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Un rapport du Sénat (Yannick Vaugrenard) sur la pauvreté, phénoméne héréditaire et qui touche de plus en plus les familles monoparentales

20 mars 2014

Comment enrayer le cycle de la pauvreté ? Osons la fraternité !

Rapport d’information de M. Yannick VAUGRENARD, fait au nom de la Délégation sénatoriale à la prospective
n° 388 (2013-2014) - 19 février 2014

En dépit d’un niveau de protection sociale élevé, de la conduite de politiques ciblées et de l’engagement non démenti de nombreuses associations caritatives, la pauvreté continue de progresser en France.

Amplifié par les effets destructeurs de la crise économique, ce phénomène touche désormais de nouveaux publics en difficulté, qu’il s’agisse des jeunes, des femmes élevant seules leurs enfants, des travailleurs pauvres, dont le nombre va croissant, ou des personnes âgées qui risquent d’être fragilisées davantage à l’avenir.

Plus grave encore, force est de constater aujourd’hui une hérédité de la pauvreté, qui se transmet de génération en génération et qui n’est pas acceptable. Comment enrayer ce cycle dramatique ? En se fondant sur de nombreuses auditions, des visites de terrain, des témoignages, des expériences locales ou étrangères, ce rapport se propose d’explorer des pistes et d’ouvrir des voies de réflexion pour apporter sa contribution à cette grande cause nationale qu’est la lutte contre la pauvreté et l’exclusion sociale.

 

[Extrait]

2. La monoparentalisation de la pauvreté
Par ce néologisme, Julien Damon28(*), consultant et professeur associé à Sciences Po, relève un changement notable dans la constitution sociale des ménages pauvres en France : désormais, depuis 2006, le nombre de personnes pauvres vivant dans des familles monoparentales est supérieur au nombre de pauvres vivant dans des familles nombreuses, composées de trois enfants ou plus. Pascal Noblet29(*), chargé de mission « Analyse stratégique, synthèses et prospective » à la direction générale de la cohésion sociale, fait d’ailleurs remarquer que la question des familles monoparentales était, voilà une vingtaine d’années, « quasiment taboue en France mais très présente aux États-Unis : entre ce qui est fait et ce qui pourrait l’être, il y a un gouffre ».

En 2010, 34,5 % des familles monoparentales, soit plus de 1,8 million de personnes, disposaient de revenus inférieurs au seuil de pauvreté à 60 % du revenu médian contre 11,2 % des personnes vivant en couple. Si l’on abaisse ce seuil à 50 % du revenu médian, les taux de pauvreté étaient respectivement de 21,7 % pour les familles monoparentales et de 5,9 % pour les couples.

À la tête des familles monoparentales, on trouve essentiellement des femmes, qui subissent une double précarisation, du fait de la sous-qualification des emplois, de temps partiels contraints, morcelés et peu rémunérés, et de la faiblesse, voire de l’absence, de versement de la pension alimentaire par le père.

Ci-dessous figure un exposé éclairant de Christine Kelly, membre du Conseil supérieur de l’audiovisuel, présidente de la fondation K d’urgences, sur la situation de ces femmes seules avec enfants.

Intervention de Christine Kelly lors de l’atelier de prospective
« Pour donner leur chance aux adolescents des quartiers sensibles »,
organisé le 30 mai 2013 par la délégation à la prospective

« Je n’oublierai jamais les femmes que j’ai rencontrées, comme cet agent de police à Nanterre, Agnès, trente-trois ans, vivant seule avec un enfant de sept ans, gagnant 1 100 euros par mois et heureuse d’avoir un emploi. Sa garde d’enfant coûtait 750 euros par mois, parce qu’elle travaillait en horaires décalés et habitait loin de son lieu de travail. Il lui restait 450 euros pour vivre. Voilà la réalité vécue par cette femme, qui est pourtant fonctionnaire.

« En France, les familles monoparentales représentent un cinquième, voire un quart des familles. Elles sont composées, pour 85 % d’entre elles, de femmes. Elles sont au total deux millions de familles, un chiffre qui a presque triplé en l’espace de quarante ans.

« Tout le monde ici connaît au moins une famille monoparentale. Mais personne n’en parle. J’ai commencé à mener ce combat il y a trois ans pour mettre un terme à ce silence. Plus je creusais la réalité du terrain, plus je découvrais qu’il fallait agir. Pour rejoindre le sujet qui nous réunit aujourd’hui, les enfants des familles monoparentales feront, eux aussi, la France de demain. Bien sûr, tous ne sont pas dans des situations de détresse. On peut réussir lorsque l’on a grandi dans une famille monoparentale. Toutefois, comme je l’ai écrit dans mon ouvrage Le scandale du silence, ces familles sont les premières victimes de la crise, de la pauvreté et du surendettement. Comme personne n’en parlait, j’ai dû mener des enquêtes, des recoupements, pour faire état de ces réalités. [...]

[...] CONCLUSION

• TROIS OBJECTIFS, DOUZE PRÉCONISATIONS, POUR UN SCÉNARIO DE RUPTURE
•1. Rendre l’appareil statistique plus réactif
•2. Remettre la question des inégalités au coeur du débat
•3. Consacrer la primauté du politique
•4. Automatiser le versement des prestations sociales
•5. Agir en priorité en faveur des enfants
•6. Accorder leurs droits sociaux aux jeunes adultes
•7. Instituer un référent unique pour l’accompagnement des personnes en détresse
•8. Mobiliser l’État, les collectivités et les associations dans une action collective et coordonnée
•9. Généraliser le principe de participation des personnes pauvres aux politiques qui leur sont destinées
•10. Fluidifier les échanges de données pour simplifier les procédures
•11. Libérer les initiatives et promouvoir l’expérimentation
•12. Systématiser l’évaluation des actions et des acteurs

Extrait de senat.fr du 19.03.14 : Comment enrayer le cycle de la pauvreté ?

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