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Points de vue croisés de responsables de ZEP : IEN, principal, proviseur (Bulletin de l’OZP n°7, déc. 1994)

25 décembre 1994

Bulletin de l’association OZP n° 7, décembre 1994

POINTS DE VUE CROISES
DES RESPONSABLES DE ZEP

La fonction de responsable de ZEP peut être occupée, " selon les situations locales ", par " l’un des chefs d’établissement, un IEN ou un directeur de CIO de la ZEP " (circulaire du 01/02/1990). Les témoignages suivants permettront de cerner la diversité de cette fonction. Ils ont été recueillis auprès de :
 C. Hyveran, qui en 1992, a été IEN-coordonnateur-responsable ZEP en banlieue parisienne ;
 A. Vassor, principal de collège et responsable depuis 1982 successivement de la ZEP du Havre-Sud puis du Havre-Nord ;
 A. Dehame, proviseur de lycée et responsable de la ZEP de Trappes.

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Premier témoignage : Le coordonnateur-responsable de ZEP
en 1982

Nommé IEN sur mon premier poste, je suis affecté en 1982 dans une circonscription de la couronne parisienne. J’ai appris, quelques jours après la rentrée, la création d’une ZEP.

L’expérience dura cinq ans, avec un temps fort à l’an III, en 1984-1985 : un stage départemental inter-ZEP, et une enquête auprès de tous les enseignants " ZEP " du département (seules quelques écoles maternelles furent écartées, leur IEN refusant la diffusion du questionnaire).

Je m’appuie sur les résultats retrouvés de cette enquête, pour dire ici, directement ou indirectement, la situation du coordonnateur-responsable.

Fermez ! et gardez tout !

L’année 1980-1981 avait amené mon prédécesseur à produire un dossier sur une trame de critères fournie par les services. Ces documents pris en compte pour dessiner la première carte des ZEP du département, nous étions dedans !

Les premiers moyens accordés furent principalement constitués par la mise à disposition des postes ayant fait l’objet de fermetures de classes à la rentrée 1982. Autrement dit les classes devaient être fermées, mais nous gardions les maîtres, rapidement appelés " maîtres ZEP ".

L’IEN se vit rapidement confier les tâches d’élaborer un projet de zone et de mettre en place la structure de coordination.

Organiser l’existant et/ou anticiper une autre stratégie ?

Le fait de devoir démarrer une telle démarche de " zone " n’allait pas de soi, d’autant que les enfants étaient là. Les écoles fonctionnaient, beaucoup d’enseignants se découvraient en ZEP, il fallait faire et réfléchir en même temps...

Trois ans après, 43 % seulement des enseignants déclarent avoir souhaité venir en ZEP, mais 77 % souhaitent y rester ; 51 % ont moins de 35 ans, 43 % habitent la commune où ils enseignent, 94 % sont favorables au principe des ZEP, mais 59 % craignent encore l’effet " ghetto " ; 80 % approuvent l’approche territoriale et communautaire des apprentissages proposée.

Sur l’effet ghetto, un élu local m’indiqua un jour que la ZEP devait avoir pour vocation de ne plus l’être à terme ! Aussi avait-il envisagé d’augmenter fortement la fiscalité locale, les loyers, les tarifs des services...afin de provoquer " mouvement " dans la population. (Cela avait au moins le mérite d’être clair).

Dire que les premiers projets d’école ou de zone furent formels, des " projets papiers " ne peut surprendre, tant les délais institutionnels imposés étaient déraisonnables.

Trois ans après, cette précipitation retrouvée en1990 avec la loi Jospin, est jugée encore sévèrement. Pour 48 % on est surtout dans le spontanéisme, 16 % volontarisme, 35 % craignent la dispersion, 43 % l’envahissement de l’école.

Le pouvoir

Les partenaires, les élus, les principaux de collège avec lesquels il fallait travailler se demandèrent tous un temps s’ils devaient découvrir leurs projets ou l’ils n’étaient pas, eux seuls, habilités à présider, diriger le groupe ZEP. Cette question du pouvoir fut loin d’être absente du terrain, j’en donne deux souvenirs anecdotiques.

