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Fadéla Amara se réfère au Président et affirme que la politique menée à l’égard des quartiers prioritaires doit être une vraie politique publique prioritaire

16 janvier 2008

Extrait du « Monde » du 16.01.08 : “ Nous devons parier sur la banlieue, par Fadela Amara"

[Note du Quotidien des ZEP : Comme la plupart du temps dans notre revue de presse, les caractères en gras sont le fait de notre rédaction.]

Voilà près de trente ans que la politique de la ville s’efforce, en mobilisant toutes sortes de dispositifs, de lutter contre toutes les formes d’exclusion en milieu urbain. Dix-huit ministres de bonne volonté. Des milliards d’euros investis. Plusieurs plans tentés pour renverser la vapeur et corriger les conséquences dramatiques de trois décennies de politiques urbaines déstructurantes qui ont progressivement organisé la ségrégation, devenue relégation, d’une partie de notre nation. Hélas, les différentes émeutes et notamment celles de novembre 2005 forcent chacun d’entre nous à plier son orgueil devant les faits.

Cette situation, je la connais. C’est pour cette raison que, dès ma prise de fonctions, alors qu’on me pressait de sortir un plan, j’ai voulu une autre politique. C’est pour cette raison que j’ai voulu organiser les rencontres territoriales et que j’ai demandé à la jeunesse de ce pays de s’exprimer et de s’impliquer : le blog que j’ai ouvert le 1er août 2007 a été un succès. C’est pour cette raison que j’ai sillonné les quartiers que l’on appelle difficiles, que j’ai arpenté des cages d’escaliers, que j’ai organisé des réunions d’appartement.

J’ai rencontré des milliers de mères, de pères, de jeunes qui m’ont dit leurs espoirs et leur rage. J’ai vu les logements et les espaces publics mal entretenus, les mères seules, sans emploi, les drames de la discrimination, le sexisme, le repli sur soi, la résignation face au regard des autres. J’ai vu l’économie parallèle, le désœuvrement de notre jeunesse, le repli identitaire et le communautarisme. J’ai vu des copropriétés dont l’état de délabrement est indigne. J’ai vu une partie de la France à l’abandon. J’ai vu la violence rampante et gratuite qui détruit le peu de choses qui font le patrimoine de ces quartiers. J’ai aussi vu la trouille, le mal-être.

Mais j’ai vu aussi des êtres humains plus humains qu’ailleurs ; des gens plus doués, plus forts, plus volontaires qu’ailleurs. J’ai vu un potentiel à faire pâlir d’envie la tour Eiffel. J’ai rencontré aussi des élus de bonne volonté, abandonnés à leur sort. J’ai vu des têtes qui se relèvent. J’ai vu des gens qui se dressent et qui se redressent. Ces hommes et ces femmes incarnent l’espoir. Parier sur la banlieue et sa jeunesse, c’est parier sur la France. Je suis convaincue qu’il est urgent d’écrire une nouvelle page. Ambitieuse.

Car qui peut croire aujourd’hui qu’il suffit d’un catalogue de mesures pour régler la question des banlieues ? Qui oserait dire qu’il suffit de rajouter un dispositif sur un autre pour régler le fond du problème ? Alors que tous les acteurs disent le contraire. Personne n’est dupe. Et c’est pour cette raison que le président de la République dit son ambition pour la banlieue. Je me réjouis qu’enfin des voix s’élèvent pour dire qu’il faut faire autre chose. J’aurais tout simplement souhaité avoir été entendue en temps et en heure, pour éviter cette cacophonie. La banlieue mérite du sérieux et de la responsabilité.

Déjà, lors du conseil des ministres du 7septembre, je proposais de changer d’attitude et de méthode, de briser les tabous, d’agir en profondeur. Comment être efficace si on n’a aucune prise sur les bailleurs sociaux ? Si ceux-ci ignorent les recommandations gouvernementales en matière de hausse de loyer ? Comment parler de l’insertion et de la formation des jeunes quand on n’a même pas le droit d’évoquer une quelconque réforme du financement de la formation professionnelle ? Comment parler de désenclavement quand l’égoïsme territorial gangrène profondément notre République et nous empêche d’agir ? Est-il normal que les crédits de la politique de la ville servent à compenser les faiblesses du droit commun ? Déjà, je préconisais de tout faire pour rapprocher la police de la population des quartiers.

La France d’aujourd’hui n’est plus celle des années 1980. Elle est fortement décentralisée. Les collectivités locales ont des compétences étendues, et leur responsabilité est totalement engagée. Voilà pourquoi, dans la continuité et la logique du programme de rénovation urbaine engagé par Jean-Louis Borloo, j’ai toujours proposé d’aller au-delà. La politique de la ville, aujourd’hui, exige de nouvelles méthodes.
Ainsi, si nous avons l’obligation d’aider les villes pauvres dont la population est en difficulté, nous avons aussi le devoir de sommer les villes parmi les moins pauvres de s’occuper de leurs populations en difficulté.

