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Rapport des inspections générales sur l’éducation prioritaire : notes de lecture d’une directrice d’école, par Véronique Decker

29 mai 2007

Notes de lecture d’une directrice d’école sur le rapport des inspections générales relatif à l’éducation prioritaire

Véronique Decker, directrice d’école à Bobigny (Seine-Saint-Denis) :

Ce texte au ton très direct, sinon polémique, qui, comme les autres textes de cette rubrique, n’engage pas l’OZP, se présente comme une suite de commentaires très personnels sur les constats, analyses et propositions contenues dans le rapport des inspections générales intitulé " La contribution de l’éducation prioritaire à l’égalité des chances des élèves " (octobre 2006), un rapport dont l’OZP a souligné maintes fois l’originalité, le sérieux et la prise en compte des réalités de terrain au point d’en faire la trame de sa Journée nationale le 12 mai 2007.

Nous proposons ce long texte (reçu à la rédaction) à nos lecteurs parce que, malgré quelques propos excessifs et un positionnement souvent exagérément critique, il présente une description vivante et salutaire des dysfonctionnements rencontrés dans certaines zones d’éducation prioritaire. C’est aussi parce qu’il avance en parallèle des propositions stimulantes.

Les parties citées du texte sont en italiques.

La pagination du rapport correspond à la version PDF que l’OZP signale d’un lien sur son site.

Dans la même rubrique des Libres propos, on pourra lire un autre commentaire, d’une tout autre tonalité : " Le rapport des inspections générales sur l’éducation prioritaire : un rapport magistral ".

Au lecteur de juger ... et de participer au débat en utilisant la commande " Répondre " en bas du texte (préciser la page du rapport concernée).

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De la page 1 à 45 du rapport -

Je n’ai pas grand-chose à dire, si ce n’est que l’empilement des différents dispositifs incohérents y est bien décrit. Par contre, il sera bientôt judicieux de poser les RAR comme une nouvelle couche incohérente si le dispositif n’est pas mieux travaillé.

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p. 15 - Tableau : Le surcoût global de l’éducation prioritaire
Je ne suis pas d’accord avec le tableau de coût supplémentaire en ce qui concerne les remplaçants. Il est normal que, ayant plus de jeunes, plus de congés maternité et plus de temps de formation, nous ayons plus de remplaçants. Ce n’est pas un surcoût, c’est lié à la différence dans la pyramide des âges.
Pour le reste des surcoûts, il faudrait prendre mesure par mesure, mais il est certain que la prime ZEP, la prime d’installation, les huit points de NBI pour les directeurs, la prime pour les enseignants CLIN et CLAD et autres babioles ne stabilisent pas les personnels et n’aident pas au bon fonctionnement des établissements. Il serait plus judicieux d’indemniser les réunions de réseaux que de donner une prime aussi à ceux qui n’y vont pas, les investissements plutôt que l’inaction, la durée d’affectation plutôt que l’arrivée contrainte de toutes les façons.
Pour le “fléchage des moyens”, il semble que la défense de ceux réservés aux enseignants soit plus active que la défense des moyens pour les élèves... J’ ai vu peu de grève pour la défense de la scolarisation à deux ans, pourtant presque totalement supprimée dans le 93.

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p. 22 - Les surcoûts en crédits pédagogiques et en fonds sociaux sont marginaux ; ils représentent respectivement 16 € et 8,5 € par élève. La majorité des académies ayant répondu attribuent des crédits pédagogiques plus élevés qu’en moyenne aux ZEP.

Cette année, j’ai reçu 0,5 euro par élève, que j’ai refusé car j’ai besoin de crédits et non pas d’aumône. Les ZEP “EP2” n’ont plus rien pour l’élémentaire. Je n’ai rien reçu de l’Inspection Académique au titre du projet d’école.

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p. 22 - Pour le premier degré, la situation est différenciée selon les départements. Il est massif et généralisé (ZEP comme hors ZEP) en Seine-Saint-Denis où seuls 13 % des maîtres ont une ancienneté de sept années dans le poste.

Il est à noter qu’en raison du poids local du Parti Communiste et de son refus des ZEP de 1981 à 1990, le classement ZEP n’a aucune cohérence avec les zones difficiles, une bonne partie restant hors ZEP en raison de ce refus. La carte des ZEP pourrait ici être complètement revue à l’aide d’indicateurs réels, et il serait clair qu’on pourrait y trouver, sans forcer, 15 nouvelles ZEP et 10 nouveaux RAR.

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p. 43 - il y a, à publics apparemment à peu près équivalents, des zones ou réseaux qui réussissent quand d’autres échouent, ce qui signifie qu’il n’y a pas de déterminisme total de l’échec, mais les écarts de performance, s’ils sont constatés, ne sont pas assez souvent analysés, et compris ; - sans parler de modèle explicatif, il semble que le travail ne soit pas toujours mené dans les écoles et établissements ; - on n’a jamais clairement décidé à quelle aune on devait se mesurer : résultats EP/hors EP, établissements EP entre eux, publics défavorisés entre eux, qu’ils soient en EP ou hors EP. L’absence de véritable suivi de cohorte rend impossible l’examen des performances individuelles ;

Je suis surprise qu’il ne vienne jamais à l’idée des “évaluateurs” qu’il y a des déterminismes externes à l’école et que le travail d’analyse ne peut être fait sur le terrain car il remettrait en cause les collectivités locales, les hiérarchies intermédiaires de l’Education Nationale, et par ailleurs qu’on puisse être non pas incompétent à la base mais empêché de faire ce travail.
Il y a des ZEP qui n’ont pas lieu d’être ZEP et cela ne peut être dit. Il y a des quartiers non ZEP alors que c’est un scandale et il est interdit d’en parler. Il y a des découpages de zone plus que surprenants et personne ne veut l’entendre.