* [ ...] J’avais effectué, comme IEN, le travail de collecte des actions pour tenter d’organiser l’existant, animer plusieurs réunions de synthèse... mais sans moyens de reprographie, le collège réalisa le dossier qui fut mis en circulation dans tous les réseaux administratifs et locaux avec l’entête et le paraphe du collège...
* [ ...] Les diverses consultations conduisant à la réunion permettant de créer le " groupe de coordination " amenèrent une sorte de campagne frénétique quasi électorale, pour aboutir à une assemblée d’au moins cent personnes. Ce jour-là, je me souviens que tout le monde s’était un peu battu pour être là, mais personne n’avait en fait grand-chose à proposer.

L’élection municipale (1983 ?) amena un changement politique, dont les conséquences ne manquèrent pas de sel.

Heureusement, peu à peu, le groupe s’est constitué, en appui sur les équipes d’écoles, les directeurs, il est resté ouvert, a travaillé, et toutes les questions du contenu de l’orientation, de la gestion du partenariat, des projets se sont posés d’un coup.

Trois ans après, le groupe de coordination est jugé nécessaire par 71 % des enseignants ; 15 % le trouvent inutile, 15 % s’abstiennent de répondre, 59 % se représentent ce groupe comme des délégués responsables actifs, 24 % font non réponse.

L’Éducation prioritaire... la zone !

Travail d’équipe, projet de zone, cohérence éducative, partenariat relevaient du militantisme pédagogique. En 1994, tout n’est pas terminé !

La reconnaissance institutionnelle des faiblesses de " Travail d’équipe, projet de zone, cohérence éducative, partenariat relevaient du militantisme pédagogique. En 1994, tout n’est pas terminé !

La reconnaissance institutionnelle des faiblesses de " l’égalitarisme " (même école pour tous) et la décision politique prise, qui reconnaissait la nécessité de faire plus dans certaines zones (les ZEP) pour assurer l’équité entre tous... avaient ouvert de durs et passionnants débats, qui, on peut le regretter, ne sont pas totalement dépassés en 1994.

Ajoutons à cela certaines " démangeaisons locales " au vu des textes sur la décentralisation, le lancement d’une politique qui deviendra " de la Ville ", avec la série des contrats d’agglomération, devenus DSQ, Contrat ville... qui créent leurs propres structures locales dites de " coordination ", celles de prévention. Tout se passa, se passe encore en 1994 comme si on demandait au terrain de réaliser les " synergies " (mot devenu à la mode), les missions que ne parvenaient visiblement pas à maîtriser les ministères entre eux.

On peut imaginer comment l’IEN de terrain était sensé devenir subitement diplomate, gestionnaire de conflit, médiateur, VRP, idéologue, militant pédagogique, comptable, stratège... Certes les plans de formation continue ont tenté de suivre, mais l’idée de priorité en éducation rencontra de très lourds obstacles.

Trois ans après, les scores des réponses faisant référence à la politique de zone sont loin d’être majoritaires. Dans les priorités : la collaboration avec les coéducateurs (33 %). Les résultats attendus : la modification du rapport de l’école avec son environnement (19 %). Les obstacles à vaincre : la justification du travail collectif (28 %) ; lier projets-classe-école (22 %) ; hiérarchiser, définir des urgences (17 %), dégager du temps de concertation (53 %), créer des structures de coordination (21 %) ; gérer les conflits (36 %), simplifier le labyrinthe administratif (33 %), organiser les énergies (29 %), faire connaître ce qui est accompli (26 %) ; mobiliser réellement collègues et partenaires (21 %).

Pour organiser l’existant il est vite apparu que les inventaires ne suffisaient pas, il fallait y ajouter des principes, des orientations permettant de choisir, hiérarchiser, clore une série de propositions qui à priori pouvait être une liste sans fin d’actions juxtaposées, se valant toutes.

