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Poursuite du débat sur la carte scolaire : L’Expresso, Le Monde, L’Humanité

1er juin 2007

Extrait de « L’Expresso » du 01.06.07 : La carte scolaire, une école sanctuaire ?

« La république doit fixer les mêmes règles pour tous » tonne sans mollir le ministre Xavier Darcos qui explique à la fois que les chefs d’établissements vont pouvoir choisir leurs élèves librement à partir des demandes de dérogations, tout en leur demandant de veiller à la mixité sociale... « Il faut réclamer que les tourneurs-fraiseurs aient les mêmes droits (à contourner la carte scolaire) que les cadres » explique-t-il dans les médias. Il est pourtant avéré que les principaux fossoyeurs de la mixité scolaire, ce sont les classes moyennes et favorisées. C’est en tout cas l’avis de Marie Duru-Bellat

En effet, favoriser la mixité scolaire se heurte toujours aux intérêts à court terme des parents favorisés, actifs dans l’école, qui ne voient pas forcément le bénéfice à long terme de telles politiques, soucieux qu’ils sont de la réussite individuelle de leur propre progéniture. Affirmer sa volonté de vouloir casser la carte scolaire, c’est sans ambages oser dire aux classes moyennes qu’ils peuvent sans scrupules laisser les classes populaires sur le bord de la route, pour assurer à leur propre descendance une place au soleil dans la société future. Parce que désormais, tous les parents sont inquiets pour l’avenir de leur enfant (le temps n’est plus à la croyance mécaniste des lendemains qui chantent), ils savent que la réussite scolaire conditionne leur avenir. Ils se mettent en concurrence très tôt, parfois dès le primaire : soutien scolaire, scolarisation alternée dans le privé, pour avoir accès aux meilleurs établissements, à meilleures filières. C’est le « tout sauf la fac ».

« En se massifiant sans renoncer à son élitisme, écrit Eric Maurin (Les nouvelles inégalités), l’Ecole est devenue le lieu d’une concurrence généralisée. Du coup, le lieu de résidence devient une ressource-clé pour l’accès à la sécurité, aux services publics, à la qualité de la vie ». Les inégalités spatiales deviennent le fait des classes supérieures qui fabriquent cette nouvelle « bipolarité résidentielle ». Et les couches moyennes en font les frais, prises entre deux feux, cherchant à s’éloigner des plus pauvres sans en avoir les moyens économiques. Pas d’espoir, donc, de prendre en charge la mixité scolaire sans s’interroger sur les politiques d’urbanisation, de logements sociaux, d’organisation du territoire urbain.

Mais " La diversification de l’offre éducative entre établissements de même type a renforcé la territorialisation des inégalités. Cette notion, qui inclut l’idée d’une mise à l’écart de certaines populations, permet également de comprendre le processus, à la fois objectif et subjectif, de production de l’exclusion à l’intérieur même des institutions d’enseignement". Dans le numéro 3 de la revue du groupe Claris, Agnès Van Zanten

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Extrait du «  Monde » du 01.06.07 : Xavier Darcos : "A la rentrée, le nombre de dérogations sera doublé"

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Concernant la carte scolaire, vous avez opté pour une étape d’expérimentation dès la rentrée. Pouvez-vous nous en préciser les modalités ?

C’est une liberté nouvelle que nous voulons donner aux familles. Il faut dédramatiser ce problème. Il est un peu difficile à gérer dans les grandes villes aux quartiers très contrastés, mais ne se pose pas du tout dans le primaire ni dans les zones rurales. J’ai indiqué qu’entre 10% et 20% des élèves ne seront plus soumis à la carte scolaire à la rentrée : cela équivaut à doubler le nombre des dérogations existantes. 10% de plus dans un établissement, c’est quelques dizaines d’élèves, cela ne provoquera pas une grande révolution, ni la pagaille. Nous allons en finir avec l’opacité, les dérogations accordées par relations. Les demandes seront plus favorablement accueillies dès la rentrée. Et si, par ailleurs, des établissements moins demandés perdent quelques élèves, nous maintiendrons leurs moyens pédagogiques. Mais il faut que les familles se rendent compte qu’on ne pourra pas tout accepter d’un coup. Nous allons fixer quelques critères lisibles.

