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Sur le site de l’OZP : l’autre visage de Villiers-le-Bel (Val-d’Oise)

27 novembre 2007

Après l’incendie d’une maternelle à Villiers-le-Bel, le Quotidien des ZEP évoque un autre visage de la Ville

Extrait du site de l’OZP, le 27.11.07 : Le collège Léon Blum de Villiers-le-bel obtient le second prix Evens

Une trilogie historique rédigée par des élèves

Inventer un personnage, s’emparer de ses émotions et raconter son quotidien : voilà la formidable aventure qu’ont vécue les élèves de Renaud Farella. Cet enseignant d’histoire au collège Léon Blum de Villiers-le-Bel1 a concrétisé un projet inédit : la rédaction par les élèves d’une trilogie historique.

Lorsqu’il entre à l’Université, Renaud Farella n’a aucun doute sur son avenir : il sera enseignant. Cette vocation est née de rencontres au lycée puis en Hypokhâgne : "Au contact de profs passionnés, je me suis forgé ma conception de l’Histoire, une Histoire pensée au sens large, à la lumière de la géographie ou encore de la littérature". Et c’est cette conception que Renaud veut transmettre à son tour !

Le choix de la ZEP

Un Capes et un stage plus tard, une nouvelle évidence se dessine : l’enseignement en ZEP. "Enfant de Pontoise, je savais les choses différentes à l’autre bout du 95" explique celui qui, en 2001, débarque à Villiers-le-Bel. "Ici, une panne informatique dure des mois, sourit Renaud, mais 80 ethnies se côtoient dans une relative tranquillité". Au sein de l’équipe éducative, il rencontre Alain Degenne, professeur de français épris d’histoire. "Au départ, il n’y avait pas vraiment de projet pédagogique. Seulement l’envie de travailler ensemble sur la guerre 14-18, via un atelier d’écriture" résume Renaud.

Une fiction pour comprendre le passé

Ainsi naquit Louis Joubert, un Beauvilérois imaginaire devenu soldat de Verdun sous la plume de deux classes de troisième2. "Au préalable, nous avions étudié les tranchées et analysé de nombreux documents d’époque" précise l’enseignant. Armés de ce bagage, les élèves brossent le caractère et l’histoire de Louis avant d’écrire ou de dessiner les pages de son journal. "Et ce, dans un délai record de deux mois afin de respecter le programme scolaire". Une période intense donc, au terme de laquelle les élèves, après avoir vu leur livre relié, ont répondu à des interviews et présenté leur travail au Mémorial de Verdun.

Une histoire, des mémoires

"A la rentrée suivante, continue Renaud, plutôt que de répéter l’expérience, nous décidons de la poursuivre au sein d’une trilogie3". A la vie de Louis, succède celle de Nicolas, son petit-fils4 témoin de la guerre d’Algérie puis, en 2004, celle de Charles, père de Nicolas et facteur sous l’Occupation5 . Nouveaux sujets, nouvelles méthodes, chaque "promotion" se confronte à un exercice littéraire différent : la correspondance fictive pour les uns, le carnet de bord pour les autres. Reflet de la saga familiale, l’échange entre générations devient une clé du projet. Au collège, des témoins racontent le passé. A la maison, le dialogue s’ouvre sur des histoires souvent tues. Et pour Renaud, l’aboutissement ultime reste le déplacement in situ, "pour voir les traces de ce passé mis en mots par les élèves. C’est ainsi qu’en 2004, nous sommes partis à Berlin".

Ouvrir des perspectives

A l’heure du bilan, l’enseignant mise sur le réalisme : "Nous ne détenons pas la solution-miracle mais ça marche". Preuve en est la réussite scolaire des jeunes auteurs ou ces signes discrets de fierté comme "les visites d’anciens élèves ou la naissance de vocations". La trilogie terminée, enseignants et élèves planchent cette année sur la réalisation d’un DVD, l’organisation d’une exposition sur l’immigration et un projet franco-allemand. Rien de moins ! Objectif ? "Offrir aux jeunes la chance de réussir ce qu’ils entreprennent, les amener à exprimer leurs talents" conclut Renaud avec enthousiasme.