Ce fut l’axe " interculturel " qui constitua le premier pôle de cohérence accepté, mobilisateur, avec tous " les apprentissages " liés à la maîtrise de la langue. Cela permit de ne pas dériver trop loin des apprentissages scolaires, comme beaucoup d’autres ZEP à l’époque. L’appui des associations, des parents, fut décisif, dans l’organisation de la Semaine du conte, l’édition de journaux scolaires, l’organisation de voyages au Portugal (véritable exploit), la multiplication des échanges, l’implication des familles. Pour tout cela le projet de zone participa à la mise en réseau de fait des écoles.

Trois ans après les partenaires reconnus par les enseignants sont, dans le désordre : l’École normale (37 %), l’IEN (60 %), le groupe de coordination (40 %), les autres enseignants (56 %), la municipalité (34 %), les services des affaires sociales (31 %), la Mission locale d’insertion des jeunes (32 %), les travailleurs sociaux (35 %), les associations de parents (43 %).


La gestion des moyens - nécessité des moyens :

S’ajouta le problème de la gestion des moyens.

Tout d’abord le cadrage du rôle des maîtres dits supplémentaires, sans classe. Ils jouèrent un rôle, une fonction déterminante dans la mise en chantier du travail d’équipes, des projets d’école, ils furent la cheville ouvrière des relations établies entre les écoles, les partenaires associatifs.

Plus concrètement il fallut se mettre à s’occuper des ressources, des fonds. Tous les projets ne pouvaient aboutir sans moyens financiers, personne n’avait réellement autorité pour les gérer. C’est peu original, mais les directeurs et IEN furent d’accord pour créer et utiliser un support associatif qui géra les ressources exceptionnelles communes de l’ensemble des écoles de la zone, qui ne cessèrent d’augmenter.

Là, il fallut être en plus gestionnaire. Le secrétariat, l’équipe de la circonscription déjà for sollicités pour toutes les sections, les publications qui circulaient, assurèrent aussi avec efficacité la comptabilité. Nous avons appris beaucoup sur les labyrinthes à subventions, les astuces à projet, les mystères des calendriers non annoncés, les critères à découvrir, les formes de rédaction à respecter... tous ces jeux se poursuivent en 1994 ! Mais quel travail !

J’ai souvenir d’un projet qui comprenait le financement de conteurs intervenant dans les écoles, ou le soir, et l’apothéose finale d’un spectacle public pour les familles, donné à la salle des fêtes. Les cofinanceurs étaient tous favorables, mais aucun ne se décidait. J’ai dû, donc, organiser une réunion bizarre... tous se sont trouvés invités le même jour et, autour de la table, le projet a été cofinancé.

Dire ensuite, beaucoup plus tard, après le total succès de ces initiatives, que les démarches de l’URSSAF, des caisses de retraite, voire de la SACEM ne nous ont pas pris de court serait mentir, mais enfin, il ne restait aucune dette lors de mon départ à l’an V de cette mémorable entreprise.

Rencontrant récemment Mme W., je suis très intéressé d’apprendre que la Semaine du conte s’est perpétuée depuis, dans la vie culturelle locale, je remercie encore l’équipe de circonscription qui tint le choc sous ce déluge de vie.


C. Hyveran, IEN

PS : Des livres qui depuis m’ont beaucoup éclairé :
 L’École et les savoirs en banlieue et ailleurs. - A. Colin
 Cohérence pédagogique, Établissement scolaire. - Derouet - INRP.
 L’École pour apprendre. - Astolfi.

 

Deuxième témoignage - Responsable de ZEP depuis douze ans

Les ZEP ont largement plus de dix ans d’âge. Ce passé permet de suivre maintenant leur évolution et notamment leur fonctionnement.

J’y étais impliqué dès 1982 et j’ai connu deux ZEP. Celle du Havre-Sud (1982-1988), et actuellement celle du Havre-Nord. En y décrivant successivement mon activité, je vais essayer de mettre en lumière le rôle du coordonnateur et ses relations avec le responsable.

