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L’Appel « Pour mieux vivre ensemble »

2 mars 2007

Extraits du site de l’Inter réseau DSU, le 28.02.07 : Appel à réflexion pour l’action

« Pour mieux vivre ensemble, promouvoir le travail social et le développement communautaire »

Appel à réflexion pour l’action

Les émeutes urbaines survenues en France à l’automne 2005, du fait de leur durée, du nombre de quartiers concernés, et de l’ampleur des dégâts causés ont constitué, pour notre pays, un événement social et politique d’une portée considérable.

Sur le moment elles ont provoqué des prises de position multiples de la part de nombreux acteurs mais le secteur du travail social, bien qu’étant à l’évidence concerné, s’est peu exprimé à leur sujet.

Depuis, de nombreux articles, ouvrages et colloques se sont efforcés d’analyser ces nuits de violence mais sans toutefois, dans la plupart des cas, aller au-delà d’explications liées à la situation sociale difficile des quartiers et aux événements survenus à Clichy s/bois.

Cependant, en ce qui nous concerne, et sans naturellement nier la valeur de ces analyses, il ne nous apparaît plus possible d’appréhender ces évènements sans procéder à la « révolution réaliste » souhaité par Antoine Garapon (1), sur les questions d’immigration et d’intégration (« Esprit » décembre 2005) qui invite à dire « toutes les choses », sans excès ni faux-semblants. Comme Sebastian Roché nous y invite également dans son dernier ouvrage, « Le frisson de l’émeute (2), nous considérons donc que la « question ethnique » ne doit plus être escamotée si nous voulons vraiment connaître et comprendre la société dans laquelle nous vivons et agissons.

Il y a aujourd’hui, dans notre pays, une fracture urbaine qui n’est plus seulement une fracture sociale mais aussi, de plus en plus, une fracture ethnique, culturelle et religieuse qui témoigne, à l’évidence, d’une crise profonde de ce que l’on continue d’appeler communément notre « modèle républicain d’intégration ». La montée continue des violences à l’égard des personnes et certains événements de l’actualité récente nous conduiraient même à penser que, dans certains cas, nous sommes, peut être, devant les prémisses d’une forme de régression civilisationnelle vers la barbarie.

Le défi sans précédent auquel nous sommes confrontés, et qui nous a été révélé au grand jour par ces émeutes, est d’avoir à faire société avec les enfants descendants des anciennes colonies et à poursuivre, avec ces français issus de l’immigration la plus récente, la construction d’une société démocratique appelée, inexorablement, à devenir de plus en plus diverse et métissée dans un contexte d’évolution des relations nord/sud qui rendra, vraisemblablement, de plus en plus difficile la maîtrise des flux migratoires.

Dans ce contexte la « communauté nationale » et les « communautés de vie », à tous les niveaux, doivent être appréhendées comme des communautés hétérogènes, mixtes et diversifiées. Il faut refuser l’idée d’une société « républicaine » normalisée qui, méconnaissant les différences sous prétexte d’égalité, ne laisserait subsister que des collections d’individus sans appartenance et des groupes ethniques isolés exaltant leurs différences sous prétexte de liberté.

C’est cette problématique communautaire, mettant en avant les communautés de vie et de quartier, qui peut être le lieu privilégié de l’intégration des différences dès lors que les populations concernées sont incitées à s’engager, ensemble, dans la voie d’un développement social commun plutôt que d’avoir à subir les contraintes et les dommages d’une régression communautariste.

C’est pourquoi nous lançons donc cet « appel à réflexion », qui propose au secteur social de revisiter sereinement « la question communautaire » dans le cadre, intimement lié, du développement social et du travail social.

Travail social communautaire : « empowerment », développement social local, communautaire, ingénierie territoriale

Le travail social communautaire, peu développé en France, mais mieux connu dans le monde anglo-saxon, en Amérique du sud et dans des pays émergeants considère que les hommes ne vivent et ne se développent qu’en « communautés ». Il repose sur l’idée que le fait communautaire qui relie, naturellement, un groupe de personnes entre elles, sur un plan territorial (ou [et] même ethnique, culturel ou religieux), peut nourrir une certaine capacité collective d’initiatives qui seront bénéfiques à chacune d’entre elle. Il vise à renforcer le capital social du groupe et, par cela même, celui de chacun de ses membres qui seront alors moins isolés et plus solidaires entre eux, notamment pour accéder au logement, à l’emploi et, globalement, à une qualité de vie plus enrichissante.

Dans les quartiers en difficulté, le travail social communautaire, nous semblerait donc pouvoir venir utilement compléter le travail social individuel classique qui peut présenter le risque d’enfermer les individus les plus faibles dans des logiques d’assistanat et de les laisser démunis face aux multiples difficultés qui les submergent. Elus locaux, décideurs de terrain et nombre d’acteurs sociaux, souvent découragés, pourraient ainsi reprendre confiance dans les politiques publiques et mieux résister à certaines dérives de repli dans lesquelles tendent à sombrer les individus et les groupes les plus en difficulté.

Le concept d’ « empowerment », employé depuis des décennies aux Etats-Unis et émergeant récemment en France, qui sous-tend un rôle actif des populations dans les processus d’action collective au niveau local, peut être rapproché de celui de « développement social local », notamment dans les quartiers en difficulté.