Je propose aux inspectrices qui ont écrit ce rapport de venir voir au plus près du terrain à Bobigny :
. pourquoi le réseau Ambition réussite République n’a qu’une seule école en ZEP (sur 4 qui le desservent) ;
. pourquoi les collèges Delaune et Timbaud ne forment qu’un seul réseau (avec un seul budget) alors qu’ils scolarisent 4 écoles ZEP et 2 REP. Par ailleurs, ils se situent dans le quartier de l’Abreuvoir, qui a été la première ZEP de la ville et cumulent toutes les étiquettes, sauf le RAR....
. pourquoi le collège Semard à 2,5 écoles ZEP + 1/2 non ZEP, toutes en zone sensible et n’est pas ambition réussite ;
. pourquoi un quartier est dépourvu de collège, conduisant à la construction d’une carte scolaire extraordinaire, ou bien la moitié des élèves de la ville doivent prendre un transport en commun pour se rendre au collège, alors qu’ils vivent dans un habitat surconcentré et qu’il habitent tous (sauf ceux du quartier dépourvu) près d’un collège.
. pourquoi les projets des ZEP sont des coquilles vides, ne permettant pas de faire davantage que ce que l’on ferait isolément, chacun dans son établissement.
. pourquoi les financements de l’Etat se sont asséchés totalement au niveau du primaire (plus d’argent pour les projets, plus de classes de 2 ans dans les maternelles, sauf 1 hors ZEP...)
. pourquoi l’administration ne parvient pas à trouver un IEN stable pour la ville depuis 8 ans. (8 IEN en 8 ans).

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p. 45 - ... les publics scolaires avec leurs caractéristiques et leurs dynamiques particulières (leurs ressources et leurs difficultés), les contenus et les pratiques d’enseignement, les règles, comportements et traditions éducatives, ce ne peut être que dans le repérage, le diagnostic commun des contraintes externes et internes d’un réseau et d’une communauté éducative et surtout dans la construction d’une cohérence et d’une responsabilité individuelle et collective forte des adultes tournée vers les apprentissages que peuvent se développer l’efficacité et l’équité de l’éducation prioritaire.
Sans cette cohérence essentielle des adultes, notamment dans les établissements les plus défavorisés, aucun résultat à court ou moyen terme ne semble pouvoir être obtenu.

Voici des années qu’on nous bassine avec la cohérence. Mais la condition de la cohérence c’est d’abord la stabilisation des personnels. Il est totalement vain d’imaginer une cohérence qui repose sur une valse constante des personnels. Or, RIEN n’est fait, absolument RIEN, pour faire cesser l’excessive rotation des départements déficitaires.

J’ai donc trois propositions :

1 - l’interdiction de présenter le concours à Créteil si on n’habite pas depuis trois ans dans l’académie ;

2 - une bourse d’étude conséquente pour payer les études universitaires sans que le jeune ait besoin de travailler pour gagner sa vie, en échange de 10 ans de professorat en ZEP, bourse réservée aux élèves des ZEP locales (ce serait plus efficace et plus démocratique que d’envoyer 2 ou 3 élèves à l’ENA ou à Sciences Po).
Actuellement sur 8000 enseignants de primaire, 5 000 demandent à partir. La moitié en fait étaient venus d’ailleurs et, dès le début, regrettent leur présence. Les élèves du 93 n’ont pas à former les débutants de la France entière.
Cette mesure dérogatoire de bourse devrait être étendue à tous les services de l’Etat, jusqu’à ce que les déficits soient résorbés dans toutes les administrations ;

3 - l’amélioration réelle des conditions de travail des personnels, passant par une écoute attentive et non pas par des indicateurs irréalistes et erronés. Les temps de concertation, les temps de formation, les temps de décompression doivent être plus importants en ZEP qu’ailleurs. Les écoles doivent avoir des parkings pour nous permettre de retrouver facilement nos véhicules. Le pilotage doit éviter les lubies ministérielles que nous apprenons par la radio, sans aucun temps pour y réfléchir ni pour l’organiser...
Après, avec la même personne stable comme assistante sociale à l’ASE, la même personne comme psychologue scolaire, la même personne à la Brigade des mineurs, la même directrice d’école et le même CPE au collège... une cohérence et des partenariats pourraient se nouer alors dans un contexte de confiance réciproque.

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p. 50 - Les élèves sont essentiellement mus par un profond sentiment d’appartenance à la cité dans laquelle ils passent toute leur scolarité, depuis l’école maternelle jusqu’au lycée. La logique de territoire est très forte et conditionne les rapports entre eux (difficulté d’insertion, par exemple, des élèves venant d’autres cités ou d’autres villes, à la suite d’affectations d’office). Le principal les décrit comme un « public captif » ; se déplacer au centre de Saint-Denis est déjà un événement en soi, quant à se déplacer à Paris... La plupart ne l’ont jamais fait, et ne savent pas comment s’y prendre.

Mais pourquoi donc ne sont-ils jamais allés à Paris après tout de même au moins 8 ans d’école ? Pourquoi le collège ne les emmène-t-il pas au théâtre, au musée, voir des monuments nationaux ?

En Seine-Saint-Denis, nous avons fait depuis longtemps cette analyse de la nécessité de visiter la France et de sortir des cités. Malheureusement, AUCUN FINANCEMENT PUBLIC PILOTÉ ZEP ou REP n’aide les écoles à faire cela. Alors que c’est un aspect indispensable de l’Education. (nous avons la chance de recevoir une aide de la ville, mais c’est laissé au bon vouloir de telle ou telle municipalité)....

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p. 51 - Les aspects les plus matériels finissent par avoir un poids que l’on ne peut ignorer ; ainsi, dans un secteur très difficile, l’équipe pédagogique ne laisse pas les élèves emporter autre chose à la maison que le livre de lecture et un crayon noir car les outils du travail scolaire (achetés par la municipalité) seraient redistribués aux aînés qui manquent du minimum pour leur propre scolarité.

