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« Le Monde » enquête dans la ZEP de Grigny (Essonne)

20 novembre 2007

Extrait du « Monde » du 20.11.07 : Grigny mobilisé contre la violence ordinaire

Les parents et les enseignants de la Grande-Borne à Grigny (Essonne) s’unissent pour dénoncer la montée de violence dans le quartier. Samedi matin, quelque 700 personnes, enseignants, parents et élèves, ont défilé jusqu’à la mairie, en scandant " Non aux agressions, c’est la paix que nous voulons ! " ou " Enseigner sans saigner ".

Jeudi 8 novembre, à 17h, une institutrice de 27 ans quittait l’école maternelle Pégase quand deux hommes armés ont surgi devant sa voiture, braqué un pistolet vers le pare-brise comme s’ils allaient tirer, ouvert la portière et posé l’arme sur sa tempe en hurlant "Sors, sors !". Le lendemain, une maîtresse de l’école du Renne échappait de justesse à une agression similaire. Il y a un mois, une enseignante de l’école du Buffle aspergée de gaz lacrymogène, était déjà victime d’un car-jacking...

"On ne veut plus aller travailler la peur au ventre", s’emporte Valérie Geissenger, directrice de l’école Pégase. Les enseignants de la plupart des écoles du quartier se sont mis en grève lundi et un rapprochement inhabituel avec les parents d’élèves s’est opéré. Certains qui, par peur ou intimidation, n’avaient jamais passé les portes de l’école, ont décidé d’occuper les locaux pour soutenir la mobilisation enseignante. "On vit avec la violence, témoigne Samira, maman d’un garçon de 6 ans. On s’habitue, c’est terrible à dire, mais on ne veut surtout pas perdre nos écoles et nos instituteurs." "Quelque chose s’est noué avec les parents. La parole s’est libérée", explique Jean-Guy Lafaye, directeur de l’école du Buffle, où onze des douze enseignants déclarent vouloir changer d’affectation. "C’est un choix ultime pas un choix de cœur", précise un jeune maître. Les autorités ont pris l’affaire au sérieux. Le recteur de l’Académie de Versailles, Alain Boissinot, s’est rendu jeudi à la Grande-Borne pour accorder le paiement de la journée de lundi, dédommager les institutrices et proposer l’intervention du centre d’aide du rectorat spécialisé dans le suivi d’événements violents.

Le préfet de l’Essonne, Gérard Moisselin, a ordonné le renforcement des surveillances tout en reconnaissant son incapacité à mettre des policiers à la sortie des douze écoles du quartier. Il a proposé de subventionner l’installation de caméras de vidéosurveillance, mais le maire, Claude Vazquez (PCF), n’y est pas favorable : "Ce n’est pas parce que c’est la mode là-haut qu’on va s’y mettre. L’Etat fait dans la haute technologie, veut survoler la banlieue avec des drones. Je ne voudrais pas qu’il en profite pour diminuer le nombre de policiers. Nous allons voir les résultats que la vidéosurveillance a donnés ailleurs avant de prendre une décision."

Pour que la "force collective" née cette semaine perdure, Jean-Guy Lafaye a décidé d’ouvrir une salle de son école, chaque jeudi, aux parents d’élèves, qui listeront toutes les incivilités de la semaine : "Il faut tout noter et faire remonter à l’inspection académique. On a trop subi sans laisser de traces, en se disant, il pourra toujours nous arriver pire". Le préfet comprend la "réaction légitime de la population" mais déplore son inertie : " Il y a quand même beaucoup d’adultes qui pourraient faire le 17 pour aider la police ! Mais à la Grande-Borne, contrairement à d’autres cités, personne n’a jamais rien vu rien entendu. Du coup, les quelques dizaines de délinquants de la cité recommencent. J’entends dire, il faut plus de psychologues, de médiateurs, d’orthophonistes... Mais si ces individus nous entendaient parler prévention, ils rigoleraient très fort et se diraient : c’est bon, on peut continuer. La meilleure des préventions c’est la répression. Il appartient aussi aux habitants de prendre leurs responsabilités".

Anne Rohou

le précédent article du Quotidien des ZEP

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Un baby boom coûteux

Grigny, 25 000 habitants, est classée ville la plus pauvre de l’Essonne. C’est aussi la plus jeune. Elle affiche un taux de chômage de 30 % chez les 16-25 ans. Le quartier de la Grande-Borne concentre la moitié de la population et des écoles de la ville. Il bénéficie de financements de l’Etat au titre de la politique de la ville, et de fonds européens pour rénover l’habitat.

"Mais notre problème à Grigny, ville de banlieue, comme Sarcelles, Chanteloup-les-Vignes ou Sevran, ce sont les dépenses de fonctionnement, se plaint le maire, Claude Vazquez. On a 800 naissances par an, ce qui correspond normalement à une population de 80 000 habitants. D’où des dépenses surdimensionnées pour une ville comme la nôtre.

Or, les dotations globales de fonctionnement de l’Etat sont calculées à partir du nombre d’habitants... "

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