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Extrait du « Monde » du 03.07.05 : le premier ministre se prononce contre la discrimination positive
Il prend ostensiblement son temps. Le temps de saluer, puis d’interroger chacun de ses interlocuteurs, avant d’écouter posément leurs réponses ; les encourageant d’un sourire, sans jamais les interrompre. Ni, a fortiori, porter le moindre jugement.
En se comportant ainsi, Dominique de Villepin ne saurait mieux rappeler l’impétuosité de son rival : l’effet de contraste est autrement plus efficace qu’un rappel à l’ordre. Le premier ministre a donc pris tout son temps, vendredi 1er juillet au Havre, avant de répliquer haut et fort à Nicolas Sarkozy sur le terrain de la discrimination positive. Ce concept, a-t-il déclaré en fin d’après-midi, "n’est pas du tout la philosophie qui est celle de notre République. »
Accompagné du ministre délégué à la promotion de l’égalité des chances, Azouz Begag, et du maire (UMP) du Havre, Antoine Rufenacht, M. de Villepin avait entamé sa visite par un déjeuner ¬ hors présence de la presse ¬ avec des élus du département. Puis il s’est rendu dans le centre d’appel Nestor et Nelson. Créée en 1997 en zone franche, cette PME a dû recruter pour partie dans le quartier de "la mare rouge", afin d’obtenir en contrepartie des baisses de charge. La fiche de présentation distribuée à la presse livrait un premier aperçu du message du jour. "Politique de recrutement, y lisait-on, pas de discrimination positive ¬ volonté de donner sa chance à toute personne motivée, fortes perspectives d’évolution interne."
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"Ce n’est même plus un problème d’ethnie, c’est un problème de secteur. Les entreprises sont méfiantes", témoignait un responsable de l’association Emergence, qui sert d’interface entre les jeunes des quartiers et les entreprises susceptibles de les accueillir.
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C’est ici, sur les types d’incitation que pourraient mettre en oeuvre les pouvoirs publics, que divergent ¬ au moins sur les mots ¬ les chemins envisagés par le chef du gouvernement et son numéro deux, Nicolas Sarkozy. M. de Villepin s’en est longuement expliqué en fin d’après-midi, en réponse à une question d’un journaliste.
"Ne nous méprenons pas sur le sens des mots : la discrimination positive donne une place à quelqu’un en fonction de sa race ou de son ethnie", a expliqué le premier ministre, en précisant que "ce n’est pas du tout la philosophie de la promotion de l’égalité des chances" qui, elle, est "au coeur du pacte républicain".
"Ce n’est pas au nom de l’appartenance à une minorité, à un groupe, parce qu’on est d’une certaine race ou d’une certaine ethnie, que l’on va avoir un emploi ou une place dans telle ou telle école. C’est parce qu’on le mérite, parce qu’on a fait l’effort nécessaire", a affirmé le chef du gouvernement. "Nous tenons à la défense du mérite", a-t-il insisté.
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Peinant quelque peu à en décrire les contours, le chef du gouvernement a poursuivi en négatif : "Ce ne sont pas des aides artificielles, ce ne sont pas des places réservées sur des étagères qui, nécessairement, introduiraient un sentiment d’injustice et d’inégalité."
Et Dominique de Villepin d’enfoncer le clou : "Si l’on doit créer des discriminations, créer des inégalités dans l’espoir d’améliorer les choses, eh bien, on créera aussi de l’injustice et de la jalousie."
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Jean-Baptiste de Montvalon