Lesquels ?

Les élèves boursiers auront la priorité. Nous prendrons aussi en compte les cas de force majeure, la correction d’absurdités (un côté du trottoir ou l’autre) et, tout simplement, les demandes de bonne foi venant des familles, dans l’intérêt de l’enfant, pour rejoindre un frère ou une sœur...

Et si c’est seulement pour rejoindre un "meilleur" établissement ?

Ce motif ne pourra pas être retenu tout de suite. Même si je le trouve tout à fait recevable. Pourquoi refuser à un élève de choisir, dans l’intérêt de sa scolarité ? C’est pourquoi, à terme, chaque établissement devra contribuer à la mixité. Je ne veux pas employer le mot de quota parce qu’il est horrible, mais nous allons essayer d’encourager la mixité géographique et sociale au niveau de chaque établissement. Au plus tard en 2010, nous aurons vraiment donné la liberté de choix aux familles.

Propos recueillis par Luc Cédelle, Arnaud Leparmentier et Catherine Rollot

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Extrait de « L’Humanité » du 30.05.07 : Darcos veut sacrifier la carte scolaire

Éducation. Le ministre a réaffirmé sa volonté. L’opinion est partagée et les directeurs d’établissement redoutent les conséquences d’une décision qu’il regrette.

La pédagogie suppose de répéter abondamment ce que l’on veut inscrire dans les cerveaux. Xavier Darcos, ministre de l’Éducation nationale, s’applique donc : il veut se débarrasser de la carte scolaire, il l’affirme quotidiennement, en modulant son discours tout en ne lâchant rien sur l’essentiel. Hier, dans le Parisien, il annonce que les élèves boursiers verront leurs demandes de dérogation « étudiées en priorité : ils le méritent ». Pour ceux qui le méritent moins ( ?), il renvoie aux établissements scolaires la douloureuse tâche de « veiller à la diversité sociale et géographique de leur recrutement » sans toutefois délivrer la moindre méthode pour qu’ils y parviennent.

Dans une lettre datée du 24 mai, Philippe Guittet, secrétaire général du SNPDEN (syndicat des directeurs d’établissement scolaire), a interpellé le ministre sur ce sujet. D’abord pour relever que les « expériences d’assouplissement » autorisées par circulaire depuis 1984 se sont largement répandues jusqu’à représenter, selon un décompte effectué par le ministère, un pourcentage de 47,1 % des collèges et 27 % des lycées en 1990. Il invite donc à mesurer « si les assouplissements, et les conditions de leur mise en oeuvre, permettent de réduire, ou conduisent à renforcer les inégalités sociales en matière de choix d’établissement ». Regrettant le choix gouvernemental d’abandon de la carte scolaire, il ajoute que de « nouveaux assouplissements sans précaution seraient la pire des solutions, puisque nous constatons sur le terrain que les inégalités (...) sont l’une des conséquences les plus évidentes des expériences antérieures, au détriment d’une mixité scolaire plus compromise encore que la mixité sociale où se situent les établissements ». « Il convient de vérifier les faits », conclut Philippe Guittet, tout en avançant cinq propositions qui tiennent compte des « contraintes du terrain ».

Si le ministre n’emporte pas la conviction du syndicat des directeurs d’établissement, il ne semble pas non plus que l’issue de la bataille dans l’opinion soit si évidente que cela. Dans le Parisien, un sondage CSA indique que 72 % des sondés disent que l’aménagement et la suppression de la carte scolaire sont plutôt une bonne chose, mais un sondage IFOP, publié dimanche dans Ouest-France, avance que 71 % des sondés sont plutôt d’accord avec l’idée que la carte scolaire est un bon dispositif pour assurer une mixité sociale. Ils sont 54 % à se déclarer favorable au maintien de la carte scolaire. Au passage, les sondeurs, s’appuyant sur le clivage et l’important différentiel entre familles politiques et entre parents d’enfants scolarisés dans le public et parents d’enfants scolarisés dans le privé, mettent en exergue le fort enjeu idéologique lié à cette question.

Mais c’est bien sûr au nom du pragmatisme que Xavier Darcos, demain, insistera pour que la carte scolaire disparaisse dès la rentrée 2008.

Dany Stive

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