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Le poste de CPE sauvé par la grève dans la ZEP d’Aubervilliers (93)

2 avril 2005

Extrait de «  L’Humanité » du 02.04.05 : quand Wallon a sauvé son CPE

Conseiller principal d’éducation (CPE) à la cité scolaire Henri-Wallon d’Aubervilliers, en Seine-Saint-denis, Rémi Duloquin aurait perdu son poste s’il n’y avait eu cette semaine de grève...

Rémi Duloquin a eu chaud. Et avec lui, toute la cité scolaire Henri-Wallon d’Aubervilliers (Seine-Saint-Denis). Voilà une semaine encore, ce conseiller principal d’éducation (CPE) pouvait plier bagages, quitter cet établissement où il exerce depuis plus de quatre ans. Il était sur la liste des sept postes de CPE supprimés en Seine-Saint-Denis dans le cadre d’un redéploiement orchestré par l’inspection académique. Mais Rémi, épaulé par les collègues, les élèves et leurs parents, ne l’entendait pas ainsi. Son poste a finalement été maintenu. Après une semaine de grève générale. Et une volte-face ubuesque de l’inspection.

Au fond, le poste de Rémi est symbolique. Il fait partie de ceux acquis de haute lutte en 1999, dans le cadre d’un vaste plan de rattrapage en Seine-Saint-Denis. À l’époque, Henri-Wallon vient d’être classé en zone d’éducation prioritaire (ZEP). « La présence d’un deuxième CPE s’imposait, raconte Rémi. Dans cette cité scolaire difficile, il n’y avait qu’un seul chef d’établissement et deux adjoints pour deux structures administratives distinctes, collège et lycée. » Environ 450 élèves, âgé de onze à vingt ans.

Cette création de poste influe positivement sur l’ambiance. L’inspecteur d’académie en personne loue la présence de ce deuxième CPE. « Il a lui-même déclaré que cela contribuait à la "pacification" de l’établissement », se souvient Rémi. Et pourtant. Lorsque, récemment, est mis en oeuvre le redéploiement des personnels dans les collèges du département, ce même inspecteur n’hésite pas à mettre sur la liste des postes visés celui de Rémi. La décision fait aussitôt bondir Henri-Wallon. Le 22 mars, les 130 enseignants débrayent pour une durée illimitée.

Les arguments avancés par l’inspection académique attisent la colère. Classée en ZEP et comptant plus de 450 élèves, la cité scolaire doit, de fait, bénéficier de deux CPE. Qu’à cela ne tienne, pour justifier cette suppression, l’inspection académique brandit d’hypothétiques prévisions : une baisse d’effectif de soixante enfants prévue pour... 2008 ! « Pour qui connaît la mobilité des populations en Seine-Saint-Denis, l’argument prêterait presque à rire, soupire Rémi. L’inspection a déjà du mal à prévoir les effectifs de juin à septembre ! Alors sur trois ans... » (Le dernier recensement a montré que la population de la ville a augmenté de 10,6 % - NDLR.) Sur ces cinq dernières années, les prévisions se sont révélées fausses à quatre reprises, à chaque fois, dans le sens d’une sous-estimation.

En fin de semaine dernière, une délégation d’Henri-Wallon rencontre finalement l’inspecteur d’académie. Réunion tendue. « Il a reconnu nos arguments, se souvient un membre de la délégation, mais il a renvoyé toute décision au CTPD (comité technique paritaire départemental) qui devait se tenir le mardi suivant. » Entre-temps, la mobilisation ne faiblit pas dans l’établissement. Avec ses moments de solidarité. Vendredi dernier, veille de week-end pascal, les parents d’élèves prennent le relais de la contestation. Ce qui évite ainsi aux enseignants de tomber sous le coup de l’arrêt Aumont, qui étend le non-paiement des jours de grève aux samedis, dimanches et jours fériés.
Mardi dernier, donc, nouvelle réunion, nouvelles tensions. Et puis, au retour d’une énième suspension de séance, l’inspecteur d’académie cède : le redéploiement en Seine-Saint-Denis, jure-t-il, s’opérera sans suppression de poste, y compris celui de Rémi. Une véritable volte-face sur laquelle le CPE d’Henri-Wallon ne veut pas s’étendre. Même si, il le sait bien, le bouillonnement lycéen, particulièrement vif dans le département, n’y est pas pour rien.

Depuis mercredi, les cours ont repris à Henri-Wallon. Rémi est à son poste. Et constate, un brin dégoûté : « Au bout du compte, j’éprouve un vrai sentiment de gâchis. On a été obligé de faire une semaine de grève, et tout ça pour quoi ? Même pas pour réclamer des moyens supplémentaires, mais juste pour conserver ce qui existe déjà et qui permet aux gamins d’étudier dans de bonnes conditions. C’est fou... »

Laurent Mouloud

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