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Carte scolaire. La position de Bernard Depierre, député (UMP) de Côte-d’Or et membre du Haut Conseil d’évaluation de l’école.

septembre 2006

Extrait du « Figaro » du 20.09.06 : Si la carte scolaire n’était pas détournée, par Bernard Depierre

Maintien, suppression ou assouplissement : la carte scolaire fait débat. De nombreux parents échafaudent aujourd’hui de redoutables stratégies pour contourner la carte scolaire. Ils choisissent pour leurs enfants des options rares, ils communiquent l’adresse de l’un des membres de la famille, ils louent une boîte aux lettres ou se portent acquéreur d’un logement dans le secteur de l’établissement qu’ils souhaitent. Le comble de l’ironie, c’est que souvent ces mêmes parents sont les premiers à dénoncer le scandale de l’école à deux vitesses.

L’inquiétude de certains parents se conçoit. Mais, le texte de 1963 qui a instauré la carte scolaire était à l’origine une bonne loi. Son objectif est louable puisqu’il s’agit de créer puis de garantir une mixité sociale au sein des établissements scolaires.

J’observe que si la carte scolaire n’était pas sans cesse détournée, si nos politiques du logement depuis trente ans n’avaient pas conduit à la « ghettoïsation » sociale, raciale et religieuse de quartiers entiers, si nous avions aussi eu le courage de réformer notre école sur le plan organisationnel et pédagogique, nous n’en serions pas à faire de la carte scolaire un sujet de polémique.

Les dérogations à la carte scolaire sont trop nombreuses et trop faciles à obtenir. Le résultat, c’est la création, d’un côté, d’une école des « HLM » pour « gamins difficiles ou défavorisés », et d’une école des « quartiers résidentiels », de l’autre. Autre conséquence : l’explosion des inscriptions dans les écoles privées.

La carte scolaire, c’est l’arbre qui cache la forêt. N’est-ce pas plutôt en renforçant les équipes dans les établissements, en développant des projets du type « ambition réussir » (qui permet aux élèves de ZEP obtenant la mention TB au brevet des collèges de choisir l’établissement de leur choix), en répartissant mieux les moyens, en instaurant une vraie liberté pédagogique de l’enseignant, en donnant la possibilité aux écoles et enseignants oeuvrant en ZEP, ZUS ou REP, de s’adapter aux réalités locales, avec une vraie autonomie d’action pédagogique, administrative et budgétaire, en révisant nos politiques d’orientation et notre principe du redoublement systématique... que nous parviendrons à redresser notre système éducatif ?

N’est-ce pas plutôt en cessant d’accorder des dérogations que nous lutterons contre le développement d’une école à deux vitesses ? N’est-ce pas plutôt en renouant avec une politique de logement ambitieuse et en répartissant géographiquement les logements sociaux que nous pourrons en finir avec la ghettoïsation ?

La proposition de Ségolène Royal de donner à chaque parent la possibilité de choisir librement entre trois à cinq établissements est la porte ouverte à toutes les dérives. Les travers que nous connaissons actuellement seront exacerbés. Fatalement, les écoles dites ou jugées sensibles ou difficiles se videront des meilleurs élèves et des enfants des classes moyennes et supérieures. L’idée de Mme Royal est dangereuse pour notre école. Elle ne ferait que renforcer la ghettoïsation des quartiers et des écoles. Ce n’est pas, je crois, le projet de société que nous voulons.

Bien sûr, on me rétorquera qu’un temps le président de l’UMP a envisagé, à terme, de supprimer la carte scolaire. La position de l’UMP sur cette question est moins tranchée et radicale. La carte scolaire n’est pas une question politique ; c’est une question d’éthique, de choix de société et d’objectifs de réussite.

Par ailleurs, et plus prosaïquement, assouplir ou abandonner la carte scolaire impliquerait une vraie désorganisation du système éducatif. Comment et par qui les demandes d’inscription seraient-elles gérées ? Sur quels critères tel ou tel élève serait-il accepté ou refusé par un établissement ? Comment les crédits et les postes seront répartis sans iniquité et en respectant le calendrier ? Autre sujet de débat : la récente proposition socialiste de mettre deux professeurs par classe. Quelle utopie et surtout quel mépris de l’enseignant principal à qui l’on adjoindrait un collègue. Pour faire quoi ? Le surveiller, l’assister, le juger ? Sans parler du coût d’une telle mesure !

Soyons sérieux et finissons-en avec les effets d’annonce. La carte scolaire n’est pas une question politique, c’est une question d’éthique.

Bernard Depierre, député (UMP) de Côte-d’Or et membre du Haut Conseil d’évaluation de l’école.

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