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« Entre les murs » : un film pour débattre enfin de l’école.

27 septembre 2008

« Entre les murs » : un film pour débattre enfin de l’école.

Ce film provoque des débats et des articles d’une qualité telle qu’il a certainement touché quelque chose de profond dans notre société.
Les réactions des enseignants démarrent souvent sur la recherche du bon point de vue pour regarder le film. Comment ne pas le regarder en tant qu’enseignant ? Mais, à peine la qualité du film reconnue, surgit la crainte que le public ne se trompe et voie le film comme un modèle ou un contre-modèle. Pour Philippe Meirieu, sur le « Café Pédagogique » : « un film, hors de l’école », un film où on ne fait pas classe, dans tous les sens du terme, un film à voir en tant qu’œuvre d’art alors qu’il risque d’être instrumentalisé et vu comme un « objet social ».

Et si le point de vue que l’on prête à l’opinion publique était légitime ? Ce film est d’abord un objet social, à trois titres. Il décrit bien :
 l’expérience scolaire de beaucoup d’élèves ;
 une activité pédagogique représentative de la réalité de notre enseignement ;
 une situation de mixité sociale et ethnique, qu’il aborde, lui, positivement.

1- Du point de vue de beaucoup d’élèves le collège est d’abord un lieu de vie entre jeunes, où la classe est autant un lieu de recherche des limites dans l’affrontement avec les adultes qu’un lieu d’apprentissage. François Dubet ou Dominique Paty l’ont bien analysé.

2- Ce film ne montre pas un modèle pédagogique. Philippe Meirieu a raison : la pédagogie en tant que « travail sur les médiations » permettant de dépasser les affrontements personnels est presque absente du film. Le film, comme le livre, ne propose donc pas de « solution ».
Mais, en critiquant cet aspect du film, il faut rappeler qu’il est représentatif de la réalité de notre enseignement : est-il si fréquent pour les élèves d’être « mis en face d’une situation d’apprentissage vraiment construite, avec des contenus exigeants, des activités précisément encadrées », comme le demande Meirieu ? En réalité, tenir la classe, surtout si les élèves sont difficiles, est un préalable, jamais assuré, qui débouche sur une pédagogie frontale. D’ailleurs, de nombreuses réactions critiques ne demandent pas plus de pédagogie, mais plus d’autorité.
Meirieu et beaucoup d’autres relèvent les bonnes intentions de l’enseignant : il aime ses élèves, cherche des ponts entre la culture jeune et la culture scolaire, etc. C’est peut-être par ce rapport aux élèves que le film peut passer pour un film « pédago ». Dans ce cas, on comprend que les pédagogues veuillent éviter le malentendu.

3- Accepter la mixité
Laurent Cantet déclare qu’il a eu envie de filmer « le collège qui est un des derniers lieux où la mixité peut trouver sa place ». C’est cette acceptation de la mixité sociale qui a provoqué l’adhésion de certains medias et sans doute du jury de Cannes. Au moment où l’ethnicité tend à devenir la grille de lecture principale de la société française et de son école, ceux qui refusent de désigner les jeunes des banlieues comme sources de la difficulté scolaire se réjouissent du succès d’un film montrant la possibilité d’un rapport positif.

Voilà un sujet que les pédagogues et plus généralement les défenseurs de l’école du service public devraient traiter : ce non-dit de notre société qui sous-tend beaucoup de stratégies de recherche de la bonne école (par les parents et par les enseignants) et qui pourrit les rapports sociaux. Quitte à rappeler qu’une attitude positive d’accueil des élèves tels qu’ils sont, quelles que soient leurs origines sociales et ethniques, ne dispense pas de recourir aux techniques professionnelles nécessaires pour réussir scolairement.

Pour revenir aux craintes des enseignants sur un malentendu avec le public, ne renvoient-elles pas à une de leurs vieilles craintes, y compris pour les plus « ouverts », d’accueillir dans leur classe un regard étranger, à commencer par celui de collègues. Faut-il cacher que la « pédagogie » est minoritaire ?

Ce film est aussi le résultat d’un projet pédagogique qui a mobilisé tout le collège où il a été tourné. C’est aussi un « analyseur » de notre enseignement. Il n’est pas aussi hors les murs qu’il paraît.

Ce film est une occasion de débat, en tant qu’objet social, et, plutôt que de se sentir visés par la faiblesse pédagogique, ne vaut-il pas mieux :
1 - critiquer l’insuffisance pédagogique, dire qu’elle est représentative de notre enseignement et rappeler qu’il y a d’autres solutions pédagogiques que celles que montre le film.
2- prendre acte du rapport positif aux élèves et aborder la question de l’ethnicité.

François-Régis Guillaume

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