Cécile Desbois

(1) Département du Val d’Oise (95)

(2) Classe de troisième du collège Léon Blum, Le journal de Louis Joubert (Verdun 1916), L’Harmattan, 2005. Présentation de l’éditeur : Verdun, Mars 1916. Le jeune Louis Joubert entre dans l’enfer des tranchées. Pour apprivoiser la peur, la mort, l’absence, il écrit et dessine au jour le jour. Revenir vivant, épouser la jolie Catherine, voilà ce qu’il espère et qui le fait tenir mais jusqu’à quand ?

(3) « Ecrire sur le XXème siècle » qui réunit les 3 volets de la saga.

(4) Collège Léon Blum, Lettres croisées. Oran - Villiers-le-Bel 1961-1962, L’Harmattan, 2004. Présentation de l’éditeur : Septembre 1961, Djamel est resté à Villiers-le-Bel. Son meilleur ami Nicolas a suivi sa famille à Oran. Jusqu’en mai 1962, leurs lettres vont se croiser. Derrière les premiers succès de Johnny et des Beatles, l’Histoire est en marche. O.A.S, F.L.N, attentats, De Gaulle, Harkis, Pieds-Noirs...1962 est la dernière année d’une guerre qui ne dit pas son nom.

(5) Collège Léon Blum, Carnets de bord, Villiers-le-Bel, 1940-1944, Lorsqu’il L’Harmattan, 2005. Présentation de l’éditeur : au Nord de Paris, une petite ville occupée. Le jeune Charles Joubert, facteur de son état, écrit ses carnets de bord. Sentinelle du quotidien, il se fait l’écho des drames, petits ou grands, qui rythment ces années sombres.

(6) Grand rassemblement annuel des historiens en France proposant un salon du livre, des débats et conférences, projections cinéma, cafés, prix...

Extrait du site « VousNousIls », le 3 février 2006

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Extrait du site de l’OZP, le 29.01.05 : Bonne pédagogie dans la ZEP de Villiers-le-Bel

Des livres d’histoire dont les élèves sont les héros

En ZEP, des profs réussissent à enseigner autrement l’histoire contemporaine.

Fataine, Yucel, Abdelkrim, Nivath, Dona, Nadjila... Au collège Léon-Blum de Villiers-le-Bel (Val-d’Oise), les prénoms des élèves évoquent tous les continents. Leurs difficultés sociales sont connues et se répercutent sur l’orientation : près de 50 % d’entre eux n’iront pas en lycée général. Ce collège cumule les étiquettes peu gratifiantes : classé en ZEP, zone sensible, zone de violence. « En contrepartie, on s’autorise une grande liberté pédagogique », résume Alain Degenne, professeur de français.

Décloisonnement

Il y a trois ans, ce littéraire passionné d’histoire s’est entendu avec son collègue professeur d’histoire-géographie et épris de littérature : tous deux désiraient décloisonner leurs matières. Ils ont créé un atelier d’écriture qui regroupe, une heure par semaine, des élèves de deux classes de troisième.

Au départ, il n’y avait pas vraiment de projet pédagogique. Juste l’envie de travailler ensemble sur la guerre de 14-18. Les enseignants ont demandé aux élèves de se mettre dans la peau d’un poilu qui tiendrait son journal intime. Ces lettres très personnelles, écrites sur un coin de la table familiale à l’heure des devoirs, ont convaincu les enseignants de la force des jeux de rôle : « Les élèves incarnaient des personnages, percevaient le conflit à leur échelle. Ils devenaient des auteurs. » Le personnage du poilu Louis Joubert est né dans leur imagination.

L’année suivante, les élèves ont poursuivi leur exploration de l’histoire contemporaine en créant le personnage de Nicolas, un garçon de Villiers-le-Bel confronté à la guerre d’Algérie. Petit-fils de Louis le poilu, Nicolas part en pleine guerre pour Oran, parce que son père, fonctionnaire, y est muté. D’Oran, Nicolas écrit des lettres à son copain Djamel, resté à Villiers-le-Bel. Cette correspondance entre le Français d’Algérie et l’Algérien de France a donné naissance à Lettres croisées, un livre finalement édité par l’Harmattan et lauréat du prix René-Cassin 2004, qui récompense chaque année le meilleur travail scolaire sur les droits de l’homme. « Cette reconnaissance leur a procuré énormément de fierté, souligne Renaud Farella, le professeur d’histoire. Ce dont nos élèves manquent souvent au quotidien. »