Là encore, des pistes existent, et pourtant ne peuvent être discutées.
On pourrait donner aux ZEP un dixième des allocations de rentrée scolaire et exiger que l’établissement fournisse tout le matériel de l’élève. On pourrait voir avec les parents comment organiser cette question matérielle. Mais il faut savoir que, dans la plupart des classes de l’école, les élèves sont bien en peine de tracer un cercle convenable, faute d’avoir un compas correct. Nous sommes donc dans l’obligation d’avoir des compas qui tracent, des ciseaux qui coupent... alors que leurs trousses sont remplies de stylos à paillettes, de stabilos coûteux, de gommes odorantes, de diddles divers et de taille-crayons gadgets...
>Le temps consacré à ce combat est considérable, perdu pour l’enseignement et toujours à renouveler (cette année, le combat porte sur les chaussures à 1 euro, venues de Chine et vendues au marché, qui blessent gravement les petites filles et les empêchent de faire gym et de jouer dans la cour...)

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p. 52 - Tout porte pourtant à penser que même dans cette classe « européenne » peu d’élèves sont familiers d’Irving, de Bernstein ou de Berlioz ; mais ils adhèrent tous au projet du professeur parce qu’ils perçoivent bien qu’il s’appuie sur leurs capacités intellectuelles et leur assure la dignité qui convient dans ce domaine.

Ras le bol de l’hommage appuyé à “certains enseignants qui font la preuve que c’est possible en ZEP” ! Car tout le monde sait que dans la plus désespérée des ZEP il y a de bons élèves et qu’il est probable que dans la classe européenne on n’a pas mis les plus agités, ni les plus égarés...
Ce qui est intéressant ce n’est pas de savoir comment nourrir ceux qui ont faim de savoirs nouveaux, c’est comment ouvrir l’appétit de toute la tablée...

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p. 53 - Les néo-titulaires constituent un atout s’ils bénéficient d’un appui significatif car ces jeunes professeurs sont souvent plus précis que leurs aînés dans leur approche didactique, bien informés sur des éléments essentiels des apprentissages fondamentaux (pédagogie de la lecture en particulier) et ouverts face aux exigences de la différenciation pédagogique si du moins on les aide à l’organiser d’un point de vue pratique.

Non, c’est du pipeau ! Les néo-titulaires n’ont pas d’appui significatif et sont démunis, surtout s’ils ne sont pas issus du même milieu social ni géographique que leurs élèves. Les pauvres néo-titulaires d’Orléans et de Rennes arrivant dans le 93 sont terrorisés même parfois au point de démissionner le jour de la rentrée.
Ceux qui restent ont bien du mal à faire asseoir les élèves qui en profitent pour faire les kakous, sentant l’autorité défaillante. Ils sont mal informés des fondamentaux, et réfèrent les enfants de leur famille aux performances des élèves. “Mais ma petite soeur savait lire à Noël “. “Pourtant, Anne Charlotte, ma fille, savait lire les syllabes simples en fin de grande section”... Sur le terrain, ils en bavent et se syndiquent en comptant les jours qui les séparent de leur mut...

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p. 53 - On note une nette différence entre les collèges EP1 des zones difficiles (académies de Créteil, Versailles, Lille) et les collèges EP1 des métropoles régionales attractives (Nantes, Tours, etc.).

C’est ce que je dis plus haut : chez nous, les enseignants, n’étant pas d’ici, attendent d’abord leur mutation et s’investissent davantage dans son obtention que dans la réussite des élèves. Mais, si c’est comme ça, comment expliquer qu’il y ait si peu d’EP1 dans l’Académie de Créteil ?

C’est parce que le critère « turn over des équipes » et “ancienneté des enseignants” n’a pas été pris en compte, ce qui constitue une erreur.

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p. 54 - ... des difficultés certes, mais aussi une conviction forte d’un choix professionnel revendiqué et d’un défi existentiel à assumer. Il faut d’abord « tenir », « survivre ». Les situations d’échec, d’erreur de casting sont l’exception. »

Les néo-titulaires survivent sans doute mais pas la qualité de l’enseignement. Est ce que cela peut enfin être dit ?

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p. 56 - Par ailleurs, le turnover tant décrié ne nous paraît pas si nuisible que cela car l’enseignement en ZEP nécessite un profond investissement tant personnel que professionnel et il est bon qu’un terme prévisible, dans un futur acceptable, soit envisageable pour l’enseignant. Une trop grande adaptation à un type de public donné, tel celui des établissements en EP, entraîne, à ce que nous avons constaté, une réduction des ambitions des professeurs qui voient leurs représentations de l’enseignement de la langue s’appauvrir de manière dommageable, tant pour leurs élèves que pour eux-mêmes dans l’optique d’une éventuelle nouvelle affectation.

Bref, c’est tellement dur que les enseignants n’y survivraient pas sans abandonner la qualité !
Au lieu d’user des générations d’enseignants sur la qualité de ce qui est proposé aux élèves, il faudrait sans doute améliorer les conditions de travail, de formation et d’accompagnement stable des enseignants. A ce titre, l’exemple donné juste avant de l’enseignante agrégée avec 6 ans d’ancienneté en ZEP, qui avec un assistant d’éducation fait une séance pour 18 élèves, relève de la science fiction.
C’est tout de même incroyable qu’on puisse raconter cela, car le vécu ici c’est plutôt l’enseignante certifiée néo-titulaire enceinte et pas remplacée, ce qui fait que les élèves de 6ème ont eu 4 TZR en anglais dans l’année et ont été gardés par l’assistant d’éducation en salle de permanence.
En élémentaire, il y a le jour de la rentrée plus de congés maternité que nous avons de remplaçants disponibles. Je vous laisse imaginer ce qu’il advient des congés de maladie ordinaires, de l’embauche des listes complémentaires, des ouvertures de classes chaotiques, avec une promotion de 900 PE à l’IUFM à placer en stage filé.

