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François Jarraud (Café pédagogique) fait le point sur l’éducation prioritaire

2 juillet 2007

Extrait d’un « dossier du Café », le 01 07.07 : Enseignement prioritaire : la nouvelle politique promet davantage d’accompagnement pédagogique que de moyens

"La politique d’éducation prioritaire s’est peu à peu éloignée du discours d’intention et des objectifs initiaux : la carte est devenue inflationniste et très hétérogène au point de ne plus être considérée comme juste et efficace par les acteurs locaux ; les moyens, importants, n’ont plus, dès lors, été concentrés sur des territoires restreints, mais ont été dispersés sur 15 à 20 % des établissements scolaires, et ont servi plus à afficher des mesures gestionnaires quantitatives (taux d’encadrement et mesures indemnitaires) qu’à résoudre des difficultés repérées. Plus fondamentalement, comme bien souvent en France pour d’autres politiques publiques, le contenu de la politique d’éducation prioritaire a privilégié fortement l’organisation et les personnels et non la mission de service public". Commandé par le ministre, le rapport de l’Inspection générale (Anna Armand et Béatrice Gille) sur les ZEP montre une politique en échec.

Car, selon lui, les ZEP représentent un effort d’un milliard d’euros soit près de 10 000 emplois d’enseignants. " Tous, chercheurs, autorités ministérielles, s’accordent à dire que « ni son efficacité globale, ni sa capacité à corriger l’inégalité des chances n’ont été clairement établies » : la politique d’éducation prioritaire a produit peu d’effets tangibles sur les écarts constatés entre les résultats scolaires des élèves en éducation prioritaire et hors éducation prioritaire,... elle a néanmoins réussi à maintenir les mêmes écarts de résultats, tout en diminuant la proportion des élèves en retard, alors que, dit-on, la situation sociale s’aggravait ; elle a contribué dans bien des cas à améliorer l’ambiance scolaire et la vie scolaire des établissements les plus difficiles ; il y a, à publics apparemment à peu près équivalents, des zones ou réseaux qui réussissent quand d’autres échouent, ce qui signifie qu’il n’y a pas de déterminisme total de l’échec, mais les écarts de performance, s’ils sont constatés, ne sont pas assez souvent analysés, et compris". Au total, "les moyens supplémentaires importants - environ un milliard d’euros attribués à l’éducation prioritaire - n’ont pas réussi à augmenter sensiblement les performances des élèves". Ce qui justifie, pour l’Inspection, une critique de la pertinence des mesures prises jusqu’ici.

Le rapport consacre un important chapitre à l’analyse de la pédagogie en éducation prioritaire. Il s’appuie sur une sélection de rapports d’inspection, ce qui n’est peut-être pas une méthode réellement objective. Mais incontestablement cette approche signe la particularité et l’intérêt de ce rapport. Pour l’inspection, la pédagogie en zep a du mal à trouver un équilibre "entre exigences et adaptation aux publics". Les inspecteurs trouvent que dans les classes les "repères pédagogiques et didactiques se sont estompés". Au risque d’être accusés d’une certaine cruauté pour les enseignants qui travaillent en ZEP, ils évoquent la pauvreté du langage des élèves, la densité insuffisante du travail écrit, une "dérive activiste" qui freine la structuration des acquis. Il est vrai qu’ils relèvent des résultats très hétérogènes d’un établissement à l’autre.

Reconnaissons aux inspecteurs qu’ils proposent des aides pédagogiques mais à moyens constants. " De manière générale, les ZEP ne manquent pas de moyens et l’amélioration de l’efficacité pédagogique ne peut être attendue d’une augmentation des ressources allouées. Il faut exploiter les marges de progrès qui sont bien réelles et pour cela, d’abord, parvenir à améliorer, voire à transformer, certaines pratiques pédagogiques. À cette fin, il semble nécessaire de travailler dans trois registres : faire évoluer de manière significative des conceptions fortement ancrées chez les inspecteurs, les conseillers pédagogiques et les enseignants, doter encadrement et enseignants d’une culture didactique plus solide, aider les équipes pédagogiques jusque dans des aménagements pratiques de leur travail (organisation du temps de l’apprentissage, choix d’outils, mise en place de dispositifs de différenciation, travail collectif). Il faut aussi accorder plus d’attention à la situation des directeurs d’école (recrutement et formation) et favoriser un investissement plus soutenu des inspecteurs et des équipes de circonscription dans les écoles en ZEP, pour que l’aide nécessaire aux équipes pédagogiques soit apportée en temps opportun". Pour l’Inspection, il faut que les enseignants enseignent davantage. Pour cela 8 propositions concernant la classe : faire évoluer la conduite de cours, mettre l’accent sur la lecture et le langage, renforcer la cohérence pour tout ce qui concerne la vie scolaire, faciliter les liens entre disciplines, mieux communiquer avec les parents.

Sur le terrain institutionnel, l’Inspection varie les approches selon les zones. En EP1, elle croit diluer les difficultés en fermant certains établissements et en élargissant la carte scolaire pour les familles des zones prioritaires. "La faculté de décision des familles quant à la scolarisation de leurs enfants est beaucoup moins importante dans les zones d’EP1. En effet, la mobilité des familles est réduite, la dépendance vis-à-vis du système scolaire y est très forte, et le sentiment de résignation devant les contraintes est prégnant. Développer la capacité et la volonté de faire des choix dans l’éducation des enfants relevant de l’EP1 ne pourrait qu’être bénéfique à tous. Dès lors plusieurs solutions peuvent être mises en œuvre : désectoriser l’affectation des élèves du primaire et des collèges ; développer les offres alternatives publiques ; privilégier pour l’attribution ou l’extension de contrats à l’enseignement privé, les demandes correspondant à des implantations dans les territoires de l’EP1". Du coup, les EP2 et EP3 deviendraient des établissements "à fort taux de publics dits prioritaires nécessitant des moyens supérieurs mais non spécifiques". On arriverait ainsi à une extinction douce des ZEP...

Et on se retrouve devant de simples difficultés pédagogiques pour lesquelles l’Inspection est bien armée. L’inspection préconise d’abord l’autonomie des établissements ZEP avec en EP1 des moyens accordés sur contrat "dans le cadre de l’objectif cible d’acquisition du socle" en laissant "aux acteurs locaux la liberté de choisir l’organisation pédagogique et institutionnelle qui convienne : marges d’autonomie sur les horaires, les disciplines, les programmes, les groupes classe, éventuellement expérimentation des établissements publics du premier degré". Autonomie et pilotage par les résultats seraient accompagnés de la renégociation des régimes indemnitaires des enseignants.

Finalement, en fermant le rapport, on est frappé par les influences anglo-saxonnes dans ce rapport : fermeture des établissements les plus difficiles, pilotage par les résultats : cela n’a pas toujours apporté des résultats positifs ailleurs. On se retrouve à nouveau devant les injonctions d’économie. Arriveront-elles à faire surnager la réflexion pédagogique présente également dans ce rapport ? S’agit-il de régler le budget des zep ou de définir une politique d’enseignement prioritaire ?

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François Jarraud

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