> VI- PÉDAGOGIE (Généralités, Disciplines, Actions locales) > ACTIONS PEDAGOGIQUES LOCALES (par niveau et discipline) > Actions locales A L’ECOLE > Ecole (Langue écrite et Lettres) > « Le Monde » dans un CP du RAR de la Goutte-d’Or à Paris

Voir à gauche les mots-clés liés à cet article

« Le Monde » dans un CP du RAR de la Goutte-d’Or à Paris

29 octobre 2007

Extrait du « Monde » du 27.10.07 : Premiers pas en lecture dans une école de la Goutte-d’Or, à Paris

L’école primaire de la Goutte-d’Or, dans le quartier de Barbès, à Paris, est en zone d’éducation prioritaire (ZEP). Les familles de ses élèves sont majoritairement africaines. A la veille des vacances de la Toussaint, alors que le ministre de l’éducation nationale, Xavier Darcos, doit annoncer, dimanche 28 octobre, ses mesures pour le primaire, Noëlla Germain, enseignante de cours préparatoire (CP), est très satisfaite de leurs premiers pas dans l’apprentissage de la lecture.

Ancienne secrétaire départementale du SNUipp-FSU, syndicat majoritaire dans le primaire, l’enseignante est au fait des querelles sur les méthodes. Faire travailler une phrase entière comportant des mots que les enfants ne peuvent encore décoder, et les faire recourir à des "indices" (tel mot ressemble à tel autre, commence ou finit par les mêmes lettres, etc.) est réprouvé par les tenants de la méthode syllabique. Ceux-ci prônent l’exclusivité du décodage ou "b.a.-ba". "Mais en syllabique pure, explique-t-elle, vous avez des textes très pauvres, au moins jusqu’en janvier. Je préfère prendre de vraies phrases, en appliquant le principe de "l’ascenseur" : nous allons des mots vers les lettres, et des lettres vers les mots." L’école connaît peu de déconvenues en lecture : les difficultés commencent après.

Mais au CP, "je leur apprends à lire à tous, déclare Mme Germain. En février, la plupart savent lire au sens syllabique du terme, c’est-à-dire qu’ils savent décoder. Pour les plus tardifs, c’est à Pâques". Pour sa cinquième année dans cette école, elle n’a "jamais eu une classe aussi bonne" : ses vingt-quatre élèves, aux trois quarts des filles, sont tirés vers le haut par un groupe de cinq ou six enfants plus dynamiques.

"On va refaire un exercice de dictée de syllabes", lance la maîtresse. Les élèves s’emparent de leurs ardoises. Après une rapide révision des lettres, elle accroît progressivement la difficulté. Elle passe aux syllabes simples : "ma, me, mi, mo, mu", en utilisant un tableau des consonnes et voyelles. Elle aborde ensuite des mots comme "mari" ou "rare", puis d’autres plus compliqués mais connus par des histoires étudiées en classe, comme "tortue" ou "maison". Enfin, elle glisse des surprises : des mots, comme "patate", que personne ne connaît et qui ne sont accessibles qu’en combinant les lettres. La lecture est amalgamée à l’écriture. En fin de séquence, la phrase du jour est reportée dans les cahiers : "La maison de la tortue est très jolie."

Par rapport aux prescriptions officielles, légèrement révisées sous le ministre Gilles de Robien en mars 2006, l’enseignante est en règle : elle étudie bien le code dès la première heure. Mais elle dit que ce n’est pas suffisant pour que les élèves sachent lire : "Il faut aussi comprendre, et c’est là qu’ils vont avoir du mal."

Le problème principal est le manque de vocabulaire. "Par exemple, j’ai des enfants qui ne connaissent pas le mot "tasse". Je dois aussi les convaincre de s’intéresser à ce qu’ils lisent, de le mettre en lien avec ce qu’ils connaissent déjà, de se poser des questions et de chercher des réponses. C’est le plus difficile. Si je n’y réussis pas, ils seront en échec dès le CE2, alors qu’ils auront facilement appris à décoder."

Dans la classe, seuls trois élèves sont vraiment à la peine. Faciles à repérer : ils gigotent, ont l’esprit ailleurs. Ils sont souvent pris en charge en dehors de la classe par un autre enseignant, spécialisé dans l’aide pédagogique. En classe, une enseignante présente cinq heures par semaine les prend également à part. Dans cette ZEP, les dispositifs d’aide fonctionnent. Mais comment faire pour que les acquis, fragiles, ne s’évanouissent pas ? L’enseignante est consciente que sa réponse - "des moyens supplémentaires" - n’est pas dans l’air du temps. Elle argumente. "Dès qu’on a le temps de s’asseoir avec les enfants, d’intervenir au moment où ils se trompent, on y arrive. Mais dix minutes après, c’est trop tard."

Luc Cédelle

Répondre à cet article