Parce qu’il y a une différence entre les villes pauvres et les villes où il y a des pauvres. Parce qu’une commune comme Clichy-sous-Bois ne peut être traitée comme une ville telle que Nantes, de même que Montfermeil ne peut être traitée comme Toulouse. La réforme des dotations de solidarité de l’Etat aux communes doit être un élément essentiel et pertinent de cette nouvelle dynamique. C’est sur la base d’un tel principe que l’on peut, au nom de l’égalité territoriale, organiser une solidarité financière locale active et efficace ; une solidarité locale qui fait confiance aux élus locaux, qui valorise les bonnes pratiques et qui privilégie le sur-mesure, ainsi que la culture du résultat et de l’évaluation. De la même manière se pose la question de la pertinence des périmètres de la coopération intercommunale.

La politique menée à l’égard des quartiers prioritaires doit être une vraie politique publique prioritaire. Elle doit être conduite au plus haut niveau, mobiliser toutes les administrations, engagées vers un objectif unique : réduire les écarts. Elle doit être évaluée, régulièrement, avec des indicateurs pertinents, qui permettent de corriger en tant que de besoin les actions menées. Elle doit responsabiliser les acteurs de terrain, les élus, l’Etat aussi. Elle doit redevenir exigeante. Parce que l’exigence, c’est aussi le respect.

N’en déplaise aux experts et consommateurs de mesures, nos banlieues et nos quartiers difficiles n’ont besoin ni d’assistanat ni de charité. Ils ne veulent plus de pansements Urgo ni qu’on leur achète la paix sociale. Ils veulent un avenir, de la justice sociale, une dynamique nationale qui donne du sens à la solidarité locale, qui reconnaît la notion de priorité, qui rassemble un seul peuple, avec ses différences, ses couleurs, ses cultures, vers un destin commun. Ils veulent prendre la place qu’ils méritent dans la construction du projet France, comme ils veulent être aussi ceux qui incarnent les valeurs de la République.

Cette nouvelle dynamique exige une volonté politique sans faille. Cette volonté, je sais que Nicolas Sarkozy la porte. Moi, Fadela Amara, fille d’ouvrier immigré, j’ai perçu cette détermination chez lui, alors que j’étais présidente de Ni putes ni soumises. En nommant Rama Yade et Rachida Dati à des fonctions nationales de premier plan, il le démontre. La diversité, il sait, il l’a faite. En remettant l’homme au cœur de la politique et en donnant un sens noble au concept de politique de civilisation, il offre un dessein à notre mission commune.

Comme lui, les hommes et les femmes de nos quartiers savent que le malaise des banlieues, l’intégration ou le chômage des jeunes sont des problèmes posés à notre civilisation et exigent autre chose que quelques mesures de gestion ou quelques crédits supplémentaires. Comme lui, ils savent que l’élite de demain viendra de ces quartiers populaires. C’est cette volonté et cette détermination qui ont emporté mon engagement dans le gouvernement Fillon.
Ainsi en est-il de sa vision de la politique de la ville. J’ai entendu le président de la République s’interroger, le 8 janvier : "Quelle ville devons-nous nous efforcer de construire en ce début du XXIe siècle ?" Et préciser que la réflexion doit être engagée d’abord "sous l’angle de l’urbanisme, de l’architecture, de la sociabilité, de la convivialité, de la qualité de la vie, de la place de l’homme dans la ville". Il est vain d’opposer populations et territoires, rénovation sociale et rénovation urbaine. Les deux sont liés. Cette conviction portée au plus haut niveau de l’Etat me conforte dans l’idée que ce n’est pas d’un plan que nos quartiers ont besoin. C’est d’une nouvelle dynamique, génératrice de considération, d’envie, de mobilisation, d’ambition, de respect, d’espoir. C’est pourquoi, depuis le début, malgré les injonctions des uns et des autres, je propose d’ouvrir cette nouvelle page. Je veux que cette nouvelle dynamique qu’aborde notre pays soit partagée et portée par tous.

La journée du 22 janvier marquera l’amorce de cette nouvelle dynamique. A Vaulx-en-Velin, je clôturerai les cinq mois de concertation que j’ai engagés. Avec les acteurs de terrain, les élus, les associations, qui en sont la clé de voûte, nous en dessinerons les contours. Il s’agit du premier des rendez-vous de travail que j’entends organiser autour de l’emploi, de la culture, des sports, de l’entreprise, de l’urbanisme, de l’éducation, de la santé, etc.

Dès le mois de février, le président de la République arrêtera la mise en œuvre d’actions immédiates, mais surtout les axes de réforme qu’il nous faut engager et les moyens nécessaires pour que "espoir banlieues" devienne concrètement une dynamique pour la France et pour la République.

Fadela Amara, secrétaire d’Etat chargée de la politique de la ville

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