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N°496 - Décrocheurs, décrochés
Coordonné par Sandrine Benasé-Rebeyrol et Julien Servois
Qu’est-ce qui se joue et se noue pour l’enfant, qui peut aboutir à un refus de l’école et de ses apprentissages ?
Comment repérer les premiers signes de la désaffection scolaire ?
Que peut la pédagogie pour l’éviter ?
Quelles actions, quelles initiatives, quels bricolages à l’échelle des établissements et des équipes pour anticiper et gérer les processus de décrochage ?
LE SOMMAIRE
Avant-propos
Le « décrochage » est à la mode dans le monde éducatif. Les recherches se sont multipliées ; un volume de la collection « Que sais-je ? », rédigé par Pierre-Yves Bernard, lui est consacré ; le vocable même s’est diffusé dans l’opinion publique ; la reconnaissance institutionnelle arrive en 2009 avec l’inscription du concept dans le Code de l’éducation.
Enfin, le ministère de l’Éducation nationale s’est récemment félicité d’avoir stabilisé et rendu opérationnelle la définition du décrochage scolaire : le SIEI (Système interministériel d’échanges des informations) mis en place en 2010 pour repérer les décrocheurs, cible ainsi « les jeunes de plus de 16 ans, scolarisés l’année précédente, qui ont quitté une formation de niveau IV ou V sans avoir obtenu le diplôme correspondant ». Le décrochage cesserait donc d’être un concept flottant ; il concerne désormais un ensemble d’individus dénombrables et repérables, pour lesquels des plateformes de suivi vont apporter des solutions. [...]
Un processus qui conjugue une pluralité de causes : personnelles, familiales, sociales et scolaires. C’est un enchevêtrement de responsabilités, qu’il faut analyser globalement comme dans chaque situation particulière. C’est un révélateur de dysfonctionnements de l’école, de problèmes sociaux, portés à leur paroxysme dans le cas de jeunes plus fragiles que d’autres, pour des raisons structurelles ou conjoncturelles.
D’où, nécessairement, une pluralité des réponses à envisager. Les acteurs de terrain, qu’ils soient hors l’école (collectivités territoriales, associations, etc.) ou dans l’école inventent et proposent toute une palette de dispositifs de lutte contre ce décrochage. Mais, malgré les bonnes volontés, les bilans restent finalement très mitigés et les succès rares : prendre en charge le décrochage et ces multiples facteurs, parfois hors scolaires, ne doit pas faire oublier tout ce qui se joue dans la classe et dans la relation pédagogique.
Décrocher de l’école est souvent, du point de vue du premier concerné, une façon de se protéger, de se soustraire à une situation devenue insupportable. L’amener à renouer avec les apprentissages ne pourra se faire qu’en adaptant soigneusement le cadre proposé, quelle que soit la structure d’accueil. Ce n’est pas qu’une question d’insertion socioprofessionnelle de jeunes sans diplôme, c’est notre conception de l’éducation et de la formation qui est en jeu.
Trajectoires
Dans la relation pédagogique
Entrées par les savoirs
Agir hors de l’école
Politique du décrochage
Les articles à lire en ligne
Note du Qdz : en gras, les articles concernant directement l’Education prioritaire et/ou les expériences à l’étranger.
Un décrocheur est, à mon sens, un élève qui cumule deux particularités : il manifeste un refus affirmé de l’école ; ses parents n’ont pas la volonté ou le pouvoir de le contraindre à la fréquenter.
Ma place d’enseignante spécialisée G en maternelle et élémentaire, âge où les élèves, fort heureusement, ne décrochent pas encore, ne me permet pas d’énoncer des vérités définitives sur la question. Mais je me permettrai d’avancer quelques hypothèses, basées sur ma connaissance des élèves en difficulté en primaire, quant à la construction probable de ce décrochage, aux indicateurs susceptibles de nous alerter et aux stratégies préventives.
[...] Ce programme n’est pas une solution « miracle » au problème du décrochage scolaire, mais une alternative préventive qui a déjà fait ses preuves outre-Atlantique. Par ailleurs, il ne prétend pas être le seul type de réponse au décrochage scolaire pour lequel de nombreux acteurs sont déjà mobilisés. Ainsi, « la contribution la plus importante d’Alternative Suspension à la persévérance scolaire, réside dans sa capacité à identifier les défis propres à chaque élève, de stimuler la réflexion entre l’école et les parents, et d’aider ces acteurs dans l’identification de ressources extérieures supplémentaires appropriées » (Extrait du Rapport final d’évaluation du 31 juillet 2011, Cabinet CAC International et Groupe Conseil Interalia, Montréal).
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Depuis dix ans, le programme « Réussite pour tous » soutient des structures spécifiques pour raccrocheurs telles que les microlycées et le pôle innovant lycéen à Paris, et subventionne des projets développés dans le cadre ordinaire des établissements scolaires. Une recherche universitaire [1] permet de dresser un bilan de ce programme et de prendre la mesure des effets de l’intervention de la Région dans un domaine qui traditionnellement relève uniquement de l’action de l’État. [...]