En 1982, fut créée la ZEP du Havre-Sud. En tant que principal d’un des trois collèges qui en étaient l’ossature, j’adhérais à l’idée que le " pilote " de la ZEP, c’était le terme de l’époque, devait être un enseignant. Ce professeur disposait d’une décharge de six heures hebdomadaires pour la faire fonctionner. C’est ainsi que, sur le tas, le pilote construisit rapidement, en fonction des nécessités, des liens avec les écoles, collèges, lycées, des associations, la municipalité...
Le pilote assurait donc à l’époque le double rôle actuel de coordonnateur et de responsable. C’est lui, par exemple, qui convoquait et présidait les réunions des trois secteurs et le conseil de zone trimestriel (centre structure ayant été mis en place tout de suite), préparait le budget, etc. La ville du Havre assurant une subvention annuelle non négligeable, les réunions étaient très suivies.

Mais ce professeur-pilote dut suspendre son activité pour cause de congé de maternité. La fonction me revint. Très vite elle me parut trop lourde à assumer seul en plus des fonctions de chef d’établissement. Aussi j’obtins l’aide d’un enseignant de lycée professionnel qui bénéficia de la décharge. Ce binôme fonctionna sur le principe d’un partage amical des tâches en fonction de la disponibilité et des relations de chacun.
Quand le pilote originel reprit du service, il fut décidé d’un commun accord de devenir trinôme. Les deux enseignants se partagèrent alors la décharge. Peu à peu dans les faits s’établit une séparation des tâches. Les deux professeurs prenaient plus que moi leurs " bâtons de pèlerin " pour aller porter la bonne parole et faire bouger les idées et les gens. Le moi-même -par déformation professionnelle- présidait le plus souvent les conseils de zone. L’entente amicale entre les trois copilotes fit que tout se passa sans heurt, que la concertation fut constante. Ce fut une période fructueuse : stages et expositions sur la lecture, créations de BCD, ...

Mais le professeur de LP devint proviseur de lycée et partit. Le professeur de collège s’arrêta à nouveau. Pour la seconde fois, je m’aperçus de mon incapacité à faire fonctionner seul cette ZEP. En plus, une diminution des moyens attribués par l’Éducation nationale diminua l’enthousiasme. Ainsi la ZEP fut moins active pendant près de deux ans. J’obtins en 1988 ma mutation pour un collège de la ZEP du Havre-Nord. Celle-ci est l’une des plus grandes de France (cinq collèges). Créée elle aussi en 1982, elle avait un vécu différent de celle du Havre-Sud malgré les contacts entre les deux.

De 1982 à 1987 ce furent deux professeurs qui assurèrent successivement le rôle de pilote en bénéficiant pour cela d’une décharge d’un demi-service. Le pilote était en place depuis plusieurs années, reconnu par tous et, ce qui ne gâtait rien, était élu municipal. L’IDEN était proche de la retraite et moi je venais d’arriver. Aussi pendant deux ans le pilote fut-il vraiment responsable de la ZEP. Il s’occupait de tout, organisait, animait. Puis il partit pour la région parisienne pour devenir chef d’établissement.

Le hasard fit que l’inspecteur d’académie de la Seine-Maritime entreprit de restructurer les ZEP à ce moment-là. Il imposa l’abandon du pilote choisi par le conseil de zone. Désormais il y avait obligatoirement deux responsables : un principal et un IEN (ex IDEN) aidés d’un coordonnateur. Ce dernier fut toujours un enseignant, ou un directeur d’école, bénéficiant d’une décharge. Je fus désigné comme responsable avec l’un des IEN. Le pilote, avant de partir, avait eu la sagesse de prévoir sa succession. Elle fut entérinée par Monsieur l’Inspecteur d’académie.

Le nouveau coordonnateur était professeur dans le collège dont j’avais la responsabilité. Aussi tout naturellement un bureau lui fut affecté dans les locaux de l’administration qu’il dut cependant pendant un certain temps partager avec la conseillère d’orientation. Il me demanda comment je voyais sa tâche. Je lui répondis qu’il avait toute latitude mais qu’il fallait qu’il assure une permanence régulière au collège et qu’on en profite pour se voir régulièrement. En discutant il apparut que nous avions les mêmes idées fondamentales (à moins que l’un ait influencé l’autre).

Il fallait dégager un petit nombre d’actions prioritaires, mettre fin à l’émiettement des crédits assez conséquents, essayer de mobiliser le plus grand nombre sur un grand projet annuel, organiser chaque année un stage de formation.