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p. 56 - En s’éloignant de leurs élèves, d’aucuns craignent en effet que les habitudes de travail qu’ils ont réussi à mettre en place se perdent, que les règles de vie soient oubliées et que les apprentissages en pâtissent ;

Ils craignent aussi de perdre leur matériel de classe, car un néo-titulaire qui laisse la classe partir en vrille peut coûter plusieurs centaines d’euros à l’école.

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p. 57 - La spécificité des ZEP peu prise en compte par les inspecteurs du premier degré.
Les inspecteurs responsables des circonscriptions du premier degré n’accordent pas, pour beaucoup d’entre eux, de priorité à la ZEP pour leur investissement personnel en animation pédagogique. Il n’est pas sûr non plus qu’ils utilisent de manière productive le levier extrêmement intéressant que peut être l’inspection.

Est-ce qu’il est possible de faire savoir que les IEN, contraints d’inspecter les néo-titulaires, fort nombreux, n’ont presque aucun temps à consacrer aux autres et que rester en ZEP c’est faire le deuil du passage des échelons au choix ou au mi-choix, faute d’être inspecté suffisamment pour obtenir une note convenable. Il serait souhaitable de diviser les circonscriptions les plus difficiles en deux pour permettre cet accompagnement et faire qu’un IEN reste (chez nous 8 IEN en 8 ans...).

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p. 58 - Ainsi, les observations sur le terrain ont permis de vérifier plusieurs fois que le Centre Alain Savary (INRP) et sa revue XYZEP n’évoquaient rien chez des enseignants qui, pourtant, exprimaient leurs besoins de rencontrer très exactement des réflexions comme celles que la revue propose.

Pour la connaître, il faudrait qu’on la reçoive. J’ai trouvé la revue dans le dossier de la réunion de l’OZP et je n’en avais jamais entendu parler. Pourtant je travaille en ZEP depuis 1984.

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p. 62 - Les intervenants extérieurs, souvent très (trop) généreusement affectés par les municipalités, conduisent des projets censés compenser des carences culturelles mais qui n’ont souvent que peu à voir avec les apprentissages en cours, même si des liens thématiques existent dans l’esprit des concepteurs.

Cela fait partie des choses que, sur le terrain, il est impossible de dire.
Les “projets” destinés à valoriser les “acteurs locaux” et sans intérêt pour les apprentissages des élèves mais faciles à mettre en scène dans le journal local fleurissent. S’opposer à leur mise en oeuvre c’est à coup sûr froisser les élus et égratigner les coordinateurs, conseillers, qui ont la maîtrise d’œuvre dans le cadre de l’intérêt de leur carrière.
Il est bien plus difficile d’obtenir des subventions ou même un simple soutien pour des activités simples et scolaires que pour des activités ébouriffantes et sans objectif.

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p. 62 - Par ailleurs, et sous réserve d’une étude plus précise qui prendrait en compte les apports récents des dispositifs de réussite éducative, il semble que les activités scolaires et extra scolaires soient deux mondes plus souvent juxtaposés que coordonnés, que la liaison soit plutôt moins efficace que par le passé, quand elle existe. Les études surveillées par des enseignants, qui reparaissent ici ou là, semblaient souvent plus pertinentes en matière d’accompagnement scolaire.

Merci. Je partage absolument. Tout l’argent des contrats de ville envoyé aux associations (parfois peu efficaces, parfois peu laïques, parfois franchement bidons) auraient dû rester dans l’école publique et l’accompagnement scolaire aurait dû être organisé par nous, comme pour l’étude. Les millions envoyés à l’AFEV sont de cet acabit.

Dans mon école, l’AFEV a pendant un an “soutenu” 4 élèves 1/2 heure par semaine en moyenne avec 4 étudiantes obligées de venir dans le cadre de leur cursus scolaire, et non rémunérées. Qu’est devenu l’argent du contrat de ville ? Mystère. Où peut-on tirer le bilan du dispositif ? Nulle part.
Pendant ce temps l’étude dirigée, avec 25 élèves par enseignant, fait du mieux qu’elle peut. Avec les mêmes sommes et en mettant seulement 12 élèves par étude, on aurait fait bien mieux, et on veut bien le prouver...

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p. 63 - On ne saurait négliger non plus que de nombreux enseignants, directeurs surtout, s’investissent bien au-delà des sujets scolaires. Ainsi, telle directrice reconnaît « faire du social avec les familles », contribuer à la rédaction du courrier administratif, à l’acquittement des factures, au traitement des questions d’assurances et apporter des conseils en matière d’hygiène, de nutrition et même parfois de modes de vie.

Mais c’est scolaire ! Les enfants doivent manger, dormir, et avoir des papiers en règle pour pouvoir bien apprendre. Ceux qui tremblent de peur d’être raflés, ceux qui n’ont pas accès aux soins nécessaires, ceux qui n’ont plus de logement souffrent et apprennent moins bien. Les directeurs et directrices de maternelle et d’élémentaire s’occupent aussi de cela et c’est normal (mais ce n’est pas pris en compte dans le temps de travail)...

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p. 65- C’est un point signalé dans tous les comptes rendus de visites : dans ces « écoles de la réussite », les enseignants mettent en œuvre de nombreuses actions pour faire que l’école intègre davantage et mieux les parents. Une place importante leur est accordée dès l’inscription de l’enfant et durant toute sa scolarité à l’école. Les exemples cités sont très nombreux : actions passerelles au niveau de la maternelle, les parents étant présents au début de la journée, assistant aux activités et s’effaçant progressivement ;

Cela me fait penser qu’il est désormais interdit de faire des rentrées progressives en maternelle et que tous les enfants doivent venir hurler le même jour qu’ils sont désespérés de quitter leurs parents et d’aborder une autre langue. Ce que je trouve stupide et contre-productif.
Par contre, les collèges et les lycées font, eux, (et cela semble autorisé) une rentrée progressive des élèves sur une semaine alors qu’il est tout de même rare qu’un élève de seconde pleure pour quitter sa maman...