Saga familiale

Cette année, le groupe construit une autre étape de la saga familiale, il a choisi la période 1939-1945. Charles est ainsi le fils de Louis le poilu, et le futur père de Nicolas le Français d’Algérie. Pour l’heure, il vit sous l’Occupation, toujours à Villiers-le-Bel, point d’ancrage des différents récits. Ce lundi-là, les élèves présents à l’atelier d’écriture précisent les contours du personnage de Charles : il travaille à la poste, tient son journal de bord et, amoureux de Marie, il lui dédie des poèmes. Elia, qui les a tous écrits, les lit à voix haute. D’ordinaire plutôt agitée en classe, elle est ici extrêmement attentive, puis multiplie les questions sur la crédibilité de ses écrits. Douée en dessin, elle est aussi chargée de réaliser des illustrations. Un vaste synopsis a été élaboré collectivement, qui mêle événements historiques et anecdotes personnelles sur la vie de Charles.

Pour construire leurs récits, les élèves ont rencontré des témoins de l’époque : un ancien déporté les a longuement reçus ; une habitante de Villiers-le-Bel leur a dépeint ce gros village essentiellement peuplé de maraîchers. Une Parisienne, témoin de la rafle du « Vél d’Hiv » et qui s’est mariée pendant la guerre ¬comme le personnage de Charles¬, leur a confié quantité de détails précieux. Un adjoint au maire de Sarcelles va leur parler de son passé d’enfant juif caché par une famille. « Face aux témoins, les élèves ont osé toutes sortes de questions, racontent les deux enseignants. Ils ont pu aborder la complexité des situations. » Ils ont également visité le camp de Drancy, comme leurs prédécesseurs s’étaient rendus au mémorial de Verdun avant d’écrire l’histoire de Louis le poilu.
Nouvelle génération.

Pour Benoît Falaize, auteur d’une étude sur l’enseignement de la Shoah et des guerres de décolonisation (« Entre mémoire et savoir, l’enseignement de la Shoah et des guerres de décolonisation », INRP, Paris, 2003), le travail mené à Villiers-le-Bel « permet aux élèves de comprendre que l’histoire du XXème siècle est un tout. D’assumer toutes les mémoires, sans donner l’impression que l’on en favorise une au détriment d’une autre, ce qui est souvent source de conflits dans les salles de classe ». Alain Degenne et Renaud Farella reconnaissent qu’ils ne disposaient pas d’une méthode prête à l’emploi avant de se lancer.

Simplement l’envie de donner à leurs élèves l’occasion de s’approprier « ce qui fait l’histoire commune, malgré leurs origines culturelles diverses ». Le chercheur y voit la marque d’une nouvelle génération d’enseignants.

Marie-Joëlle GROS.

Extrait de « Libération » du 29.01.05

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Extrait du site de l’OZP, le 29.01.05 : La ZEP de Villiers-le-Bel au Sénat

La démocratie aux Rendez-vous citoyens

Existe-il des valeurs universelles ?

La démocratie est-elle l’une d’elles ?

Samedi 11 juin, dans le cadre des "Rendez-vous citoyens", le Sénat organise une grande journée dédiée à la démocratie : "Le Printemps des démocraties". Quatorze équipes recevront les prix des "Défis de la paix". Ce concours a l’originalité d’associer des enseignants de langues et d’histoire de lycées français et européens dans un projet commun : faire connaître dans la langue de l’autre un parlementaire de son pays.

Un Forum pédagogique réunira 300 enseignants sur le thème de la fiction historique. R. Farella et A. Degenne, professeurs d’histoire et de français en ZEP à Villiers-le-Bel (95) présenteront trois récits de fiction historique écrits par leurs élèves de 3ème. Un autre récit sera présenté par G. Tuech et J. Goullet, professeurs d’histoire et de français dans un lycée de Blois.

"Le Printemps des démocraties" c’est aussi cinq tables rondes qui réuniront des spécialistes sur la démocratie comme valeur universelle, les conflits en démocratie, démocratie et religion, la crise de la démocratie et les rapports entre la loi et l’Histoire. Ce dernier thème tombe à pic après l’adoption d’une loi controversée sur l’histoire coloniale.