Mon rôle a consisté à l’aider à surmonter les obstacles qu’il rencontrait dans l’application de cette politique auprès des IEN parfois sceptiques ou dans des conseils de zone tumultueux quand il fallut refuser des crédits pour des achats n’ayant rien à voir avec les axes de la ZEP et à être présent dans toutes les réunions officielles et de représentation.

Peu après, Monsieur l’Inspecteur d’académie lui accorda une décharge à plein temps pour suivre au nom de l’Éducation nationale la politique du Développement social urbain du Havre. Ceci donna une autre dimension au coordonnateur. Libéré définitivement des soucis de la classe, il put se consacrer totalement à sa tâche, nouant un remarquable réseau de relations, trouvant des financements spéciaux pour certains grands projets, multipliant les rencontres et les réunions, gérant les crédits. Mon rôle fut de le suivre, de le soutenir, parfois peut-être de lui faire un peu modifier certaines activités.

Grâce à son implication, la ZEP du Havre-Nord a trouvé alors un dynamisme et une efficacité remarquables. Le coordonnateur peut prendre le temps de réfléchir, de construire et de réaliser. L’autonomie des ZEP est une réalité et donc c’est valable pour celui qui l’anime au sens littéral du terme. Des mutations chez les IEN ont permis la mise en place d’une structure informelle mais qui se réunit au moins deux fois par trimestre : responsable, coordonnateur et les deux IEN ayant le plus d’écoles dans le secteur.
C’est au cours de ces matinées de travail que nous réfléchissons ensemble sur un ordre du jour préparé par le coordonnateur et que nous arrêtons des positions communes. Cela nous permet de guider le conseil de zone dans la direction de ce qui nous semble être celle de l’intérêt général. Il nous est même arrivé de nous partager la rédaction de circulaires que Monsieur l’Inspecteur d’académie en résidence au Havre a endossés ensuite.

La création du Contrat de ville a un peu modifié nos rapports. J’ai été chargé par Monsieur l’Inspecteur d’académie de le représenter pour prendre en charge sur l’agglomération le titre six " Éducation, formation, culture ". Aussi, n’y connaissant rien, je m’y suis impliqué à fond et le coordonnateur est venu m’aider dans cette tâche. Nous assistons en principe ensemble aux réunions du comité de pilotage, nous instruisons les dossiers que je présente et je m’implique directement dans la mise en œuvre du principal projet actuel : l’aide aux lycéens des quartiers défavorisés assurée par des étudiants.

Pour conclure, mon expérience sur plus de dix ans de fonctionnement des deux ZEP prouverait que le passé, les habitudes prises et le poids des personnalités déterminent le fonctionnement. Personnellement, je répète continuellement que tout le mérite du dynamises me de la ZEP du Havre-Nord revient au coordonnateur.
Cela a supposé plusieurs conditions : décharge à plein temps, bureau et téléphone, large autonomie, concertation régulière avec les IEN et le responsable, mêmes idées, soutien assuré. Ces deux derniers points sont importants car le coordonnateur ressent le besoin dans certaines réunions que les projets soient présentés par quelqu’un dont le titre dans la hiérarchie de l’Éducation nationale fait qu’il parle avec plus d’autorité. C’est dommage, mais c’est ainsi.
De plus, il est mal reconnu par notre ministère. Par exemple, le coordonnateur a légitimement souhaité, pour des raisons de promotion, être inspecté. J’ai posé la question à l’IPR chargé de la vie scolaire. Sur ses conseils, j’ai dû écrire au doyen des IPR de l’académie de Rouen qui m’a ensuite téléphoné avant qu’il désigne, après accord de Madame le Recteur, un de ses collègues, pour venir faire cette inspection ! Il y a donc un problème de statut qui me semblerait souhaitable de mettre en place à l’échelon national.

Alani Vassor, principal de collège.

