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Un intéressant bilan du travail de l’AFEV dans les ZEP

20 avril 2007

Extrait du site de l’AFEV, le 19.04.07 : Plaidoyer pour le tutorat étudiant

Association de la Fondation Étudiante pour la Ville

(AFEV)

Depuis plusieurs mois, inciter les étudiants des établissements d’enseignement supérieur à intervenir auprès d’élèves issus des quartiers délaissés est presque devenu « à la mode ».

Pourtant, cette pratique n’est pas nouvelle : c’est sur la base d’initiatives locales, plus ou moins organisées, portées par des individus, des associations ou même des communes, que l’AFEV s’est constituée en 1991, pour devenir dix ans plus tard le premier réseau d’accompagnement à la scolarité.

Aujourd’hui, deux phénomènes provoquent l’émergence sur le devant de la scène de cette forme d’intervention éducative appuyée sur l’engagement étudiant : une prise en compte de plus en plus importante, dans les politiques locales, de l’échec scolaire en tant que facteur de tensions dans certains quartiers. Et d’autre part, l’essor d’un formidable travail de lobbying, initié par quelques grandes écoles visant à mieux faire connaître de telles pratiques, participant d’ores et déjà à la formation de leurs élèves.

Or l’AFEV se trouve au carrefour de ces deux problématiques. Identifiée rapidement par l’Etat et les collectivités locales comme un acteur potentiel de la lutte contre l’échec scolaire, notre association a, dès les premières expériences, constaté auprès des étudiants bénévoles qu’un échange s’instaurait naturellement entre eux-mêmes et les enfants-élèves. Si les remerciements des familles et des enfants étaient attendus, nous avons été surpris par ceux émanant directement des étudiants, enrichis par ce que cette expérience leur avait révélé en soi et sur eux-mêmes.

Certes, dans notre société qui sait très bien (trop bien ?) reconnaître et valoriser le savoir académique, il est facile de mettre en avant l’apport des étudiants, détenteurs potentiels du savoir, vers l’enfant en difficulté. Mais la richesse de ce tutorat se situe justement à un autre niveau que celui du simple rapport maître-élève. En effet, les étudiants retirent eux aussi des enseignements de leur action : ils apprennent la complexité des choses, à voir et à lire au-delà des idées reçues ; ils apprennent ce qu’on apprend en se confrontant à l’altérité ; ils apprennent ce que l’on ne peut pas apprendre au sein d’un système trop normé. Ils apprennent - pour utiliser le vocable destiné aux jeunes des missions locales - des compétences sociales, - pour se conformer à celui de l’entreprise - l’adaptabilité au changement.

En bref, des compétences indispensables dans notre société.

Forts de ce constat, nous avons développé, depuis 1995, l’idée d’une reconnaissance universitaire de l’engagement éducatif et citoyen, aboutissant à la mise en place d’Unités de Valeurs optionnelles dans quelques universités (Lorient, Strasbourg, Nancy ou La Réunion par exemple), de nouvelles formes de stage « Santé Publique » dans les formations de soins infirmiers, etc.

Aujourd’hui, nos quinze ans d’expérience sur le terrain et au coeur des universités, nous autorisent à analyser ces pratiques afin d’identifier quelques pistes au service de la cohésion sociale de notre pays.

L’impact social

Les étudiants sont prêts à s’engager, les familles sont prêtes à les accueillir, les élèves apprécient leur présence. Les étudiants sortent grandis de cette expérience, qui pour la plupart d’entre eux constitue une première expérience d’engagement. Ils portent un regard nouveau sur la société et sur ses difficultés, ses contradictions. Ils sont par ailleurs mieux sensibilisés aux questions touchant à la solidarité et la citoyenneté. Dans une société au sein de laquelle l’individualisation des parcours va grandissant, cette action épouse ce phénomène tout en offrant une chance de devenir un acteur de la société : elle autorise, en somme, l’émergence d’un individualisme solidaire.

Le statut de l’étudiant conserve dans les familles populaires une image forte, constitue un objectif qu’elles n’osent imaginer pour leurs propres enfants. Sur près de 100 000 familles que l’AFEV a touchées, le nombre de celles qui ont décliné notre offre d’intervention se cantonne à quelques dizaines. Le fait qu’un étudiant bénévole vienne aider leur enfant requalifie positivement la famille vis-à-vis d’elle-même, mais aussi de son entourage. Dès lors, s’il y a stigmatisation, elle est positive, et nous conduit à devoir gérer les demandes de « voisinage ».