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p. 65 - À l’école primaire, le bilan des évaluations trimestrielles met généralement en avant les compétences acquises ou non et est exploité comme outil de dialogue avec les familles, rencontrées individuellement. Pour des parents qui, souvent, maîtrisent imparfaitement l’écrit, ce temps de communication orale est très bien perçu et contribue à donner une vision positive de l’école.

Puisque tout le monde le fait et puisque c’est bien, est-ce qu’il est possible d’expliquer pourquoi nous n’avons pas trois samedis “libérés” pour le faire et pourquoi nous devons les libérer nous-mêmes illégalement. Chez nous c’est écrit dans le projet de ZEP et pourtant nous n’avons toujours pas les samedis libérés officiellement pour le faire.

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p. 66 - Un des premiers problèmes tient à ce que les usages langagiers dans les familles limitent le lexique acquis dans les échanges spontanés ainsi que la pratique de certaines fonctions du langage, les plus utiles en milieu scolaire : on raconte peu, on explique peu, le langage sert dans l’action et l’accompagne mais n’est guère utilisé pour l’anticiper ou l’analyser. Cette analyse est aujourd’hui assez largement validée. Les conditions des acquisitions linguistiques et langagières en sont profondément affectées dès l’école maternelle, le chemin à parcourir est plus long et il est encore plus difficile quand les classes ont une grande homogénéité parce que l’effet d’entraînement des plus fragiles par les plus avancés ne s’exerce guère.

Pour les écoles maternelles fortement homogènes ZEP, il est à recommander les classes multi-âges, où les plus grands aident les plus jeunes à échanger dans une langue plus complexe et tutorent des échanges. En échange, l’après midi, pendant que les plus jeunes dorment, l’instit peut faire travailler ses grands en groupe restreint. Il suffit pour cela que l’assistant d’éducation ou l’ATSEM ait le droit de surveiller le dortoir, au lieu d’y bloquer stupidement un instit comme c’est le cas actuellement...

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p. 67 - La première mesure de prévention ou simplement d’action consisterait à favoriser la mise en place régulière de petits groupes pour que chaque enfant vive quotidiennement un atelier de langage ; les personnels supplémentaires dans les zones les plus difficiles gagneraient à être mobilisés dans cette perspective.

Il serait pourtant simple d’imposer que chaque classe dispose d’une ATSEM toute la journée (et pas seulement 10 minutes pour aider à l’habillage pour la récré). Pourquoi ne le fait-on pas ?

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p. 70 - On a peu à raconter car tout le petit groupe sait de quoi chacun parle, on a peu à expliquer car le consensus implicite du groupe est garant de son existence et de sa cohésion, donc il n’y a pas, ou guère, de confrontation, d’argumentation. Cette pauvreté de langage influe dès l’entrée au collège sur les chances de réaliser un bon parcours scolaire.

C’est l’absence qui rend nécessaire le langage. Il faut avoir des situations où il devient nécessaire de raconter, d’expliquer à ceux qui n’étaient pas là. La classe transplantée, les sorties, les visites, permettent aux enfants d’accéder à d’autres champs lexicaux. Mais entre les contraintes d’assurance, l’argent des tickets de transport, les personnels disponibles pour encadrer, Vigipirate, les autorisations nécessaires, tout est fait pour décourager les initiatives qui font sortir les enfants de la cité de leur langue implicite.

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p.76 - l’élève n’est plus sous le regard de « son » maître, la figure professorale se dilue entre plusieurs adultes, parfois entre différentes « catégories » d’adultes (professeurs, surveillants, aide éducateurs, CPE, principal, principal adjoint) ; tous n’adoptent pas toujours la même attitude, ne tiennent pas nécessairement le même langage. Quant à la façon dont le groupe d’élèves encadre de fait chacun de ses membres, elle disparaît également : l’entrée en sixième brasse les groupes d’élèves venant de différentes écoles.

Pour une raison que je ne comprends toujours pas, le collège fait exprès de séparer au maximum les élèves ; souvent chez nous il n’y a que 2 ou 3 enfants de l’école (parfois venant déjà de différents CM2) dans la même classe. J’ai demandé souvent à ce qu’on les regroupe davantage et que dans une classe de 6ème il n’y ait que des enfants issus de deux écoles par exemple. Le collège ne veut pas (enfin, ne voulait pas, il semblerait cette année que quelques ouvertures aient lieu). Ils pensent qu’en les mixant ils évitent les affrontements. Au contraire, ils évitent surtout que les enfants puissent s’entraider dans leurs devoirs... Et ils évitent également tout intérêt pour la liaison CM2/6ème

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p. 83 - Un premier module est organisé sur 8 semaines en novembre/décembre avec deux sous-groupes : un groupe de 7 élèves en très grande difficulté pris en charge par le maître E du RASED, un groupe de 7 élèves en grande difficulté pris en charge par le maître de la classe, 7 élèves fonctionnant en relative autonomie en atelier.

Les maîtres E des RASED n’ont pas le droit de prendre des CE2 en charge. Et d’ailleurs où en trouveraient-ils le temps ? Chez nous le maître E doit intervenir pour aider à la scolarisation de 15 CE1 en grande ou moyenne difficulté, autant de CP, et une dizaine de GS... Notre école compte 306 élèves. Nous avons en plus un maître CLAD à 1/2 temps qui prend en charge 7 élèves de cycle 3, avec interdiction de co-intervention. Les élèves doivent être sortis des classes...

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p. 87 - Plus difficile à réguler, le temps individuel d’attention, de mobilisation sur le contenu des activités scolaires, peut être parasité plus ou moins durablement par des perturbations vécues avant d’arriver à l’école. Dans les secteurs les plus difficiles, il y aurait sans doute à créer des espaces d’accueil et d’échanges avec des personnels spécialisés pour que les enfants en souffrance puissent communiquer sur leurs soucis, leurs angoisses avant de s’engager dans le travail scolaire.

