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« Sciences-Po. De la Courneuve à Shanghai », ouvrage par Cyril Delhay, chargé des conventions ZEP à Sciences Po

26 juillet 2007

Extrait de « Libération » du 26.07.07 : Une école qui exclut sans bruit

Livre. Le directeur de Sciences Po frappe fort. Il s’attaque aux tabous du mythe républicain de l’éducation française.

« Sciences-Po. De la Courneuve à Shanghai » Richard Descoings, 502 pp., 22,50 euros, Sciences-Po les Presses.

Un coup de boutoir sur le socle prétendument fondamental de notre pays, le pilier qu’il n’est pas question de faire bouger sans que, croit-on, tout l’édifice ne s’effondre : le modèle républicain de l’éducation française. C’est le combat mené par Richard Descoings, directeur de Sciences-Po, dans son dernier ouvrage. L’école républicaine est-elle vraiment égalitaire, comme on l’affirme encore pour refuser toute idée de quotas ou de discrimination positive qui donneraient un avantage - « injuste » - aux désavantagés ?

Absolument pas, explique Richard Descoings, « l’égalité formelle de traitement n’est pas la garantie de l’égalité des chances, et encore moins de la justice et de l’équité ». Ce n’est pas parce qu’on suit les mêmes programmes, passe le même bac, essaie de décrocher les mêmes diplômes nationaux et les mêmes concours qu’on a la même chance : « Belle égalité qui place sur une même ligne de départ des jeunes gens si différemment préparés à ce type de compétition. Cette égalité républicaine qui permet d’exclure sans bruit et en toute bonne conscience les non-initiés. »

Le directeur de Sciences-Po, école d’élite, a affronté le tollé des partisans de la « méritocratie républicaine » quand il a organisé un concours d’entrée spécial pour les jeunes exclus des centres-ville, victimes de leur classe sociale et de leur zone géographique, élèves des lycées de ZEP.

Bousculant les clivages du système français, Descoings a installé des classes de préparation à Sciences-Po dans les banlieues, créé d’autres Sciences-Po en province grâce à un partenariat avec les régions, et aussi une école de journalisme, une formation d’avocats, il a ouvert son école aux étudiants étrangers, signé des diplômes communs avec les plus grandes universités du monde. Chaque fois critiqué par les institutionnels, il rappelle qu’en 2005 une violente réunion avec toutes les autorités de l’éducation nationale s’était terminée par cette injonction : « Choisissez un terrain de jeu, et tenez-y vous ! »

Mais Descoings avance, maintenant c’est sur un projet de lycée expérimental en Seine-Saint-Denis. Et, de proposer, dans son livre, de multiples solutions finalement assez simples - sauf qu’elles sont contraires à ces fameux tabous du modèle républicain. Pour les universités, il pense qu’il faut en finir avec la distribution des deniers de l’Etat sur la seule base du nombre d’étudiants qui perpétue « l’égalité dans l’insuffisance » - l’égalité dans l’échec des étudiants de premier cycle, l’égalité dans les terribles conditions de travail, dans les salaires des enseignants.

Défenseur de l’autonomie des universités qui s’émanciperaient enfin de la tutelle de l’Etat, il dénonce le tabou des droits de scolarité, de la gratuité des études comme garantie de la démocratisation de l’enseignement supérieur ; il propose aussi d’en finir avec le principe d’égalité qui suppose que tout jeune doit pouvoir mener des études supérieures à côté de chez lui : Descoings se lance dans un plaidoyer pour la mobilité si contraire à l’esprit français. Et l’on arrive au cœur du pouvoir de la société française : la sélection à l’entrée des grandes écoles. Dans les années 50 environ 29 % des élèves étaient d’origine populaire, note Descoings, ils ne sont plus que 9 % aujourd’hui, contre 90 % d’enfants de professions libérales et de profs, que leurs parents envoient en vacances à l’étranger, emmènent au théâtre, font lire. Et pourtant les grandes écoles continuent d’affirmer que leur sélection est républicaine et égalitaire. « La démocratisation des grandes écoles s’impose parce qu’elle constitue une sorte de goulot d’étranglement dans l’accès aux fonctions de responsabilités dans notre pays », écrit-il, suggérant de réformer les concours, d’accroître les admissibles pour avoir ensuite des entretiens individuels qui permettent de juger des qualités des candidats plutôt que des épreuves anonymes écrites.

Directeur d’une des écoles les plus sélectives de France il est au meilleur poste d’observation de l’ « égalité des chances » en France, ce mythe républicain

Annette Lévy-Willard

22,50 euros

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Rappelons le livre de Cyril Delhay paru en septembre 2006 : « Promotion ZEP »

19 euros

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