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Le curieux parcours de Carole Diamant passe par une ZEP

2 avril 2005

Extrait de « VousNousIls » du 01.04.05 : Carole Diamant : de la Cité de Platon à la cité de banlieue

Prof de philo en ZEP, conceptrice d’émissions de télévision, membre d’un cabinet ministériel, chroniqueuse littéraire, Carole Diamant mène plusieurs vies. Une expérience dont elle s’est nourrie pour écrire, à 51 ans, Ecole, terrain miné (éditions Liana Lévi).
Difficile de résister à la tornade Carole Diamant. Et rares sont ceux qui peuvent se targuer de ne pas avoir succombé à l’énergie, à la détermination et à "la force du désir" de celle qui est devenue prof de philo "par hasard" tout en multipliant les activités hors de l’Education nationale "parce que la vie est trop courte".

Un début en Afrique

Carole Diamant est devenu enseignante en Afrique, en 1977. Installée à Abidjan, à une époque "où on rêvait beaucoup d’ailleurs", sans autre projet que de suivre l’homme qu’elle aime, elle trouve un poste d’enseignante au "collège"1 Mermoz. La jeune licenciée en philo devient prof de lettres et se voit confier des élèves de toutes nationalités (63 au total dans l’établissement). Elle se trouve ainsi confrontée à des cultures totalement différentes de la sienne. "J’ai du apprendre à faire avec des enfants qui savent plein de choses dont j’ignore tout", se souvient Carole Diamant.

Son séjour africain dure dix ans. Le temps de faire deux enfants. Le temps également, pour celle qui n’envisage pas l’enseignement comme une vocation, de se faire titulariser. "A mon insu", insiste Carole Diamant, "c’est M. Padovani, le proviseur du collège Mermoz, qui a fait les démarches en me disant : “vous êtes faite pour ce métier et vous me remercierez plus tard”.

Effrayée par les lycées qui "transpirent la violence"

En 1989, elle rentre à Paris pour que ses enfants y poursuivent leur scolarité. Elle souhaite alors changer d’horizon professionnel et devient chargée de communication du groupe L’Etudiant, pour qui elle avait travaillé bien des années plus tôt. L’expérience dure un an. L’entreprenante jeune femme décide alors de monter un projet d’émission de télé avec l’Onisep. Un an de travail pour rien ou presque car, au dernier moment, le projet capote.

Carole Diamant décide alors de revenir à ce qu’elle sait "faire de mieux" : enseigner. Premier poste à Créteil. Puis ce sera Aubervilliers. "J’étais effrayée de voir à quel point ces deux lycées transpiraient la violence". "Naïvement", elle tire la sonnette d’alarme auprès de ses proviseurs, qui l’écoutent poliment. Carole Diamant a le sentiment d’être assise sur un volcan.

"Coup de force" au rectorat

Lasse de cette atmosphère de violence latente, l’enseignante est déterminée à changer d’affectation. Elle se rend au rectorat ("vous savez que c’est interdit"), pénètre dans le bâtiment en trompant la vigilance des gardiens, cherche dans les étages jusqu’à trouver le bureau en charge du placement des profs de philo : "j’ai fait le siège du bureau pendant une demi-journée et il a bien fallu que le responsable sorte". Le face-à-face dure trois heures. Finalement, Carole Diamant se voit proposer un poste au lycée Auguste-Blanqui de Saint-Ouen, une banlieue un peu moins exposée.

Dans cet établissement classé en ZEP, elle s’est immédiatement sentie bien. Ce qui ne l’empêchera pas, comme toujours, de multiplier les projets et les expériences avec la même détermination ou au gré de ses rencontres : au service de la communication du ministère de l’Education pour servir de relais avec les chaînes de télévision ; au cabinet de Bernard Kouchner, alors ministre de la Santé, comme conseiller éthique sur le projet de Fonds de solidarité thérapeutique international qui vise à financer l’accès aux traitements anti-rétroviraux en Afrique ; comme membre du groupe de travail qui élabore la convention d’éducation des élèves de ZEP à Sciences-Po Paris ; ou encore comme chroniqueuse littéraire dans une émission de Michel Field sur Paris Première.

Le livre lui vaut un courrier abondant

C’est par le biais de cette émission qu’elle entre en contact avec l’éditrice Liana Lévi. "Elle m’a fait parler et au bout de deux heures de conversation elle m’a dit : “Très bien, écrivez-moi ça". Quelques mois plus tard, en janvier 2005, le livre paraît.

Il lui vaut un abondant courrier et des critiques flatteuses dans la presse. Elle y raconte son incompréhension et sa "frayeur" face à la violence des élèves et aux tensions communautaires ; son désarroi devant le repli sur soi de certains lycéens ; son impuissance à enseigner quand dans une classe deux élèves sur trois rejettent la théorie de l’évolution de Darwin et assurent que "Dieu" a créé le monde. De ses doutes et de son sentiment d’être à l’avant-poste d’un "temps fragile, transitoire, toujours court dans l’histoire, où quelque chose se prépare, va basculer", Carole Diamant a fait un livre qui pointe la cécité d’une société et les insuffisances d’un système scolaire incapable de répondre aux défis qui lui sont lancés.

Avant de terminer l’interview, elle veut encore ajouter quelque chose, "mais je ne sais pas si vous aurez la place pour le mettre". Elle veut parler de ses multiples projets avec ses classes et notamment de celui qui a fait passer une semaine à l’Opéra de Paris à ses élèves. Au programme : Nietzsche et la tragédie wagnérienne. S’il ne restait qu’un souvenir, ce serait celui de cet élève au look de rappeur qui lui lance en sortant de la représentation de Parsifal : "Madame, cette musique, moi, ça me perce". Et la prof de se souvenir qu’il a finalement décroché un 15 à l’oral de philo. "Vous voyez, tout est possible".

Philippe d’Orves

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