 

Troisième témoignage - Responsable de ZEP
et proviseur de lycée

Deux fonctions additionnées

Être responsable de ZEP et proviseur de lycée, c’est additionner deux fonctions qui donnent chacune du travail pour un temps plein : le lycée a six cents élèves et la ZEP en a huit mille cinq cents ! La seule possibilité de s’en sortir réside dans la délégation et le travail en équipe.

Délégation, pour le lycée, à son adjoint et travail en équipe, pour la ZEP. Quand il est entouré de gens compétents et ne ménageant pas leur peine, le responsable de ZEP proviseur de lycée peut alors assurer ses fonctions, qui restent néanmoins fort lourdes. C’est un travail de chef d’orchestre : il y a, dans l’Éducation nationale et autour d’elle, beaucoup de gens travaillant, directement ou non, à la réussite scolaire des élèves. émietté, ce travail perd de l’efficacité.
Avec le dispositif ZEP, chaque effort quotidien localisé peut trouver une résonance, une amplification, par les suivis, les liaisons, les coordinations. Il faut des habitudes de travail en équipe à tous les niveaux, alors que nous avons une tradition séculaire de travail en solo.

Le problème du responsable de zone n’est pas celui de la qualité de ce qui sa fait dans chaque école ou chaque établissement, mais que tous travaillent ensemble et au même rythme, quels que soient les projets propres, sur les axes et selon les programmation du projet de zone.

Je suis tout à fait convaincu de cette nécessité, mais je comprends les réticences contre lesquelles je me bats : moi-même, lorsque la ZEP a été créée en 1990, je n’étais pas prêt à voir mon lycée inclus dans ce dispositif. Avec les professeurs, nous n’étions pas hostiles mais interrogatifs. Finalement le conseil d’administration a voté l’entrée dans la ZEP.

Un inspecteur de l’Éducation nationale a d’abord été nommé responsable, puis le principal du collège voisin. Celui-ci, du second degré, nous a mieux fait comprendre tout l’intérêt des ZEP et quand il est parti j’ai été désigné responsable. Je ne suis donc pas pourvu d’une longue expérience dans la gestion des ZEP. Il a fallu très rapidement prendre au sérieux cette responsabilité car le quotidien est difficile, tant sur le plan pédagogique que, plus généralement, dans les quartiers. J’ai donc continué ce qui avait été mis en place et développé les structures de coordinations.

Des coordinations régulières

Tous les matins, je vois les coordonnatrices de la ZEP. C’est le fonctionnement de la zone, aussi bien pour des détails techniques que pour des observations générales, qui constituent l’objet des rencontres. Selon les jours, on travaillera dix minutes ou deux heures. Leur travail est complexe, surtout pour les relations partenariales. Elles sont reconnues par tous, dans le premier comme dans le second degré et chez nos partenaires. Il leur faut du courage car rien n’est évident dans cette fonction.

Toutes les semaines, le lundi matin, réunion avec l’Inspecteur de l’Éducation nationale et les coordonnatrices : le nombre d’écoles est très important, c’est une partie capitale de la ZEP. Il faut suivre la mise en œuvre du projet de zone. Ni les coordinatrices, ni moi-même n’avons à intervenir, il faut donc que la liaison soit forte avec l’I.E.N. et l’équipe des conseillers pédagogiques pour que nous puissions être informés de ce qui se fait. Or, justement, ce qui se fait dans le premier degré est très important, dans tous les sens du mot.

Toutes les trois semaines, réunion plus large avec les coordonnateurs, l’IEN et les conseillers pédagogiques, mais aussi avec les chefs d’établissements du second degré. C’est donc l’ensemble des actions de la ZEP qui est discuté à ce moment. Mais il s’agit du fonctionnement seulement. Les grandes orientations sont décidées au conseil de zone.

Le conseil de zone se réunit quand c’est nécessaire. C’est une instance lourde puisqu’il y a plus de soixante-dix personnes présentes. La dernière année scolaire a vu le conseil de zone redéfinir le projet de zone 1994-1997. Une bonne partie des membres du conseil ont fourni à cette occasion un travail très positif qui leur a demandé un effort important.

Ces différents niveaux sont aisés à décrire sur le papier. Mais la mise en place et l’animation de chaque niveau, puis la coordination entre eux demande une énergie soutenue : les équipes, heureusement, sont solides.

