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« Madame Figaro » parle des ZEP

27 février 2005

Extrait de « Madame Figaro » du 26.02.05 : « Henri-IV » pour tous

“ Et un, et deux, et trois, et quatre... réformes recalées ! ”, pourraient chanter les lycéens. On avait à peine eu le temps de lire le projet de François Fillon - celui d’un nouveau bac reposant en partie sur un contrôle continu - que, déjà, sous la double pression des manifestants et du président de la République, le ministre de l’Éducation nationale le retirait. Dommage. Mais ce projet aura au moins servi de révélateur. Oui, il existe dans notre pays des lycées de première catégorie (“ Henri -IV ! Louis-le-Grand ! ”, scandaient rageusement les lycéens). Dans ces établissements-là, on est très exigeant avec les élèves. Mais ceux-ci, à la sortie, sont assurés de pouvoir entrer dans une grande école. C’est la voie royale.

Et puis il y a les autres, ces collèges et lycées où l’on relève systématiquement les notes pour ne pas fâcher les parents et les élèves et pour offrir une statistique convenable au ministre, dont l’objectif est “ 80 % d’une classe d’âge au niveau du baccalauréat ”. C’était une pure fiction, bien entendu. Et on le savait depuis longtemps. On savait que, dans des dizaines de collèges et lycées, les actes de violence (quatre-vingt-quatre mille l’an dernier !) se multipliaient. On savait, depuis la publication récente d’un rapport explosif de l’inspection générale de l’Éducation nationale sur les “ manifestations religieuses à l’école ”, qu’une offensive islamiste programmée s’y développait, dressant les enfants “ contre l’enseignement dispensé ”.

Parallèlement, l’illettrisme gagnait. Non qu’il n’y eût, dans les quartiers dits “ sensibles ”, des élèves doués - et même surdoués -, comme ailleurs. Mais ceux-ci, persécutés par leurs camarades comme “ bouffons ”, étaient incités à ne plus dépasser la moyenne. Bref, contrôle continu ou pas, on savait parfaitement qu’il existait une “ fracture scolaire ”, pour ne pas parler d’apartheid. Mais l’omerta régnait. Les gouvernants, qu’ils fussent de gauche ou de droite, faisaient comme si, pour des élèves d’origines multiples (jusqu’à quarante-neuf ethnies dans certains collèges de banlieue), la norme d’un enseignant pour quarante enfants, celle du temps des grand-mères institutrices de Claude Allègre et Luc Ferry, n’était pas totalement dépassée.

Par un vieux complexe colonialiste enfoui, les enseignants eux-mêmes se refusaient à nommer la cause de leurs difficultés : les “ nouveaux publics ”. Les parents, de leur côté, refusaient d’accepter l’idée que leur progéniture, traitée avec trop d’indulgence, c’est-à-dire de mépris, n’était pas “ au niveau ”. Un prof parlait-il de redoublement ? Il était menacé, voire agressé. Les élèves, enfin, ne supportaient pas la moindre mise en cause de la fiction égalitaire.

Rares étaient ceux qui vendaient la mèche. J’en ai rencontré, pourtant : quatorze élèves, venus de lycées de ZEP (zones d’éducation prioritaire) et admis au prestigieux lycée Thiers, de Marseille, pour y préparer Sciences po. “ Ici, me dirent-ils, on enseigne la rigueur. Là-bas, on nous faisait jouer sur des ordinateurs, on nous prenait pour des nuls. ” Eux avaient compris qu’il n’y a de salut que dans l’excellence et que ne rien exiger des élèves, c’est les condamner à un avenir minable. Mais on ne les écoutait pas.

Que les meneurs lycéens, enfin, réclament un “ niveau Henri -IV ” pour tous est donc un signe d’espoir. Le signe qu’on ne croit plus aux diplômes distribués dans des pochettes-surprises - mais seulement à la discipline, au retour de l’autorité, au travail... Et à l’exigence pour tous

Christine Clerc

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