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Portraits de trois acteurs anciens des quartiers : Philippe Torreton, Krim Zéribi et Hicham Nazzal

27 mars 2007

Extraits du « Monde » du 15.03.07 : Philippe Torreton plus belle la gauche

Philippe Torreton

Après avoir soutenu le Vert Noël Mamère, l’acteur a fait campagne en faveur du oui au référendum sur la Constitution européenne. Aujourd’hui, il s’engage avec passion au côté de Ségolène Royal

Portrait

Personne n’est venu le tirer par la manche. Le jour de l’inauguration du siège de campagne du Parti socialiste, Philippe Torreton s’est présenté et a glissé à Jack Lang qu’il avait envie de s’engager. Ségolène Royal a saisi la balle au bond et lui a proposé d’intervenir dans un meeting. Chiche ! C’est ainsi que, le 6 février, mort de trac face à des milliers de personnes réunies à la Halle Carpentier dans le 13e arrondissement, entre Bertrand Delanoë et Ségo superstar, Philippe Torreton s’est lancé, bravement. « Si je suis là, ce soir, c’est parce que j’ai l’espoir d’une autre politique qui rejette les dogmes et les mirages de la personne providentielle, une politique en mouvement et à l’écoute qui avance à visage découvert, qui n’insulte pas, qui ne joue pas cyniquement avec le feu... »

Chacun oublia vite que l’acteur, métamorphosé en tribun vibrant, lisait son discours, écrit en toute liberté. On retrouvait un peu de la flamme du jeune Jaurès qu’il incarna, en 2005, dans un téléfilm réalisé par Jean-Daniel Verhaeghe. Ce cinéaste, qui a depuis offert à Torreton le rôle d’un instituteur dans Le Grand Meaulnes, n’est pas étonné par les talents d’orateur d’un « comédien totalement investi », dont il souligne « l’énergie, la générosité, le goût de l’explication des textes, le sens du discours et de la formule ».

L’ancien sociétaire de la Comédie-Française était si impliqué dans la campagne qu’il a presque du mal à se concentrer durant les répétitions de la pièce d’Alexandre Griboïedov, Du malheur d’avoir de l’esprit, donnée en création française depuis le 9 mars au Théâtre national de Chaillot dans la mise en scène de Jean-Louis Benoît. Un rôle de pure composition, puisque son personnage, Tchatski, est « une sorte de misanthrope pimenté de folie russe ». Ce dédoublement du comédien et de l’homme-citoyen, Torreton ne l’avait ressenti qu’une fois, lors de la naissance de son fils, Louis, voilà neuf ans, à laquelle il avait pu assister. « Je jouais alors Tartuffe à la Comédie-Française et j’étais tellement ailleurs et bouleversé que je n’ai pas vu passer la représentation. »
Son engagement actuel, il a eu le temps de l’approfondir dans la grande solitude des steppes du Kazakhstan où, à l’automne 2006, il a tourné Ulzhan, sous la direction de Volker Schloendorff. « Durant deux mois et demi, nous sommes restés coupés du monde comme des navigateurs en pleine mer. Une expérience extraordinaire, face à soi-même. »

L’acteur militant n’est pas tout à fait un novice. Avant le référendum sur la Constitution européenne, en 2005, il était déjà monté sur une tribune, aux côtés de Lionel Jospin et François Hollande. En 2002, il avait soutenu la candidature de Noël Mamère. Cette fois, l’écolo qu’il est resté a été convaincu par l’engagement de Ségolène Royal de « faire de la France un pays d’excellence en matière d’environnement ».

Et il ne s’agit pas d’un ralliement par défaut ; bien avant les primaires du PS, il avait choisi Ségolène Royal. « C’était déjà la plus pertinente parce qu’elle osait aborder des sujets tabous. Je ne suis pas choqué par son idée de structures encadrées par des militaires pour éviter la prison aux jeunes délinquants. Il faut bien trouver des solutions pour éviter que des petits groupes violents pourrissent la vie des plus défavorisés. »

Philippe Torreton qui connaît bien le monde des médias - il a été pendant quatre ans le compagnon de Claire Chazal- se dit « indigné par les coups bas portés par le conglomérat de la finance et des médias sous pression qui font preuve d’un parti pris éhonté et unique dans l’histoire de la République... ». Il reproche à Nicolas Sarkozy sa duplicité : « Qu’il ait le courage de dire : je ferai une politique à la Margaret Thatcher, au lieu d’avoir l’impudence de citer Blum ou Jaurès ! »

