Borloo et Fillon pour l’emploi des jeunes de ZUS

4 janvier 2005

"Le Monde" du 4 janvier fait le point sur "le noyau dur des jeunes sans qualification" avec un article et un entrefilet très intéressants (supplément "Emploi"). Rappelons que l’OZP organise le 12 janvier à 18 h à Paris une réunion publique sur ce sujet (voir annonce sur ce site), en présence de M. Richard Ozwald, conseiller technique au Secrétariat d’Etat à l’insertion professionnelle des jeunes et Mme Dominique Bargas, responsable nationale de la Mission générale d’insertion au ministère de l’Education nationale.

Extrait du « Monde » du 04.01.05 :

Le gouvernement s’attaque au noyau dur des jeunes « sans qualification »

Les réformes lancées par Borloo et Fillon seront-elles plus efficaces que les précédentes ?

En aval, l’action du ministre de l’emploi, Jean-Louis Borloo, « cible l’effort sur les jeunes sans qualification ». La loi pour la cohésion sociale, adoptée le 20 décembre 2004, crée à leur attention un « contrat d’accompagnement dans l’emploi » et prévoit de porter le nombre d’apprentis de 350 000 à 500 000 en cinq ans.

En amont, l’un des principaux objectifs de la réforme de l’éducation annoncée le 18 novembre 2004 par le ministre François Fillon est qu’aucun jeune Français ne sorte du système scolaire sans qualification.

Tout cela est bel et bon, mais rappelons qu’une autre loi proclamait que « tout élève qui, à l’issue de la scolarité obligatoire, n’a pas atteint un niveau de formation reconnu doit poursuivre des études afin d’atteindre un tel niveau ». C’était... en 1989, la loi d’orientation sur l’éducation lancée par Lionel Jospin. Il s’agissait alors de poursuivre la réduction de la part des jeunes arrêtant leurs études avant l’obtention du moindre diplôme, déjà passée de 40 % en 1963 à 15 % en 1980 et 8 % en 1990. Mais c’est depuis cette date que cette proportion ne diminue plus : environ 60 000 jeunes quittent chaque année l’école sans avoir dépassé le niveau du collège ou de la 1re année de CAP ou de BEP, et se trouvent en situation difficile sur le marché de l’emploi, signant
l’échec de l’école comme des politiques d’emploi. Selon l’enquête « Génération 98 » du Centre d’études et de recherches sur les qualifications (Céreq), portant sur les jeunes
sortis de l’école en 1998, 42 % de ces jeunes sans qualification étaient au chômage un an après cette date. Deux ans plus tard, ils étaient encore 30 % (Bref Céreq, n° 202, novembre 2003). Si l’on ajoute que ces jeunes ont « plus souvent du retard scolaire à l’entrée en sixième, sont plus fréquemment issus d’une famille touchée par le chômage, ont plus souvent un père né hors de la Communauté européenne ou un seul de leurs deux parents qui travaillent. », comme le note le Céreq, on conçoit que le sort de ces jeunes est un bon point d’entrée pour traiter de maux sociaux aussi divers que l’échec scolaire, le chômage, l’intégration des immigrés et les quartiers « difficiles ».

Michel Destéfanis, Elisabeth Dugué et Catherine Mathey-Pierre, chercheurs au Centre d’études de l’emploi (CEE), ont observé l’effet de ce cumul sur l’insertion des
jeunes habitants d’une zone urbaine sensible (ZUS) de Seine-Saint-Denis (« De l’école à l’emploi ; quel chemin dans la ZUS ? », 4-pages n° 10, décembre 2004). Ils montrent comment le turn-over des professionnels de l’éducation et de l’insertion, découragés par la distance entre le comportement de ces jeunes et le fonctionnement de l’institution scolaire ou du marché du travail, accentue le sentiment d’abandon du public auquel
s’adressent leurs dispositifs : du coup, un quart des jeunes chômeurs et précaires du quartier accèdent à ces derniers, contre la moitié dans l’ensemble de l’Ile-de- France.

Même le programme Trace, seule tentative de traitement coordonné de l’ensemble des handicaps sociaux, lancée en 1998 et supprimée en 2003, n’a pas permis de faire décrocher un emploi durable aux 320 000 jeunes qui l’ont suivi, d’après une étude du ministère de l’emploi (Premières synthèses, n° 51/1, décembre 2004). Alors que 50 % des bénéficiaires sortis de ce programme en 2000 trouvaient un emploi, contre 37 % restant au chômage, ils étaient 42 % et 44 % dans ces situations respectives parmi ceux sortis en 2003. Trois ans et demi après l’entrée dans le dispositif, 49 % de ses bénéficiaires étaient en emploi et 38 % au chômage à la mi-2003. Les aléas de la conjoncture économique ont suffi à annihiler les efforts accomplis.

« Qu’elles relèvent du champ éducatif, de l’insertion professionnelle ou sociale, les institutions en place ont été jusqu’alors impuissantes à compenser les facteurs socio-économiques qui pèsent toujours plus sur la trajectoire de la majorité des jeunes de la ZUS, concluent les chercheurs du CEE. Enrayer le processus d’appauvrissement ne pourrait qu’améliorer l’efficacité des actions d’éducation et d’insertion ». CQFD...

Antoine Reverchon.

En complément, autre extrait du « Monde » du 04.01.05 : quelle définition pour les jeunes sans qualification ?

Environ 60 000 jeunes quittent chaque année l’école sans avoir dépassé le niveau du collège ou de la 1ère année de CAP ou de BEP. L’inefficacité relative des politiques à destination des « jeunes sans qualification » tient sans doute en partie à... la variété des définitions de cette catégorie.

Dans un article de la revue Notes Emploi Formation (n° 16, de juin 2004), Gaël Ryk, chercheur au Centre d’études et de recherches sur les qualifications (Céreq), montre, à partir de l’étude de la génération sortie du système scolaire en 1998, que la part des « non-qualifiés » varie considérablement selon que l’on considère le niveau de fin d’études - il s’agit alors de moins d’un jeune sur dix -, l’emploi occupé (ouvriers non qualifiés et certaines catégories d’employés) - un jeune sur quatre -, ou... le salaire perçu (inférieur à 1,3 fois le smic) - un jeune sur deux.

Auxquels de ces jeunes doit s’adresser une politique d’éducation ou d’insertion, sachant que moins de 3 % de la « génération 1998 » cumulait, 3 ans après, les 3 définitions de la non-qualification, et que 60 % présentaient l’un ou l’autre de ses « symptômes » ? Paradoxalement, 38 % des « non-qualifiés » du point de vue des diplômes occupaient un emploi « qualifié », et 20 % gagnaient plus de 1,3 fois le smic, alors que 23 % des diplômés, réputés « qualifiés », exerçaient un emploi non qualifié, et près de 50 % gagnaient moins de 1,3 fois le smic !

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