Enfin, l’enfant lui-même, va côtoyer, pendant un an, un adulte, symbole de réussite scolaire, ayant intégré la « culture » du système scolaire et avec lequel les relations seront dépourvues de quelconques tensions d’ordre scolaire ou familial. Ces trois points de vue (ceux de l’étudiant, de la famille et de l’enfant) nous poussent à envisager le tutorat étudiant-élève comme une action concrète de lien social, touchant directement les individus, leur permettant de retrouver une place, par la requalification, dans le fonctionnement formel de notre société.

L’impact éducatif : éducation non formelle

La disparition, ou tout du moins l’affaissement des parcours de filiation collective au profit de parcours individuels présente également des conséquences dans le rapport des individus à la société formelle. La compréhension de la culture scolastique n’est pas quelque chose allant de soi. La massification, d’une part, qui a conduit à accueillir à l’école des personnes qui s’en seraient trouvées exclues il y a encore 40 ou 50 ans, conjuguée à la disparition des encadrements collectifs qui assuraient cette « pédagogie », nous obligent à inventer de nouvelles formes d’intervention.

L’écart entre la culture familiale et la culture scolaires, souligné comme cause de difficulté de certains élèves, comme l’écart entre la culture scolaire et la culture de l’entreprise dénoncé comme cause des difficultés d’insertion des jeunes, sont à rapprocher.

A partir du moment où l’engagement bénévole de l’étudiant est encadré, soutenu par un réseau de professionnels, nous constatons qu’il est bénéfique à la fois pour l’étudiant et pour le public visé par son action. L’étudiant devient le passeur des clés de compréhension des attentes de notre système éducatif, et, dans le même temps, il apprend l’adaptabilité, la mobilité, la mesure, en se confrontant au réel.

Un cercle vertueux se met alors en place ; l’action de solidarité nourrissant la démarche éducative pour l’étudiant.

Impact sur système éducatif

Nous pensons qu’il est devenu nécessaire de généraliser la démarche de reconnaissance de l’engagement mis en place à certaines grandes écoles et universités à l’ensemble du système éducatif, du primaire à l’université.

Ce type d’expérience conduirait les établissements d’enseignement supérieur, comme ceux d’enseignement secondaire, à adopter une approche différente de leur rapport avec leur environnement. Elle conduirait aussi à réfléchir différemment quant à leur rôle sur tel ou tel territoire. Parallèlement, ils susciteraient chez les citoyens un autre regard, particulièrement chez ceux qui en ont été exclus : un regard d’admiration plutôt que de frustration.

Interventions de collégiens dans des foyers de personnes âgées, de lycéens auprès de populations nouvellement arrivées en France, de lycéens dans les écoles primaires, d’étudiants auprès de jeunes en insertion... le champ des possibles est immense.

La généralisation du tutorat étudiant dans les actions de solidarité éducative, sa reconnaissance par les établissements d’enseignement supérieur, peuvent aussi constituer un moyen efficace de diffusion, au sein de notre système d’éducation formel, de pratiques de pédagogie citoyenne plutôt que d’instruction civique, dans un objectif d’acquisition de nouvelles compétences sociales. Cette approche nous apparaît essentielle au moment même où un consensus semble se dégager quant à la notion d’élève acteur de son parcours éducatif et de son choix d’orientation. Ce consensus, qui nous paraît juste sur le fond, surtout si ces notions remplacent la sélection ou l’orientation subie, peut s’avérer dramatique pour les élèves qui n’auront pas intégré ces nouvelles compétences requises, et pour les familles qui n’auront pas connaissance des nouvelles attentes de l’école.

Reconnaissance de la solidarité

Poser la question du soutien à l’engagement solidaire des jeunes, c’est aussi se poser collectivement la question du rôle des individus dans notre communauté. Dans une société où la croissance est mise en question, face aux risques environnementaux, où le progrès débouche sur un morcellement économique et social toujours plus grand, il semble important de développer une nouvelle pédagogie de la solidarité et du partage.

Les étudiants d’aujourd’hui sont non seulement prêts, mais demandent encore à participer pleinement au fonctionnement de notre société. La hausse générale du niveau social, culturel, de formation et d’information leur fait apparaître d’autant plus insupportables les inégalités qui perdurent dans notre pays. Ils ne veulent pas changer le système, parce que dans l’ensemble ils s’y sentent bien, mais l’améliorer, parce que voir des enfants échouer à l’école pour des raisons sociales leur apparaît anachronique. Ils représentent une énergie, sans cesse renouvelable, et si nous ne sommes pas en capacité de leur offrir les espaces d’utilité sociale qu’ils recherchent, ils iront se réfugier dans des aspirations catégorielles de plus en plus fragmentées.