Le programme

Extrait de « L’Expresso » du 07.06.05

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Extrait du site de l’OZP, le 16.11.05 : Remarquable pédagogie dans les ZEP de Corbeil et Villiers-le-Bel

A l’école de la cité,

faire passer les élèves du pluriel au singulier

A Corbeil-Essonnes et à Villiers-le-Bel, rencontres avec des enseignants de ZEP qui tentent d’amener leurs collégiens à s’affranchir de l’identité collective du quartier

Lundi 3 octobre, le volume sonore frôle les limites du supportable à la MJC de Corbeil-Essonnes. Des élèves des collèges Léopold-Sédar-Senghor et Louise-Michel hurlent de joie. Leurs copains de classe viennent de donner une représentation du Bourgeois gentilhomme. Au milieu de leurs élèves hilares, Géraldine Obédia et Séverine Woimant, professeures de français, la trentaine. Les années précédentes, elles ont monté Les Précieuses ridicules et Douze Hommes en colère. Comme à chaque fois, quelques petits durs de la cité des Tarterêts sont sur scène. Au cours d’un an de préparation, ils se sont emparés de la langue de Molière avec délectation. Abandonnant leur carapace habituelle, l’uniforme de la cité, ils se sont glissés dans leurs costumes de scène, défiant les ricanements de leurs copains en survêtement. « Le théâtre leur permet de se confronter autrement les uns aux autres, soulignent les enseignantes. Samedi, ils ont joué devant un public d’adultes et cette reconnaissance-là est inestimable. »

Lundi 14 novembre, des élèves du collège Léon-Blum de Villiers-le-Bel (Val-d’Oise) présentent au Centre mondial de la paix, à Verdun (Meuse), le récit d’un poilu natif de Villiers-le-Bel qu’ils ont eux-mêmes écrit et illustré. Depuis trois ans, Alain Degenne, professeur de français, et Renaud Farella, professeur d’histoire-géographie, animent un atelier d’écriture qui mêle histoire locale et grande histoire. Trois récits des élèves (sur la Première guerre mondiale, la déportation et la guerre d’Algérie) ont été publiés chez L’Harmattan. Les adolescents en tirent un sentiment de fierté qui leur est peu familier. « Ils se sont approprié ce qui fait l’histoire commune, malgré leurs origines culturelles diverses, expliquent les deux enseignants. Ils sont reconnus en tant qu’auteurs. Une image d’eux-mêmes bien différente de celles qui circulent ces jours-ci sur les jeunes de cités. »

« Sortir les élèves de leur cage d’escalier »

Dans les collèges classés en ZEP et zone de prévention violence, de nombreux enseignants s’investissent pour donner confiance en eux à des élèves trop souvent dévalorisés. Pour y parvenir, ils ressentent le besoin d’« accorder leurs violons », de travailler ensemble, souvent par affinité. Les ateliers mis en place à Corbeil, Villiers-le-Bel et ailleurs sont une façon de prolonger ce qui se joue dans les salles de classe.

En dehors des moments d’euphorie, il y a les doutes. Les élèves grandissent dans une cité. De la maternelle au lycée, leur ligne d’horizon ne varie quasiment pas. « Dans leur scolarité, le cordon n’est jamais coupé avec la cité », résume Géraldine Obédia. Beaucoup n’échapperont pas à leur destin, ces enseignants le savent. Au quotidien, les tentatives pour imposer les règles de la cité à l’intérieur du collège sont un défi lancé aux profs. Dans ces classes, être un bon élève, c’est s’attirer les foudres des autres. Certains font l’objet d’un chantage : si tu ne mets pas la merde dans le cours aujourd’hui, t’es mort.

« Il faut sortir les élèves de leur groupe d’âge, de leur cage d’escalier », avance Renaud Farella. Pour Alain Degenne, « en vivant dans le même quartier, les élèves connaissent le même échec. Or, être tous en échec, ce n’est plus un échec. Il faut casser cette logique pour leur permettre de construire quelque chose d’individuel ». Sa méthode à lui consiste, durant les deux premiers mois de l’année, à « sortir les jeunes de leur identité collective ». Et, aussi, d’une forme de passivité. « Ils sont malades du savoir et le savent. Je ne veux pas qu’ils attendent leur tour comme chez le médecin. Je veux qu’ils prennent la parole, qu’ils trouvent leur place. »

Certains ont deux, trois ans de retard. Ils seront quasiment en âge de voter en sortant du collège. « Quels citoyens seront-ils alors ? » « Ils ont droit à l’excellence »

Pour parler de leurs élèves d’origine étrangère, ces enseignants refusent le misérabilisme. Le collège est un repère important pour les élèves. La plupart acceptent de laisser les problèmes au-dehors. « Nos élèves doivent s’adapter aux règles de l’école. En contrepartie, à nous de sortir de notre rôle de petit prof », estime Renaud Farella. Ils se considèrent avant tout comme des éducateurs. Une leçon de grammaire n’arrive jamais sans raison. Séverine Woimant : « On donne un sens à chaque cours, on refait tout à notre sauce, on crée en permanence. » Alain Degenne ajoute : « On ne peut pas se contenter de méthodes classiques. » Ils réfléchissent sans cesse à la « courroie de transmission ».

