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"Pourquoi moi ? L’expérience des discriminations", par François Dubet, Olivier Cousin, Eric Macé, Sandrine Rui (Le Seuil, 2013, 384 p.)

20 février 2013

Qu’il s’agisse d’inégalités de traitement en fonction du sexe, de la race, de la sexualité, de la religion, de l’origine, des handicaps, de la santé… les discriminations sont aujourd’hui perçues et combattues comme la figure centrale des injustices. S’il est indispensable de les décrire et de les mesurer, il faut aussi que l’on sache mieux comment elles sont vécues par celles et ceux qui les subissent. L’écart est grand, en effet, entre les inégalités objectives et la manière dont les personnes les ressentent et, surtout, dont elles les tiennent pour justes ou injustes.

Pourquoi moi ? s’efforce de rendre compte de ce vécu plus divers qu’il n’y paraît. De l’« expérience totale » qui fait de la discrimination le cœur de l’identité et du rapport au monde des individus à la distanciation que d’autres parviennent à installer grâce à un ensemble de stratégies et de tactiques, se déploie un espace de discriminations vécues de façon plus ou moins intense.

Ces expériences sont déterminées par le jeu complexe des conditions sociales. Ainsi les plus discriminés ne sont pas nécessairement ceux qui éprouvent les sentiments d’inégalité les plus aigus. La comparaison entre l’école et l’hôpital montre que les discriminations sont perçues de façon très différente dans ces institutions pour lesquelles la diversité des cultures et des personnes ne constitue pas le même enjeu.

Les discriminations et les luttes qu’elles entraînent révèlent de profondes transformations de notre vie sociale et de nos subjectivités ; non seulement elles dévoilent des injustices intolérables, mais elles montrent comment les individus essaient de se construire comme les sujets de leur liberté et de leur identité quand l’ordre social perd de son unité et de son ancienne légitimité.

François Dubet, Olivier Cousin, Eric Macé et Sandrine Rui sont enseignants à l’Université de Bordeaux Segalen, chercheurs au Centre Émile-Durkheim et associés au CADIS à l’EHESS.

La présentation éditeur

 

[...] le fait est que l’école est une machine à fabriquer des inégalités. Le système est ainsi fait : les écoles reflètent les particularités socio-éthniques des quartiers qui les entourent. On y trouve donc des profils sociologiques identiques d’enfants éprouvant les mêmes difficultés scolaires, soufrant du même échec à la clé. Les élèves d’origine étrangère le savent, bien sûr. Du coup, ils se mettent à interpréter tous les incidents de la vie scolaire comme une traduction de la xénophobie supposée des enseignants.

Le fait est pourtant, écrivez-vous, que l’école française « ne sait pas quoi faire des différences ».
Absolument. La massification de l’enseignement a conduit les petits Français à passer de longues années à l’école, quelle que soit leur origine sociale, culturelle, religieuse, etc. Or les enseignants ne sont pas formés pour composer avec les spécificités des uns et des autres. Cela pousse certains à souhaiter un retour de l’« école sanctuaire » où les problèmes sociaux, culturels et personnels n’existeraient pas. Mais c’est une fiction, car la société envahit l’école !

Extrait de nouvelobs.com : Qu’est-ce que ça signifie être discriminé

 

Finement, l’enquête rend compte de la différence entre stigmatisation et discrimination : les femmes, par exemple, sont discriminées dans leur parcours professionnel mais peu stigmatisées. Inversement, Sandy, qui se présente comme Noire et comme "grosse", a tout pour être stigmatisée mais elle se sent peu discriminée au travail. Elle ajoute : "Pour un poste d’auxiliaire de vie, je pense que les gens s’attendent à voir un Noir ou un Arabe."

Extrait du Monde des livres du 22.02.2013 : Dans la tête des discriminés

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