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Le compte rendu de l’université GFEN par le Café : Interroger l’habitus (J. Bernardin), Individualisation et individualité, notamment en EP (J.-Y Rochex) ; la formation continue (P. Picard)...

22 juillet 2013

Jacques Bernardin, président du GFEN
[...] « Il faut interroger l’habitus professionnel et cela passe par trois points : d’abord, repenser la transmission du savoir, comme savoir vivant et savoureux, redonner sens à apprendre, redécouvrir le savoir comme conquête humaine et conquête de soi. C’est le point aveugle de la réflexion actuelle.
Le deuxième point, interroger les modalités de l’apprentissage, le rapport entre l’individu et les autres dans l’acte d’apprendre et au service du développement : l’individualisation, telle qu’elle est prônée par les doxas actuelles, nous inquiète. Ce mode de préceptorat a vécu, qui renvoie les élèves à la solitude. Si personne ne peut apprendre à ma place, je ne peux apprendre sans les autres. Ce sont tous les apports de Vigotski et Wallon, entre autres.
Troisième point : la formation, pièce maitresse du dispositif de cette université. Sans interrogation des allant-de-soi, chacun reproduit les modèles dominants ou ceux qu’il a vécus comme élèves, et reproduit à son insu les inégalités sociales. Comment imaginer autrement la formation ? Le GFEN compte bien jouer tout son rôle, promouvoir le capital de réflexion et d’expérience du mouvement ! »

 

Jean-Yves Rochex (Paris 8)
Sortir de la logique d’individualisation

La journée se termine par une conférence de Jean-Yves Rochex, psychologue, professeur en sciences de l’éducation à l’université Paris 8. L’individualisation va à l’encontre de l’individualité. « Je pourrais faire une heure de citations pour montrer le « champ sémantique récurrent » que l’école de la modernité doit s’adapter à la diversité des caractéristiques individuelles, talents, motivation, pour que chacun puisse « trouver » sa voie de réussite, découvrir son excellence propre….
Au delà de cette réthorique, on a l’idée que c’est la diversité qui est première, à laquelle doit répondre la diversification scolaire... ». Il est important de réfléchir comment cette thématique est devenue une catégorie de l’action publique, qui oriente la reconfiguration des politiques éducatives, en éducation prioritaire par exemple.
Trois âges se succèdent : on passe d’une logique de compensation éducative (donner plus à ceux qui ont moins) pour les milieux supposés déficitaires sur un territoire donné, à une logique « d’égalité des chances », avec les compétences-clés, le socle commun. Le territoire devient un problème, on crée des méta catégories qui en englobent d’autres, les élèves « à risque ». La maximisation des chances de réussir pour les individus fait glisser du territoire vers l’individu et amène une multiplication des catégories ciblées par les politiques publiques : « enfants de réfugiés », enfant à besoins éducatifs spéciaux, dys…, élèves doués ou talentueux, garçons, « à risque d’abandon… ».

Du coup , il faut repenser le rapport entre le sujet et le social, entre le sujet et le commun, la norme. Le sujet est produit dans et par les normes. |...]
[...] Pour finir sur un aspect plus pédagogique, nous dit Rochex, pour sortir de cette logique d’individualisation, il faut passer de l’origine à la nature des difficultés des élèves, ne pas avoir le souci de chacun mais le souci du développement de chacun, le développement relevant de la pluralité des modes d’échanges entre un individu et un milieu.

 

Patrick Picard (directeur du centre Alain Savary)
L’Ifé travaille avec la DGESCO, des DSDEN, des rectorats pour construire des formations, accompagner les équipes, créer des dispositifs pour « gagner une marche » vers la démocratisation : le plus de maitres que de classes, la scolarisation des tout-petits, les cycles inter-degrés, l’école inclusive. Comme le dit Jean-Paul Delahaye, « Notre principale difficulté, c’est de faire réussir les enfants de pauvres ». La refondation est avant tout pédagogique.

Sur la question du métier, tout est affaire d’articulation. Il faut articuler 3 niveaux : comprendre le travail des élèves, des enseignants et des pilotes. Mais le travail mutuel en intermétiers est complexe à mettre en oeuvre. Il faut aussi articuler les différents niveaux du pilotage national, académique et local dans une déclinaison pensée.

Pour penser la formation, il est nécessaire de prendre en considération :
- lire ensemble le réel du métier, comprendre la complexité des situations
faire connaître le prescrit, l’impersonnel, comme dit Clot
- partager les références, les théories dans beaucoup de domaines (sociologie, didactiques, analyse du travail, psychologie, pédagogie), organiser, ranger, mettre en controverse. Il n’y a pas La recherche, mais des recherches, multiples, parfois contradictoires. Il faut un étage intermédiaire d’ingénieurs pour faire des ponts entre la recherche et la formation, mettre des mots sur les choses pour pouvoir les penser.
- oser les outils : des nouveaux outils émergent, Néopass@ction par exemple, plateforme de ressources en ligne pour la formation.
- accompagner les gens dans la durée.

Patrick Picard conclut : « Il faut développer des espaces pour poser les dilemmes, construire la professionnalité des formateurs, comprendre les problèmes de travail des différentes catégories. Plutôt que de parler de référentiel de compétences, je parlerais de référentiel de dilemmes ou de situations vives ».

 

Il ne reste plus au troisième jour que les instances « officielles » du mouvement, procéder aux votes statutaires. Jacques Bernardin est réélu pour trois ans. Avant de quitter le « paquebot », il fixe un cap au GFEN : rendre populaire le « Tous capables », mutualiser les réflexions, retrouver le plaisir de la création professionnelle, s’inscrire dans un intellectuel collectif, inscrire son action dans un horizon plus large. Il cite René Char : « Il y a deux conduites dans la vie, ou on la rêve ou on la vit ».
Isabelle Lardon

Extrait de cafepedagogique du 19.07.13 : http://www.cafepedagogique.net/lexp...

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