Nous avons offert la possibilité de l’accueil en classe à tous les élèves, même si notre gigantesque bâtiment ne rend pas les choses faciles. Bilan : à 9 heures, la plupart des élèves sont déjà installés, et un temps de “quoi de neuf” leur permet de parler d’eux avant de se mettre au travail apaisés. Lorsque des conflits de la cité émergent, nous les traitons par écrit et la production d’écrits contradictoires par les protagonistes permet aux élèves de réfléchir avec sérieux.

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p. 92 - La communication avec les familles sur les résultats et les progrès des élèves, que devrait faciliter l’existence d’un livret scolaire individuel, est rarement satisfaisante, soit que les supports utilisés soient illisibles pour les parents, soit que la périodicité des transmissions soit inadaptée.

Je serai ravie de vous offrir le livret obligatoire de notre circonscription entièrement en %, avec 125 items de littérature en cycle 3 à évaluer... Notre résistance acharnée à son utilisation (nous sommes la seule école de la circonscription à avoir tenu tête publiquement, ce qui nous a valu l’appellation d’irrédentistes...) car, lorsqu’un enfant a 42 % en géométrie, et 59 % en “dire, lire, écrire”, je ne sais pas ce que ses parents peuvent penser de nous... Sans compter l’ORL...
Notre livret de compétence valide petit à petit l’essentiel des performances et des compétences de l’élève et, chaque trimestre, une feuille rédigée circule entre l’enseignant, l’enfant, la directrice et les parents. Chacun écrit (1/2 page pour l’instit, 1/3 pour les autres) et une rencontre est organisée pour en parler.

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p. 102 - Les initiatives des autres ministères s’inscrivent dans des politiques contractuelles interministérielles, telles que : le « contrat bleu » (1987), le « contrat d’aménagement du temps de l’enfant » (CATE), le « contrat d’aménagement des rythmes de vie des enfants et des jeunes » (CARVEJ), le « contrat temps libre » (CTL), le « contrat local d’accompagnement scolaire » (CLAS), le « contrat local de sécurité » (CLS), le « contrat ville » (CV), le « contrat éducatif local » (CEL)...
La succession dans le temps de ces multiples dispositifs a abouti à un véritable « empilement » d’offres de partenariat qui a été analysé dans un rapport récent de l’inspection générale.
Le programme de réussite éducative (PRE) créé par la loi de cohésion sociale du 18 janvier 2005 peut-il échapper à cette critique ? Il traduit à certains égards une approche novatrice, mais il est probable que sa mise en œuvre rencontrera des difficultés analogues à celles des programmes qui l’ont précédé.

Merci de le dire déjà. Mais ne pourrait-on pas du coup réduire la pile et surtout la rendre plus lisible et plus républicaine avant que tout le monde ne réclame le retour aux crédits Baranger. D’une ville à l’autre, en fonction de critères au mieux obscurs, au pire relevant de la collusion et de la prévarication, les écoles sont traitées tellement différemment que le dispositif ZEP ne fait pas appui pour aider les territoires qui dysfonctionnent.
Mon école, bien que située dans le ZUS 561, n’est pas en PRE, la ville n’a pas signé de CUCS ; du coup, nous n’avons plus rien.
Pour l’ensemble des partenariats, on va dire que la plupart des villes privilégient des partenariats qui font plaisir à son électorat, dans les quartiers où ils se trouvent. Les classes “musiques” de Bobigny sont dans deux écoles hors ZEP. Mais cela doit être un hasard. La classe des “deux ans » (la dernière) est en plein centre ville : une erreur ? Non, là, les parents et l’école se sont battus pour la garder.

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p. 118 - L’examen de la carte scolaire conduira à une alternative : disperser les élèves dans d’autres établissements existants ou construire un nouvel établissement scolaire, hors de la zone, et y scolariser une partie seulement de cette population, les autres élèves étant répartis ailleurs.

Pour moi, c’est bidon. Personne n’aura le courage de fermer un établissement pour envoyer les élèves ailleurs. Il y aura des grèves dans le collège du centre ville qui ne voudra pas des élèves importés. Il y aura des rejets qui conduiront les jeunes à faire les racailles puisque c’est ce qu’on dit d’eux...
Non, je crois qu’il faut se donner les moyens pour que ça marche sur place, quitte à ce que cela coûte cher, avec des élèves en classe lecture, d’autres en classe opéra, des classe de 12, des échanges franco-irlandais, des cours avec des professionnels de tous bords...
Non, il faut faire fonctionner les gamins-là en commençant par une politique ambitieuse de formation et de stabilisation dans les écoles et le collège de tous les enseignants, mettre un principal trié sur le volet, capable de rester 10 ans, 3 CPE pour 200 élèves s’il le faut, et ouvrir l’établissement aux parents pour qu’ils aident les adultes à se sentir adultes et les enfants à rester à leur place d’enfants.

Moi j’ai pris Marie Curie en 1999 à feu et à sang, avec une fusion contrainte de deux écoles pour n’en faire qu’une, après 4 directrices en 5 ans, et un problème de pédophilie qui avait fait partir toute l’équipe. Nous avons remonté la pente, pas à pas. Aujourd’hui, l’équipe est stable, les enfants travaillent et même, si on est loin de la ligne d’arrivée, tout le monde est dans la course.

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p. 118 - Développer la capacité et la volonté de faire des choix dans l’éducation des enfants relevant de l’EP1 ne pourrait qu’être bénéfique à tous. Dès lors plusieurs solutions peuvent être mises en œuvre : - désectoriser l’affectation des élèves du primaire et des collèges ;

ATTENTION : GROSSE BETISE. Si on enlève la carte scolaire, il y aura des élèves dont aucun établissement ne voudra...
Les parents n’auront pas choisi, ils ne seront pas venus à temps, ils n’auront pas compris et, à la fin, le lapin n’aura de place nulle part...
La carte scolaire attribue un établissement à tous les élèves. Comme je l’ai dit à la journée OZP, si trois principaux de collège ont le choix entre Anne-Charlotte, Pierre-Emmanuel et Abdourhamane, qui a deux ans de retard, je crains qu’un élève sur les trois n’ait de place nulle part...