L’analyse des dossiers déposés auprès de la Région fait apparaitre des actions d’ampleur, d’ambition et d’échelle très variées : de la création de dispositifs spécifiques pour décrocheurs, de structures plus ou moins pérennes, à des actions ponctuelles dans une classe. Certaines d’entre elles concernent une classe ou un niveau, d’autres ne s’adressent qu’à deux ou trois élèves de la classe repérés comme en risque de décrochage. Ces projets font appel parfois à des intervenants extérieurs (comédien, animateur, formateur de français langue étrangère), la plupart prennent la forme d’ateliers périscolaires ou culturels. [...]
Les bilans dans l’ensemble sont positifs. Chefs d’établissements, partenaires, enseignants et élèves, pratiquement tous souhaitent la reconduction des actions parfois avec des remaniements. Cependant, on notera que, pour certains enseignants, le programme pallie avant tout l’insuffisance des moyens octroyés par l’Éducation nationale. Pour les enseignants, ces projets ont des effets positifs en termes d’amélioration de l’estime de soi, d’une plus grande confiance dans l’équipe enseignante, d’une meilleure insertion dans la communauté éducative, mais les effets sur les performances scolaires viendraient en second. Les enseignants signalent que, même lorsqu’elles sont connues des collègues, leurs actions affectent peu la vie de l’établissement et n’engendrent pas d’interrogations sur son fonctionnement.
Les élèves ont aussi une vision positive de « Réussite pour tous ». Ils souhaitent sa reconduction ou être impliqués dans d’autres projets. Ils disent en tirer des bénéfices personnels, psychologiques et relationnels. Pour autant, ils sont une minorité à participer davantage en classe et à obtenir de meilleures notes, et surtout ils ne se sentent pas plus affiliés à l’école. Malgré ses limites, « Réussite pour tous » a des effets très importants pour la scolarité des élèves. Se réconcilier avec l’école aide à une réconciliation avec soi-même. Des enseignants prennent la peine de mettre en place un dispositif spécifique, une plus grande confiance mutuelle se développe, les relations entre adultes et élèves s’améliorent : tout cela fait naitre le sentiment, selon l’expression d’un élève, « que l’on est pas complètement nul ».
Mais parallèlement à cette renarcissisation des élèves, il faut parler des effets sur les enseignants. Comme signalé plus haut, nombreux sont les projets qui partent du diagnostic explicitement affiché d’un malaise chez les enseignants, tant ils se sentent démunis devant les difficultés rencontrées par leurs élèves. Dans les projets « Réussite pour tous », des enseignants trouvent une nouvelle raison de faire et quelques moyens pour faire.
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Présentation d’un guide de prévention du décrochage scolaire élaboré par un organisme québécois, qui se veut un outil d’information et d’intervention pratique et efficace destiné à trois clientèles cibles : l’école, les parents et les élèves.
Produit par le CTREQ (Centre de transfert pour la réussite éducative du Québec) 2004, rééd. 2007.
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[...] Trois types de résultats
Tout d’abord la grande diversité des publics passés par la MGI. Loin de l’image stéréotypée du jeune prédélinquant trainant dans la rue, cette enquête dresse le portrait d’une jeunesse très diverse, même si elle a en commun une certaine forme de marginalisation scolaire : diversité sociale, même si la majorité des jeunes en rupture scolaire viennent de milieux populaires, mais également, et c’est plus surprenant, diversité scolaire. Les chemins qui mènent au décrochage sont divers, de la grande difficulté scolaire précoce à l’orientation subie, et surtout ces chemins peuvent être relativement « silencieux », parfois difficiles à repérer en amont.
Le deuxième résultat porte sur l’appréciation que portent les jeunes sur le dispositif, tout au moins pour ceux qui ont suivi de manière régulière une mesure. Les questionnaires révèlent un taux de satisfaction plutôt élevé. Comme l’exprime une jeune fille interrogée en entretien, « ils apprenaient différemment je trouve. Les profs étaient vraiment différents […] c’était plus individuel et là au moins il n’y avait pas de notes. […] ça m’a encouragé et, à partir de là, j’ai commencé à apprécier les cours parce que je voyais que j’y arrivais. »
Les derniers résultats portent sur les effets des dispositifs. Ces effets sont assez contrastés selon le niveau de formation atteint au moment du repérage. Comme on l’a dit plus haut, il y a une forte hétérogénéité des publics sur ce plan, le décrochage pouvant se manifester au niveau du collège, ou à l’autre extrémité en fin de section générale de lycée. Pour les jeunes les moins qualifiés scolairement, le suivi de mesure ne semble avoir aucun effet significatif sur le parcours postérieur. Pour les autres, l’effet des mesures est surtout un effet de raccrochage en formation, scolaire ou en apprentissage.
L’enseignement qu’on peut en tirer est que la MGI, plus qu’une institution d’insertion à proprement parler, est d’abord une structure de seconde chance permettant le retour en formation d’élèves ayant connu une rupture dans leur parcours, sans que cette rupture ne s’ancre dans des difficultés scolaires précoces. Pour ces élèves, l’action spécifique et réparatrice des mesures donne des indications sur les orientations possibles pour les pratiques professionnelles dans l’ensemble du système éducatif, dans une perspective plus structurelle de prévention du décrochage scolaire. Pour les élèves le plus en difficulté, les résultats mitigés de l’action de la MGI signalent le rôle décisif des premiers apprentissages, et soulignent les enjeux autour des pratiques pédagogiques dans l’enseignement élémentaire.
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Extrait du site des Cahiers pédagogiques : Décrocheurs, décrochés