L’interprète de Shakespeare, de Vinaver et de Sartre, à qui l’on reproche parfois son sérieux, sait retrouver l’insolence de Scapin pour se moquer du troisième homme. « Bayrou me fait penser à une aire de repos d’autoroute où l’on sait qu’on trouvera des tables pour pique-niquer et des toboggans pour les enfants. Son ni-ni ne peut tromper personne, il incarne la droite. »

Torreton, lui, s’est toujours senti de gauche. « J’ai des oncles et des tantes qui ont commencé à travailler à 13 ans et ma grand-mère bien plus tôt encore. Dans cette famille, il y a eu des engagements, des combats, des résistances. » Il a grandi dans une cité populaire, rue Neil-Armstrong, au Grand-Quevilly, en Seine-Maritime, le fief de Laurent Fabius. Comme il le raconte avec une tendresse mêlée d’humour dans son récit Comme si c’était moi (Seuil, 2004), c’est un professeur de français, joliment nommé Gérald Désir (d’avenir ?) qui a fait basculer sa vie.

« Comme j’étais un collégien très timide, se complaisant dans sa petite médiocrité, ma mère, institutrice et militante syndicale, m’a inscrit à son stage d’initiation au théâtre, les mercredis après-midi. Semaine après semaine, dans la salle polyvalente du collège Edouard-Branly, je me suis senti pousser des ailes. » Il a regardé son prof autrement, pu rencontrer des filles, aller boire des Monaco en fumant des Peter mentholées, découvrir des grands textes, participer à la naissance d’une petite troupe, L’Astragale, et, surtout, éprouver cette « peur au ventre », terrible et divine, qui ne l’a plus quitté.
La suite relève du rêve. Son admission au Conservatoire - dont il avait préparé le concours parallèlement à celui... d’inspecteur de police -, sa montée à Paris qu’il connaît à peine et où un copain l’héberge dans sa chambre de Montrouge, ses rencontres surtout.

Quand il joue Britannicus avec le souci du concret, en jetant rageusement sa couronne de laurier, certains sourires de « considération amusée » font sentir au jeune homme débarqué de Normandie qu’il fait partie « du clan des bruts de décoffrage, des moulés à la louche, des non-filtrés ».

Mais les petits marquis ricaneront jaune lorsque Antoine Vitez l’appellera à la Comédie-Française - où il s’ébrouera avec délice dans le meilleur du répertoire avant d’en claquer la porte huit ans plus tard - ou quand Bertrand Tavernier l’engagera pour incarner un Capitaine Conan, décoré d’un César, puis un instit’ passionné dans Ça commence aujourd’hui. Tout un programme...

Au meeting de Villepinte, Torreton était au premier rang, avec sa fille Marie, 14 ans, qui lui a soufflé à propos de Mme Royal : « C’est incroyable comme elle pense aux gens ! » Depuis, le fougueux petit soldat a bien envie de remonter en première ligne. Son prochain discours est déjà prêt.

Robert Belleret

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Karim Zéribi

Extraits du « Monde » du 12.01.07 : Karim Zéribi, grande gueule des banlieues

Karim Zéribi quitte le centre culturel de Vaulx-en-Velin comme une star. Les jeunes de la banlieue lyonnaise venus participer à un Salon de recherche d’emploi organisé par la SNCF se pressent autour de lui pour lui taper sur l’épaule, lui serrer la main, le remercier. Quand il s’engouffre dans sa voiture, quelques-uns lui font encore un geste amical à distance. Un peu plus tôt, il avait été chaleureusement applaudi par 400 jeunes chômeurs, presque tous issus de l’immigration.

Le conseiller "égalité des chances" de l’entreprise ferroviaire vient pourtant de leur tenir un discours extrêmement ferme. Presque désagréable même. "Vous devez sortir de la culture du fatalisme pour passer à la culture du possible. Vous n’êtes pas les enfants malheureux de la société française !, leur a-t-il lancé. Chacun doit prendre son destin en main. Nous, à la SNCF, on vient chercher les meilleurs. Montrez-nous que c’est vous !" D’abord estomaquée par la dureté et le caractère inhabituel du propos, la salle a semblé hésiter. Puis l’a applaudi sans réserve.

Dans la voiture qui le ramène à la gare, Karim Zéribi, président du Parlement des banlieues, une institution autoproclamée chargée de porter la voix des quartiers, ne cache pas sa satisfaction d’avoir bousculé son public. "Je peux leur parler comme ça parce qu’ils sentent bien que ma fermeté veut d’abord dire que je les reconnais à part entière."