Des actions partenariales

Il y a, d’abord, les actions inscrites au projet de zone. Il y a, aussi, les actions induites par l’actualité, à laquelle la ZEP répond. Il y a, enfin, les actions résultant d’instances partenariales auxquelles la ZEP donne une résonance.

Exemple des premières, nous avons, dans notre projet de zone, fait le choix d’améliorer les liaisons école-familles. L’idée de mettre en place des médiateurs est venue rapidement. Mais cela s’est avéré être une montagne, car il s’agit d’une nouvelle professionnalité. Nous allons donc entamer un travail de recherche avec l’INRP et le CNRS. Puis il a fallu recruter des médiateurs : quel profil était-il souhaitable ? Qui allait être l’employeur ? Où allaient-ils s’installer pour être efficaces mais indépendants ? Quelles missions précises ? Quel matériel fallait-il prévoir ?

Nous avons donc mis en place un groupe de pilotage sur ce projet. Il est co-piloté par le Chef de projet DSU, le responsable de la Fédération des Oeuvres Laïques du département et par le responsable de la ZEP. Le Syndicat de l’Agglomération Nouvelle, le Conseil Général, la préfecture, la Mission Ville et le Fonds d’Action Sociale apportent des financements. Trois personnes ont été recrutées. Elles ont un très haut niveau de qualification. Maintenant, il s’agit de travailler avec elles pour que les objectifs initiaux soient atteints : je suis confiant.

Autre type d’action de la ZEP, la réponse à l’actualité. Nous avons, ici, un fort taux d’étrangers et, surtout, une concentration exceptionnelle de musulmans dans certains quartiers. Les affaires de voile existent donc depuis longtemps. La réactivation au niveau national de ces questions à l’automne 1994 a trouvé ici, inévitablement, un grand écho. Les réponses des établissements auraient pu, selon l’habitude générale, être particulières à chacun. Mais les liaisons chroniques ont amené tous les établissements de la ZEP à établir une attitude commune et à l’annoncer publiquement.

L’objectif commun était de maintenir la sérénité qui préexistait jusque là. Un groupe de travail s’est mis en place et s’est réuni tous les quinze jours. Les conseils d’administration ont été saisis des propositions du groupe de travail. Deux lycées professionnels n’avaient aucun voile, mais dans chacun des quatre collèges on comptait de quatre à huit voiles, plus une kippa. Un calendrier de négociations avec les familles a été mis au point au niveau de la ZEP.
Aujourd’hui, le bilan est très positif, même si ce n’est pas terminé. Nous continuons à traiter en douceur la question. Le terrain était prêt à s’embraser, l’isolement des établissements aurait pu faciliter des rigidités ou des faiblesses. Le travail en commun a permis de prendre de la hauteur et de se sentir plus forts.

Enfin, la ZEP peut faciliter le travail partenarial : nous avons mis en place un GOALS, groupe opérationnel d ’actions locales pour la sécurité, où le responsable de zone doit s’impliquer, là aussi, totalement. La police, la justice, et la DDASS travaillent activement avec l’Éducation nationale. Je constate que les contacts avec le substitut du procureur de la République, avec le commissaire de police, avec les responsables locaux et départementaux de l’action sociale permettent, enfin !, de faire de la prévention. Voilà une instance qui trouve dans le dispositif ZEP une audience qu’elle ne trouverait jamais s’il lui fallait traiter avec chacune des équipes éducatives présentes sur la zone.

Sans pouvoirs et sans temps suffisant

Le responsable de ZEP n’a pas de pouvoir : la lettre de désignation n’impressionne personne et s’il ne fait rien la " machine " tournera malgré tout. Toutes ces coordinations et tous ces projets, si utiles pour la réussite scolaire des élèves de tous âges, ne donnent aucun avantage, matériel ou hiérarchique. De plus, la réussite scolaire est un objectif à long terme et ces projets doivent être assurés de continuité. Et le responsable de ZEP est comme un oiseau sur la branche...

Pourtant, cette fonction est passionnante : l’enjeu induit la passion.

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