignants ont le sentiment d’être seuls.
La bienveillance ? Sommes-nous tous convaincus que les élèves peuvent apprendre ? Les enseignants enseigner ? La bienveillance existera pour les élèves lorsque elle existera également pour les personnels.

Patrick Gonthier
Il faudrait éviter les évaluations locales qui risquent de développer de l’indépendance ou une autonomie mal assurée. Il faut apprendre à les concevoir avec d’autres. Et l’on revient au temps et à sa nécessité pour la formation. On peut d’ailleurs s’interroger sur les trois jours prévus de formation et se demander si ils seront suffisants. Il faut une formation sur mesure, un suivi et un accompagnement, pour reprendre ce qu’avait dit Vincent Peillon. Le lien avec la recherche est également requis, on ne sait pas encore sous quelle forme mais il faut instituer les professionnels comme des intellectuels.

Patrick Picard
Le triptyque métier/formation/ recherche est un enjeu national pour le système éducatif. Former c’est lutter contre la formation précédente, casser l’idée que c’est quelqu’un d’autre qui va régler le problème. Comment articuler formation et accompagnement ? Beaucoup de textes intéressants ont été écrits autour de cette question comme ceux de Jean-Yves Rochex.
Je ne crois pas aujourd’hui que les universitaires soient prêts à accompagner les enseignants. Une articulation est nécessaire dans chaque académie avec une équipe aux savoirs efficaces. Ce qui est prioritaire c’est la formation des formateurs et pas celle des enseignants. Il faut former des ingénieurs de formation.

Élisabeth Laporte : En ce qui concerne la motivation ? Comment faire pour mobiliser les équipes et les responsabiliser ? Comment faire pour une adhésion forte ?

Marc Bablet
Je n’emploierai pas le mot « motivation » dans cette situation. C’est un mot difficile. Ce que nous avons perçu lors des Assises c’est une volonté partagée de réussir avec cependant des inquiétudes sur la difficulté particulière de réussir en Éducation prioritaire. Comment réussir la mobilisation des collègues et faire en sorte que cette mobilisation soit efficace ? Quelles pistes faut-il donner ? Quel accompagnement faut-il proposer ?
Le référentiel est une réponse à ces questions. Il est un héritage de ce qui se fait depuis très longtemps en Éducation prioritaire. Il ne donne aucune injonction, il propose des pistes, des perspectives de travail reconnues pour leur efficacité dans le dispositif, des repères émanant du temps des Assises. Cet outil n’est pas figé, il est appelé à évoluer dans le temps. Il sera notamment enrichi de fiches disponibles dans les académies.
En retour, les réseaux nourriront le référentiel avec des repères locaux validés par l’académie puis par le ministère via le site de l’Éducation prioritaire qui va être, lui aussi, refondé. La réponse à l’ensemble des questions posées se construira dans le travail de terrain et l’accompagnement. La motivation, elle, se trouve dans la satisfaction de la tâche réussie.
Quant à l’innovation, elle est utile mais ce ne doit pas être une innovation qui pertube. Permet-elle toujours une meilleure réussite ?

Patrick Gonthier
Les enseignants demandent des liens avec les personnes ressources pour avoir une discussion plus approfondie. Les apports sont indispensables, sinon on travaille en vase clos, on dispense un enseignement pauvre aux enfants pauvres. Après une forte période de lassitude, le dispositif « Plus de maîtres que de classes » et l’accueil des petits ont remobilisé les équipes. L’accueil des nouveaux arrivants nécessite aussi une ingénierie d’accueil académique.

Patrick Picard
Aujourd’hui, il n’est pas suffisant de réclamer ce qui n’existe pas. Il faut passer à l’acte.

Débat

Q - Qu’est ce qui fait qu’un établissement est en Éducation prioritaire ? Cette géographie donne l’impression que tous les critères n’ont pas été examinés comme cela aurait été nécessaire.

M. B. - La carte des 102 REP + a été élaborée en essayant de regrouper les établissements qui présentent le plus de difficultés. La politique de la Ville, elle, travaille sur un indicateur unique, celui de la pauvreté, c’est-à-dire la concentration des populations ayant des revenus inférieurs à 60% du revenu médian de référence. Les deux cartes sont convergentes mais elles trouveront une limite dans le fait que ce qui nous intéresse est la réussite scolaire.

Q - Quid de la formation initiale avec un volet spécial en ESPE ? On voit qu’il ne s’est rien fait dans le cadre de la formation initiale, que les personnes sont dans une désillusion absolue mais peut-être nécessaire pour trouver des formations qui correspondent à leurs besoins.

P. P. - En formation initiale, l’Éducation prioritaire n’est pas une préoccupation. Les formations proposées sot souvent liées à des champs idéologiques comme la violence et le harcèlement. Il y a deux ans, je me suis fait bousculer ici même parce que j’ai discuté le concept d’innovation sur plusieurs champs théoriques. Former des accompagnateurs, des formateurs recherche/formation/métier, oui, mais c’est extrêmement compliqué à construire. Il faut des formateurs de haut vol.

Q - À Angers, notre réseau est le seul du département. Le travail d’équipe existe depuis des années mais aucune réponse n’a été donnée à nos demandes d’accompagnement. Qui va s’occuper du réseau, renvoyer vers des ressources quand il n’y a pas de pilotage académique ?

E. L. - Sur l’académie de Créteil, nous travaillons à des modules spécifiques pour les nouveaux enseignants. La refondation est également l’opportunité pour nous de revoir la fonction de directeur d’école. Nous sommes en train de réfléchir à une certification pour les directeurs en REP et en REP+ qui attesterait de compétences particulières.

Compte rendu rédigé par Brigitte d’Agostini

 

Voir aussi

Journée OZP 2014. Atelier 1 : Un pilotage fort aux niveaux académique et national, pour renforcer le pilotage du réseau.

Journée OZP 2014. Atelier 2. Le référentiel, une référence commune et un outil pour construire et suivre les projets pédagogiques

Journée OZP 2014. Conclusion, par Marc Douaire, président de l’OZP : Refondation Assises...

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