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p. 119 - - privilégier pour l’attribution ou l’extension de contrats à l’enseignement privé, les demandes correspondant à des implantations dans les territoires de l’EP1.

ATTENTION : GROSSE BETISE N° 2 : si on implante des établissements privés, nos établissements vont plonger. La présence de Charles Péguy à Bobigny (établissement primaire -collège réservé aux filles) déstabilise déjà les écoles environnantes, privées d’une mixité importante pour l’équilibre.
Si on met des établissements sous contrat avec les mêmes finances et moins de contraintes, nous partons battus d’avance. Le taux d’élèves difficiles va augmenter chez nous puisque eux ne les gardent pas. Le taux d’élèves en difficulté scolaire va augmenter chez nous puisque eux ne les gardent pas. Assez rapidement, ils pourront se targuer de résultats plus élevés que les nôtres, ce qui nous énerve déjà considérablement. Je veux bien réfléchir à la concurrence du privé, mais pas à armes inégales.

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p. 119 - Pour tous les établissements, il conviendrait, en outre, de prendre l’habitude d’analyser la composition sociale du secteur et la composition sociale des établissements scolaires pour vérifier si elles sont comparables, en y incluant le secteur privé sous contrat. Dans le cas où, - quelles que soient les catégories sur représentées - la composition scolaire est différente de la composition sociale, il serait nécessaire d’étudier cette situation avec les partenaires, collectivités territoriales, associations, et pour l’éducation nationale, de chercher des voies d’amélioration.

Par nature, le privé n’a pas de secteur et je ne vois pas comment on va évaluer la composition sociale du privé. Ensuite, par nature, les quartiers les plus en déshérence ne peuvent être analysés car une proportion importante d’enfants ont des parents qui ne sont référencés nulle part : ni locataires, ni propriétaires, mais hébergés, squatteurs, logés en hôtellerie ou en sous-location. Et puis où cela nous mène-t-il ?

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p. 122 - l’exploitation des PCS présente des failles qui pèsent sur la fiabilité et l’intérêt de la présentation sociologique des populations d’élèves ;

Les PCS sont un outil inadapté pour mesurer la précarité sociale, qui est la source des plus grandes difficultés. Ce n’est pas la pauvreté qui pèse sur les parcours des élèves. Par contre l’absence de travail pèse, l’absence de papiers pèse plus encore et l’absence de logement pèse de manière dramatique. Dans les squatts, chez les hébergés, la violence de la rue ne permet pas la protection des plus faibles. Et les plus faibles ce sont les enfants.

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p. 123 - - les données relatives à l’origine ethnique n’apparaissent nulle part alors qu’elles constituent beaucoup du non-dit du système scolaire et de l’éducation prioritaire en particulier.

Là encore, pour recueillir ces données et les exploiter, il faudrait que nous ayons la garantie qu’ils ne seront pas utilisés contre l’intérêt des élèves. Or, actuellement, la confiance à ce sujet ne règne pas vraiment...

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p. 124 - les enfants non francophones ; - les enfants non scolarisés dans leur pays d’origine ; - les enfants de la seconde génération d’immigration dont les parents ont connu des difficultés scolaires et n’ont plus une confiance suffisante dans le système éducatif.

Pour moi, il ne faut pas faire les groupes de cette manière. Il faut définir ce qu’est un enfant non francophone : il y a des non francophones nés en France...
Moi, je ferais trois groupes :
. les enfants en cours de scolarisation (non scolarisés antérieurement, ayant à apprendre le français et tout le reste...) ;
. les enfants en cours d’apprentissage du français (primo-arrivants scolarisés partiellement en France, pas encore remis à niveau) ;
. les enfants de français langue seconde (nés en France ou ayant fait toute leur scolarité ici, mais sans s’approprier l’ensemble des registres de langue).

Pour ces trois groupes, la confiance des parents est à construire par une politique d’ouverture ambitieuse et diversifiée.
Il faut proposer différentes approches non culpabilisantes : des cours d’alphabétisation, des expositions de travaux d’élèves, des cours de promotion sociale, des rencontres, des fêtes aussi...

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p. 124 - Thomas Piketty estime qu’ »une réduction de la taille des classes à 17 élèves en CP et CE1 (au lieu de 22 actuellement) permettrait de réduire de près de 45 % l’inégalité en mathématiques à l’entrée en CE2 entre écoles ZEP et hors ZEP... En appliquant la même méthode aux collèges et aux lycées, on obtient des effets statistiquement significatifs, mais sensiblement moins importants. »

J’ai bien réfléchi à l’affaire Piketty. Il me semble que là où l’interaction langagière est à la base de l’essentiel du travail, il faut réduire comme il le propose, c’est à dire de la maternelle au CE1, soit les deux premiers cycles.
Ensuite, pour le cycle 3 et pour le collège, il me semble que pouvoir moduler les groupes avec parfois des groupes plus grands et parfois des groupes plus petits est plus important que la taille des classes elle-même, qui néanmoins ne devrait pas dépasser 22/24 élèves. C’est donc plus vers des maîtres supplémentaires pour cette modulation qu’il faut se tourner.

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p. 125 - Pour éviter la dispersion actuelle des moyens supplémentaires susceptibles de les rendre indiscernables et inefficaces, de vraies priorités pourraient être dégagées : tout d’abord une priorité forte donnée au premier degré. C’est là en effet que se creusent les écarts les plus importants, c’est aussi à ce stade que les remèdes sont les plus efficaces.

Il va être difficile de donner une priorité au premier degré en ayant découpé les secteurs sur la carte du second degré...
Car les écoles qui ne sont pas sur le secteur d’un collège RAR, tout en scolarisant des élèves qui ont les caractéristiques d’élèves RAR, risquent de le prendre très mal... surtout si les écoles du secteur RAR et qui ne sont pas ZEP en bénéficient...

