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François Dubet, pour la Tribune, traite longuement des inégalités scolaires, des enseignants, de la discrimination positive... Un constat alarmant sur l’état de l’école et de la société française

14 mai 2013

"En panne de projet moral et éducatif". Voilà, selon le sociologue spécialiste de l’enseignement, la principale explication à la déliquescence du système français. Un système perclus d’incohérences, sclérosé par la machine administrative, les revendications corporatistes et la rhétorique doctrinaire, ébranlé par les bouleversements sociétaux, scellé dans son immobilisme, son rejet de l’innovation, et l’indifférence pour ses meilleurs éléments. Un système que particularisent un intellectualisme inapproprié, l’abandon des devoirs, la reproduction des élites, un ostracisme inepte pour le capitalisme et l’entreprise, in fine la relégation au second rang de l’objet même de ce qui fut une vocation : donner aux jeunes les armes de se construire, de trouver une place dans la société, d’être acteurs de la démocratie.

Bref, selon le directeur d’études à l’EHESS, "héritier" d’Alain Touraine, un système incompatible avec la double obligation de réformer et de juguler les illégitimes inégalités. Comment, dans un tel terreau malthusien et nihiliste, espérer en France fertiliser l’esprit d’entreprendre ? "Et pourtant, soupire François Dubet, les conditions de l’aggiornamento sont connues". Peut-on espérer les appliquer ?

 

[...] L’ostracisme, délétère, dont sont frappés les "exclus" du système éducatif, semble produire d’insoupçonnées répercussions. Ainsi, de même que les élites se sentent légitimes à participer au débat scolaire, les "échoués" ne se donnent pas le droit d’intervenir pour le propre compte de leurs enfants et s’excluent eux-mêmes du débat. La logique de "reproduction" affecte toutes les strates...

C’est dramatique. Et les manifestations sont multiples. Pourquoi les grandes confédérations syndicales interprofessionnelles défendant la classe ouvrière et a priori tout à fait légitimes sur le sujet de l’école, se taisent, considérant que ce dernier "appartient" aux enseignants et donc relève des compétences des organisations corporatistes ? C’est incompréhensible, surtout quand l’école ne traite pas très bien les enfants de la classe ouvrière. Mais l’école se voit attribuer un rôle sacré, une fonction de salut : on la charge de résoudre la plupart des problèmes sociaux, d’améliorer les mœurs et l’hygiène alimentaire, de développer l’économie et l’éthique personnelle, d’instaurer la mixité sociale et la tolérance, bref de "sauver" les gens et même le monde. Ceux qui échouent et n’en sont pas dignes deviennent donc coupables de commettre une faute morale.

[...] je souscris à l’évaluation de l’établissement. Ainsi pourrait-on récompenser ou sanctionner le projet éducatif dont la qualité résulte de la volonté de chaque enseignant de contribuer à un dessein collectif. Ainsi est-on personnellement concerné par le comportement et l’engagement, positifs et négatifs, de son confrère. Dans ces conditions, toutes les difficultés professionnelles ne pourraient être ignorées et les enseignants pourraient être aidés... Cette dimension permettrait aussi de développer une solidarité entre professeurs, trop souvent anémique.

[...] Pour l’essentiel, les inégalités scolaires sont le produit des inégalités sociales, et donc diminuent ou progressent proportionnellement à la réduction ou à l’accroissement de ces dernières. Or en France, au contraire du Canada, l’envergure des inégalités scolaires est bien supérieure à celles que laissent supposer les inégalités sociales. En cause : une culture scolaire sélective, et la perception qu’il n’existe aucune autre opportunité de réussite que l’école.

[...] Les dispositifs visant à saupoudrer dans les prestigieux établissements quelques poignées de jeunes méritants issus des quartiers défavorisés ne sont pas inutiles mais font office de poudre aux yeux et ne résoudront aucunement le problème ; le véritable enjeu porte sur la qualité de l’enseignement dispensé à ceux qu’on envoie en lycée professionnel dès la troisième. Or ils sont chaque année plusieurs dizaines de milliers, et sont dans, leur immense majorité, issus de catégories sociales désavantagées.

Extrait de latribune.fr du 13.05.13 : François Dubet : l’école est en péril

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