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Le témoignage d’un prof d’anglais en collège ZEP

25 mai 2007

Extrait du site « LCI.fr », le 24.05.07 : Moi, Julien prof’ dans un collège de banlieue

Témoignage - A l’appel de la FSU et du Snes, les professeurs du secondaire se sont mobilisés mercredi pour protester contre leurs conditions de travail.

Illustration avec l’un d’entre eux, Julien, 35 ans, prof d’anglais dans un collège classé en Zep de la banlieue parisienne

« Je travaille dans le même collège de ZEP depuis 8 ans. J’y enseigne l’anglais à des classes de 3ème et de 4ème. C’était ma première affectation en tant que jeune titulaire. Quand j’ai commencé, les élèves étaient une petite vingtaine par classe. Aujourd’hui, ils sont 26. C’est beaucoup pour pouvoir enseigner convenablement. Au quotidien, c’est difficile à gérer, d’autant que ces jeunes sont pour la plupart en grandes difficultés sociales. Il y a les agressions verbales, le manque d’attention, le refus d’obéir, les rappels à l’ordre intempestifs, les élèves qui arrivent au compte-gouttes... Sur une heure de cours, on peut perdre jusqu’à 30 minutes comme ça ! Et je ne vous parle pas des devoirs non faits.
J’arrive à les tenir en général mais même mes collègues les plus chevronnés doivent en exclure à cause de leur comportement ingérable. Trois de mes collègues sont actuellement en congé maladie parce qu’ils n’ont pas tenu le coup. On n’a pas l’impression d’être soutenu par notre hiérarchie. Que ce soit le principal ou le rectorat. Avoir l’attention de certains élèves relève de l’exploit. Le taux de réussite de mon bahut au brevet des collèges est de 40 - 50 %, là où la moyenne nationale doit être de 70 %. Après le collège, 40 % des élèves continuent dans l’enseignement général, 60 % en seconde professionnelle. Ce sont évidemment des moyennes, il y a aussi ceux qui arrêtent les études.

"Quand je me lève, je sais que ça va servir"

Les résultats seraient meilleurs si nous avions plus de personnel, plus de moyens pour remédier à cet échec scolaire dès la 6e. Il faudrait aussi plus de moyens matériels. On est obligé de pleurer pour obtenir un nouveau tableau. L’établissement date de 1967, les dégradations sont importantes. Et puis il y a les départs réguliers de feu dans les toilettes, les graffitis sur les murs, les déclenchements intempestifs d’alarme, la mauvaise isolation sonore... Cela fait 10 ans qu’il doit être reconstruit "prochainement".

Malgré tout, je viens travailler chaque matin avec un réel plaisir. En 8 ans, j’ai eu l’occasion depuis 8 ans de changer d’établissement, je n’en ai pas envie. C’est un enjeu, c’est mon challenge. Je sais que sans l’école, ces jeunes, socialement très défavorisés, n’ont aucune chance de réussir dans la vie. Quand je me lève, je sais que ça va servir. Si je ne viens pas, ils ne pourront pas apprendre l’anglais. Ces jeunes sont malgré tout très attachants. Ils ont le droit de recevoir une éducation. On a du mal à comprendre sachant tout ça, que ce soit les profs les moins expérimentés qui sont envoyés dans les endroits les plus difficiles.

Ce qui met du baume au cœur dans ce quotidien c’est de croiser des anciens élèves qui sont arrivés jusqu’au bac. L’autre fois dans le train, j’en ai revu une qui avait pu intégrer Sciences-Po. Il suffit de les soutenir pour qu’ils réussissent. J’ai envie d’y croire. Cela passe par davantage de moyens ! C’est tout le contraire qui se prépare à la rentrée prochaine avec la réduction d’heures d’enseignement, la perte d’un poste de SEGPA (Sections d’enseignement général et professionnel adapté), tout cela avec toujours autant d’élèves et les mêmes locaux."

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