A 40 ans, cette figure de l’élite beur veut voir dans cette réaction un signe politique. Les banlieues n’attendent pas de discours démagogique ou "angélique" qui invoquerait l’"excuse sociologique" pour justifier l’échec ou la violence dans les quartiers populaires. Homme de gauche, Karim Zéribi veut aussi remuer le Parti socialiste, l’amener à "réviser son logiciel" sur la sécurité, l’immigration, l’emploi. Dynamiter la bonne conscience de la gauche et l’obliger à mettre les mains dans le cambouis de la banlieue. "Ne plus être dans l’incantation, mais dans la République concrète."

En 2002, il croyait en Jean-Pierre Chevènement. Aujourd’hui, en Ségolène Royal et sa vision de l’"ordre juste". Il a invité la candidate socialiste devant le Parlement des banlieues, à Bondy (Seine-Saint-Denis), en novembre, pour lui faire entendre ce que pensent les "cités". Celle-ci a promis de retenir quelques-unes des propositions formulées. "Elle nous a dit ce qu’on voulait entendre. Mais c’est peut-être le début de quelque chose", se réjouit-il.

Karim Zéribi se voit jouer un rôle de premier plan dans le rapprochement entre les quartiers populaires et la gauche. Là où beaucoup tenteraient de masquer leur désir de réussite, lui joue franc jeu : "C’est interdit d’avoir de l’ambition personnelle ?" Ambitieux, convaincu de sa force, certain de ses capacités, il rêve de faire de la politique, de devenir député, et pourquoi pas ministre ?
Il a déjà l’expérience des cabinets ministériels, entre 1999 et 2000, lorsqu’il conseillait le ministre de l’intérieur, Jean-Pierre Chevènement, sur la banlieue. Une expérience "fantastique". "Deux années de cabinet valent dix ans d’école", résume cet autodidacte qui a arrêté les études à 15 ans pour tenter une carrière (avortée) de footballeur professionnel.

Mais ce type de poste, dans l’ombre de la République, ne le satisferait plus. "Je n’ai pas de complexe, je veux gagner. Aujourd’hui, je revendique autre chose que de porter les valises." Il rêverait d’être investi par le PS pour les législatives à Marseille, mais ses chances sont quasi nulles dans la mesure où un conseiller général a déjà été désigné. A défaut d’être soutenu par les socialistes, il n’exclut pas d’y aller tout seul, sous l’étiquette "divers gauche".

Dans ce nouveau combat, il ne part pas sans munitions. Ses expériences associatives locales à Avignon et Marseille lui permettent de garder le contact avec les quartiers. L’animation du Parlement des banlieues lui apporte une vision d’ensemble. Depuis février 2006, il est aussi conseiller "égalité des chances" à la SNCF, chargé de la diversité dans l’entreprise publique. Avec de premiers succès : en 2005, sur 4 500 recrutements, l’entreprise avait embauché 200 personnes venues des zones urbaines sensibles ; pour les dix premiers mois de 2006, elle en recense déjà 400.

Une action concrète, mais surtout pas de la discrimination positive, un concept qu’il combat au nom de l’idéal républicain et de sa propre expérience. Ses grands-pères avaient émigré d’Algérie respectivement dans les années 1940 et 1950 pour venir travailler l’un en usine et l’autre sur le port de Marseille. Il reste admiratif de leur courage et de leur engagement, surtout de la part de son grand-père paternel, devenu syndicaliste. Ses grands-mères, une musulmane, une catholique, lui ont appris les vertus de la laïcité. "Elles m’ont transmis une force incroyable."

Le "gamin des quartiers Nord" de Marseille est un bateleur hors du commun. Sa capacité de conviction avait séduit Jean-Pierre Chevènement lors d’un colloque. Elle a tapé dans l’oeil d’Alain Weill, le PDG de RMC. Karim Zéribi était venu à l’antenne présenter son livre, Le Sauvageon de la République (éd. JC Lattès, 2003), qui retraçait son expérience au ministère de l’intérieur.

"On l’avait trouvé excellent, donc on lui a demandé de revenir", explique le PDG de la radio. Depuis deux ans, il est devenu un des piliers de l’émission phare de RMC, "Les grandes gueules". Un rendez-vous quotidien avec 900 000 auditeurs, qui plébiscitent, selon Alain Weill, ses prises de position "déroutantes" et "inattendues", émises avec un accent inimitable, mélange de tonalités marseillaises et maghrébines.