« Quand j’ai commencé ce métier, confie Alain Degenne, la quarantaine, je croyais qu’il fallait adapter le contenu aux élèves en grande difficulté. Je sais maintenant qu’au contraire, il ne faut pas hésiter à faire des choses complexes : ils ont droit à l’excellence. Il faut leur ouvrir des portes d’ordinaire fermées. » En voiture, ce prof de français note les mots compliqués entendus à la radio : « aviaire », « pandémie », « roboratif », « synergie »... Après avoir disséqué ce vocabulaire en classe, il demande aux élèves d’écrire un texte réutilisant ces mots dans un dialogue quotidien. La lecture, qui demande isolement et concentration, n’est pas pour eux une activité aisée. Pour étudier des textes fantastiques, Géraldine Obédia et Séverine Woimant bandent parfois les yeux de leurs élèves, enclenchent un CD de musique choisie, créant une atmosphère inquiétante : « Il faut leur faire vivre l’expérience de la lecture pour leur en donner le goût. »

« Etre un nul, un zéro, ça veut tout dire »

Il y a ceux qui résistent catégoriquement, à tout enseignement. Face à une situation particulièrement bloquée, Alain Degenne cherche à nouer le contact avec l’élève difficile en dehors de la salle de classe. Il se met à sa hauteur dans les escaliers, lui parle de tout et de rien. « Dans ces moments-là, il n’y pas de prof, pas de note, juste deux personnes qui discutent. Plus tard, en classe, on sait tous les deux qu’on a partagé ça. » Au collège Léon-Blum, chaque élève dispose d’un « tuteur » : un adulte de l’établissement, pas forcément enseignant. Le tuteur et l’élève se rencontrent régulièrement : « Ça aide à repérer les gros problèmes. » Ces moments sont officialisés, les parents prévenus.

Les portes du collège restent ouvertes à d’anciens élèves ou des adultes rencontrés à l’occasion d’un projet. « Les enseignants ne détiennent pas tous les savoirs, insiste Renaud Farella. Des choses fabuleuses se passent entre des gens âgés et nos élèves. Ouvrir le collège à toutes les générations est aussi un moyen d’enseigner. »

« Il faut dissocier l’élève de sa note »

« Des classes peuvent devenir particulièrement dures dès que la première note est tombée », racontent les deux professeures de français. Aux yeux des élèves, la note, « pourtant simple évaluation technique » devient « un jugement moral, source de comportements agressifs ». Alain Degenne : « Il faut dissocier l’élève de sa note. Etre un nul, un zéro, ça veut tout dire. » Mais une rédaction truffée de fautes d’orthographe ne peut pas valoir une bonne note. Dans le commentaire, l’enseignant souligne la valeur du contenu, multipliant les métaphores : « ton tir était magnifique, mais à côté de la barre ». Ou alors « très beau saut en longueur, mais t’as mordu ». La règle : stimuler l’effort.

« On essaye de les rendre plus forts »

« Le silence n’est jamais une situation naturelle pour eux. On le voit pendant les contrôles, ils écoutent le silence avec des mines stupéfaites », souligne Alain Degenne. En classe, le calme absolu n’est pas un impératif. Il y a d’ailleurs toujours du brouhaha. Pour installer leur autorité, ces enseignants misent sur « la justice, l’équité, la confiance ». Et aussi sur la « crédibilité » : pas de promesses intenables, ils avancent « pas à pas ». Pas non plus de discours tout fait sur l’école qui décerne un diplôme assurant la réussite professionnelle : les élèves savent que la mécanique est en panne. « On tente de faire ce qu’on peut, reconnaissent ces enseignants. On essaie de les rendre plus forts, plus confiants, pour qu’ils sachent se débrouiller dans un monde adulte. C’est avant tout cela, l’éducation. »

Marie-Joëlle Gros

Extrait de « Libération » du 16.11.05

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