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p. 127 - Il conviendrait de travailler avec les partenaires syndicaux sur la gestion des ressources humaines en éducation prioritaire sur les sujets suivants : comment faire venir et stabiliser des enseignants motivés, formés et qualifiés en éducation prioritaire ? Quelle attractivité réelle des territoires prioritaires en France, lesquels cumulent tous les handicaps ? Quelle rémunération pour les enseignants en éducation prioritaire ? Faut-il mieux les payer et mieux les muter pour les faire venir et les stabiliser, mais alors à quel niveau et pour combien de temps ? Ou bien faut-il mieux les payer car ils fournissent un travail plus important et plus difficile, et dans ce cas, comment l’évaluer ? Ou faut-il mieux les payer car ils viennent à contre cœur et ils auraient moins de gratification dans leur travail ?

Il faut améliorer les conditions de travail des enseignants en diversifiant leur temps de travail en temps d’enseignement, temps de formation, temps de concertation, temps de tutorat, sans alourdir leur charge de travail.
Il faut, dans les départements déficitaires, recruter localement en donnant des bourses d’études aux élèves bacheliers des ZEP pour qu’ils puissent aller à l’université sans avoir à travailler et qu’ils réussissent les concours de la fonction publique (enseignement, justice, police, fonction territoriale, fonction hospitalière), en échange d’un temps obligatoire sur place.
La récompense par la mutation est une erreur qui contribue à aggraver durablement le problème. Pour que les gens restent, le mieux c’est qu’ils soient d’ici et qu’ils y soient bien.

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p. 127 - Seuls, le recteur et l’inspecteur d’académie peuvent déterminer, en fonction des caractéristiques du terrain, les établissements et les personnels qui pourraient en bénéficier.

Le recteur et l’IA ne peuvent absolument pas se retrouver seuls à déterminer qui va bénéficier des mutations. On voit déjà les pressions, les collusions, les copinages et les tensions syndicales... Les établissements doivent être désignés de manière claire et stable, et la récompense mutation doit tendre à disparaître.

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p.132 - Jusqu’à présent, on a eu de la difficulté à faire du premier degré le centre de gravité des réseaux d’éducation prioritaire. La création d’établissements publics du premier degré pourra contribuer à leur donner la surface et l’autonomie nécessaire et en faire le centre de gravité des « réseaux ambition réussite ». Si l’on propose de contractualiser, au vrai sens du terme, toutes les structures d’EP1, appartenant aux « réseaux ambition-réussite », il convient donc de donner la personnalité morale à ceux qui ne l’ont pas, c’est-à-dire de créer des établissements publics du premier degré dans ces territoires pour qu’ils puissent contracter. Les contrats seront donc passés avec les établissements publics, contrats entre le recteur, l’inspecteur d’académie et les collèges, contrats entre l’inspecteur d’académie et les établissements publics du premier degré.

L’Etat ne perçoit pas qu’en nous mettant sous la coupe non pas de quelques dizaines de régions, comme les lycées, ou d’une petite centaine de départements, comme les collèges, mais de milliers de communes dont les décisions seront majoritaires, il va au devant de difficultés que son administration ne mesure pas bien... mais dont nous avons, nous, les directeurs d’écoles élémentaires, une vision déjà claire...
Voilà un maire qui va décider d’acheter seulement des manuels de tel éditeur, en voilà un autre qui va publier les résultats de l’évaluation CM2, en voilà un troisième qui va refuser d’acheter des ordinateurs, ou de les réparer, ou qui va en acheter des vieux, tous obsolètes, parce que son beau-frère les vend et j’en passe... Les IEN vont rapidement être débordés par 36 000 problèmes...

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p.133 - C’est le défaut d’évaluation suivie qui a, en partie, empêché la politique d’éducation prioritaire de trouver, au fur et à mesure, les adaptations nécessaires.

Non pas. Ce n’est pas le défaut d’évaluation. La politique d’éducation prioritaire a suivi les humeurs des hiérarchies centrales et intermédiaires, les humeurs et les désaccords. Ainsi donc, une fois les budgets étaient versés à un « collège référent” qui refusait de les rendre ; l’année suivante, les budgets restaient à l’IA qui manquait de support pour les verser, puis chez le préfet, qui les avait confondus avec une autre ligne et les avait dépensés sans prendre garde...
Les alternances, les dissensions, tout était mis en place pour que, tout en bas, les dysfonctionnements découragent les pédagogues les plus engagés. Aujourd’hui, il y a un unanimisme de façade et plus tellement de moyens.

Le seul indicateur qui semble intéresser les décideurs et les médias c’est le nombre de véhicules brûlés.

La parole des acteurs de terrain est muselée. Il n’y a plus de conseil de ZEP, les coordinateurs sont des exécutants, le projet est devenu contrat, contrat de personne avec rien , entièrement écrit en langue de bois.

Ma conclusion sur le rapport : Si l’analyse des difficultés est parfois pertinente, une partie des mesures préconisées est dangereuse et se révèlera probablement contre-productive.

Véronique DECKER

PS : juste une anecdote, pour la route. Nous avons 8 ordinateurs, pour 300 élèves et nous avons dû les répartir dans l’école, car une année nous n’avions plus d’emplois jeunes et pas encore d’assistants d’éducation.
Donc un seul est relié à Internet, dans l’ancienne salle informatique. Nous avons été en panne plusieurs semaines sans que la mairie ne daigne venir réparer. Puis elle a changé de fournisseur et ne nous a pas donné les codes d’accès...
Bref, la seule commune qui n’a pas validé les B2i c’est nous. Bilan, l’IA n’a pas renouvelé la mission du coordinateur informatique... mais n’a pas trouvé le courage d’aller chauffer les oreilles de la municipalité pour que, dans chaque classe de cycle 3, au moins un poste et une connexion permettent aux élèves de se former au B2I...

NOTE de l’OZP : Véronique Decker est intervenue lors de plusieurs journées de l’OZP.

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