"C’est ce que j’appelle un Beur moderne, explique son amie, la réalisatrice Yamina Benguigui. Il sait d’où il vient, mais il sait aussi qu’il appartient, comme n’importe qui, à la société française. Cela explique son désir d’engagement." Elle y voit l’explication de son républicanisme et de sa capacité à assumer son ambition personnelle. "Il s’est fait tout seul", ajoute, admiratif, Bernard Debré, député de Paris (apparenté UMP), qui le côtoie dans l’émission.

Comme les footballeurs, il a construit sa carrière à la volonté et au "mental". De son expérience personnelle, ce père de quatre enfants déduit que tout est toujours possible. A condition de travailler, de s’accrocher. "C’est pour ça qu’il faut tenir un discours de vérité aux jeunes des banlieues. On ne peut s’en sortir que par le travail." A Vaulx-en-Velin, le message est passé.

Luc Bronner

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Hicham Nazzal

Extraits de « Al Bayane », le 26.12.06 : Le parcours de Hicham Nazzal : Intrépide et prudent, policé et rebelle

Hicham Nazzal a 27 ans à peine. Il enregistre d’ores et déjà un très beau parcours.

« Le travail de comédien, c’est finalement comme un 800 mètres. Entre sprint et course de fond. Si tu suis le peloton et que tu pars dès le début à fond les ballons, t’es cuit ! Faut rester concentré sur sa propre trajectoire, gérer son effort, et placer l’accélération au moment opportun ! ». Hicham Nazzal se plait souvent à comparer son métier d’acteur à cette discipline qu’il a pratiquée à un bon niveau dans sa banlieue Bordelaise.

Monté à 18 ans sur la Capitale après avoir obtenu son bac dans un lycée de la ZEP, ce fils de modestes ouvriers Marocains, 3ème d’une famille de 6 enfants, brillant élève, s’inscrit à la Sorbonne Nouvelle et y décroche une Licence d’Anglais et d’Espagnol, assortie d’une confortable mention.

En parallèle, entre les divers petits boulots alimentaires qu’il collectionne,Hicham suit des cours de théâtre, avec la secrète ambition de devenir comédien. « Un nouveau venu explose » titre le quotidien « e Parisien-Aujourd’hui en France » à l’occasion de sa première prestation télévisée dans un épisode de la série Navarro dans lequel, en 2002, il campe avec force un réfugié Albanais, personnage central de l’épisode. Premier casting, premier rôle : sa carrière démarre sur des chapeaux de roues. 5 ans plus tard, Hicham peut se targuer d’avoir enchaîné les tournages télé (pas moins d’une dizaine de téléfilms) et d’avoir investi le grand écran.

Ses premiers pas au cinéma, ce fut avec le maître Steven Spielberg, sous la direction duquel il interpréta un petit second rôle dans Munich , celui d’un jeune Palestinien, et ce en langue arabe. Il lui confia en outre le doublage d’un autre personnage, le Jordanien Ali, en Français et en Espagnol.

Hicham termine actuellement le tournage d’un nouveau long-métrage et en débutera un autre en Mars prochain.

Enfin, passionné d’écriture, Hicham, qui avoue aimer se confronter à l’exigence et la solitude de la page blanche, termine actuellement son deuxième scénario de long métrage.

Une carrière d’animateur TV :

Autre fait d’arme, d’importance, dans la - déjà - riche la carrière de Hicham Nazzal : avoir été le présentateur de la première Star Academy Marocaine, réalisant des records historiques d’audience, et faisant de lui une figure très populaire du paysage audiovisuel Marocain.

Il présenta également sur la même chaîne 2M des émissions en direct du festival de Cannes et de Marrakech (dont il était également le rédacteur en chef),saluées unanimement par la critique pour leur professionnalisme et leur éclectisme.

En France, citons Télé Monte Carlo, pour laquelle il a tété chroniqueur et rédacteur en chef d’un jeu un an durant, et également France 2 et France 3 avec lesquelles il a tourné différents pilotes, sous la houlette du producteur Gérard Louvin qui n’hésita pas à comparer le jeune talent à un croisement entre Nagui et Fogiel !

Son expérience de l’animation télé lui a conféré une aisance particulière pour le direct et une proximité de ton dans l’exercice de l’interview.

A 27 ans, Hicham Nazzal, c’est un parcours singulier, une force de proposition permanente !
Marrakech

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