A l’heure des grands choix politique et des promesses pour un avenir meilleur, les citoyens et en particulier les plus jeunes attendent des réponses fortes sur des problèmes sociaux indignent d’une société qui se dit développé. Sort réservé aux personnes âgées dépendantes, logements des plus démunies, état de nos prisons, chômage des jeunes et l’échec massif à l’école sont quelque uns des phénomènes qui fragilisent le fonctionnement de notre société. La résolution de ces questions nous concerne tous.

L’intégration de l’acte de solidarité dans notre système formel, et donc un autre niveau de considération de notre société, envers ces actes et envers leurs auteurs est une voie qu’il nous faut soutenir.

Non plus un supplément d’âme « éthique » pour accompagner les processus de consommation, pas uniquement une façon de mettre en pratique sa foi en un dieu ou en un programme, mais à la fois une valeur qu’il s’agit de partager avec le plus grand nombre d’individus et un moteur pour que « société de la connaissance » rime avec « société solidaire ».

Généralisation :

Les étudiants sont volontaires pour ce type d’action. Sans minimiser le travail accompli par l’AFEV et ses partenaires, ni les efforts déployés tous les ans pour faire connaître nos actions à la population étudiante, les étudiants s’engagent massivement dans ce type d’action.

Dans certaines villes moyennes, les effectifs étudiants inscrits à l’AFEV sont impressionnants et atteignent aujourd’hui, entre 5 et 10 % de la population étudiante (150 à Albi, 250 à Dunkerque, 70 à Cherbourg,...).

Dans certaines grandes villes, c’est le nombre brut d’étudiants qui est très élevé et donne la dimension du potentiel de ce type d’opération avec plus de 500 bénévoles engagés dans des villes comme Lille, Lyon ou Toulouse.

La généralisation de ce type d’opération n’est pas pour nous la volonté de plaquer un modèle d’intervention homogène sur l’ensemble du territoire. Bien au contraire, nous sommes convaincu de la nécessité d’adaptation au territoire et de l’émergence de projets éducatifs locaux pour associer le plus possible les citoyens.

La généralisation que nous appelons de nos vœux est motivée par la nécessité d’apporter des solutions au décrochage de plus en plus important d’une partie de la population face à l’évolution de plus en plus rapide des savoirs dans une société toujours plus exigeante vis-à-vis des individus et en particulier des plus jeunes.

Elle doit être vue comme une ressource pour répondre aux besoins sociaux et une piste pour faire société dans un moment de progression d’individualisation des parcours.

Il ne nous appartient pas de dire si leur intervention est plus utile à tel ou tel niveau, ou face à telle ou telle difficulté, même si quinze ans d’expériences nous ont appris quelques enseignements, mais d’imaginer cette ressource comme disponible pour les acteurs locaux.

Sur l’ampleur tout d’abord, un chiffre est connu et accepté par tous :150 000 jeunes sortent du système scolaire sans qualification.

Quand nous rapprochons ce chiffre avec ceux de la population étudiante, nous nous apercevons que la généralisation à partir des besoins est tout à fait envisageable puisque cela représente moins de 10% des effectifs de l’enseignement supérieur.

En cas de généralisation et de forte impulsion de l’état et des acteurs du système éducatif, universités pour le recrutement et la formation et les collèges pour le repérage des enfants, nous estimons qu’il est possible de mettre en œuvre cette opération d’envergure pour tous les élèves repérés en difficulté au moment des tests d’évaluation de l’éducation nationale.


L’Association de la Fondation Étudiante pour la Ville a vu le jour en 1991 grâce à trois étudiants partageant un double constat : d’une part, peu d’étudiants s’investissaient au quotidien dans leur ville alors qu’ils étaient capables de se mobiliser autour des grandes causes de l’époque et d’autre part, les besoins en matière de solidarité de proximité étaient très importants.
Les initiateurs de l’afev ont convenu qu’il fallait permettre aux étudiants de devenir des acteurs incontournables de leurs villes et leur proposer un outil adapté à leur mobilisation : l’afev était née sous la forme d’une association de loi 1901.

Depuis 15 ans, à nos côtés, 60 000 étudiants ont donné deux heures de leur temps chaque semaine pour accompagner un enfant ou un jeune en difficulté dans les quartiers défavorisés.

Aujourd’hui, parce que les besoins restent énormes, nous nous engageons, en lien avec le Ministère de l’Education Nationale, dans une campagne « 30 000 étudiants solidaires pour être utile contre les inégalités » visant à soutenir 30 000 enfants et jeunes en difficulté

Consulter le site de l’AFEV

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