Toute l’approche territoriale du développement social gagnerait à mieux intégrer le concept de développement communautaire afin de sortir du mariage entre un individualisme destructeur du lien social et des substituts abstraits d’ordre juridique, administratifs et techniques accompagnées de procédures qui ignorent les réalités humaines du développement. Par exemple, l’injonction participative, mise en œuvre sans un accompagnement suffisant des populations concernées, conduit trop souvent, sur le terrain, à des désillusions démobilisatrices.

En ce qui concerne les groupes ethniques et culturels issues de l’immigration la plus récente il nous paraît urgent de voir, concrètement, quel travail, social et éducatif, plus collectif et plus spécifique, pourrait être utilement engagé avec eux dans le cadre des valeurs républicaines qui fondent notre pacte social. Citoyenneté et appartenances communautaires ne sont pas contradictoires et doivent cesser de s’ignorer. Dans les zones de relégation, le communautarisme se construit contre la République quand celle-ci méconnaît la singularité des réalités ethniques et culturelles.

Cependant, nous n’avons pas pour autant une vision naïve de la problématique communautaire qui doit être abordée avec prudence et compétence. Il y a diverses formes de communautés, des plus archaïques aux plus modernes. On sait qu’il y a des « progressions communautaires » (la réussite économique des communautés asiatiques ou celle, plus discrète, des portugais) mais qu’il peut y avoir aussi des « régressions communautaires » (le développement de la polygamie chez les communautés africaines sahéliennes, mais aussi les situations de déshérence de certaines populations d’origine bien française tant en milieu urbain que rural).

Nous invitons le secteur social à construire une ingénierie spécifique visant à restaurer de la confiance au sein des communautés en difficulté à travers une utilisation intelligente du lien communautaire. L’amélioration du vivre ensemble passe par le renforcement du capital social des habitants ce qui implique, au niveau des territoires, un travail social, respectueux des identités, prenant en compte la problématique communautaire.

Les perspectives ouvertes par la décentralisation et les compétences transférées aux Conseils généraux et aux Conseils régionaux

Aujourd’hui, les travailleurs sociaux sont assez largement absents des actions développées au sein des programmes de développement social territorial relevant de la politique de la ville et de l’aménagement du territoire. En effet, les structures qui réalisent ces programmes font peu appel à leurs compétences cependant que les services et les établissements qui les emploient demeurent le plus souvent à l’écart de ces programmes. Une explication à cette situation est certainement liée au premier volet de la décentralisation qui a conduit à la reprise, par les Conseils généraux, de l’essentiel du travail social classique dont les aspects les plus administratifs, pour des raisons de maîtrise budgétaire, se sont trouvés renforcés.

Toutefois, aujourd’hui, le deuxième volet de la décentralisation, qui a renforcé les prérogatives sociales des Collectivités territoriales, pourrait contribuer à réconcilier le travail social classique avec les actions relevant de la politique de la ville, du développement local en permettant, à un nombre plus important de professionnels, issus de ce secteur, de réelles possibilités d’intervention en matière de travail social communautaire dans le cadre du développement social territorial.

La question est notamment posée de voir comment réinscrire, et développer, dans les formations initiales en travail social et dans celles « tout au long de la vie » des approches plus collectives et plus communautaires, de développement social, dont les quartiers en difficulté et leurs habitants ont besoin. Des pratiques innovantes se sont développées sur les territoires qu’il faudrait maintenant rassembler et capitaliser.

Ces derniers mois plusieurs colloques, ou journées d’étude, ont été organisés préconisant des approches plus collectives du travail social. Ce fut notamment le cas lors de la journée organisée par l’IGAS (Inspection générale des affaires sociales), en mars 2006, au Ministère des affaires sociales, sur le thème « l’intervention sociale, un travail de proximité » au cours de laquelle il a été souhaité que le travail social individuel puisse s’articuler avec un travail collectif prenant appui sur les solidarités de proximité. Le président du Conseil Général de Meurthe-et-Moselle, Michel Dinet, aujourd’hui président de l’ODAS (Observatoire de l’action sociale décentralisée), a soutenu cette démarche lorsqu’il est intervenu pour ouvrir l’une des table ronde de ce colloque. D’autres manifestations organisées dans le cadre de l’ARF (Association des Régions de France), ou à l’initiative des réseaux du développement social territorial, se sont également inscrites dans cette perspective.

Les perspectives qui ont été ainsi tracées devraient maintenant inciter les institutions, réseaux et acteurs sociaux, concernés par la formation des travailleurs sociaux, à se saisir de la problématique du travail social communautaire et du développement social local telle que nous l’avons esquissé.

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Propositions pour donner une suite concrète à cet appel

Pour examiner rapidement les suites concrètes à donner à cet appel nous proposons qu’une rencontre entre les réseaux les plus directement intéressés par notre démarche puisse se tenir dans les prochaines semaines.

Cette rencontre pourrait avoir pour objectif principal la création d’un groupe de recherche action, inter- réseaux, visant à constituer un corpus de connaissances sur le travail social et le développement communautaire et à proposer des modalités de développement de cette approche.

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4 Messages de forum

  • J’ai lu l’appel à réflexion pour l’action de l’IRDSU, mais n’ayant pas lu les deux ouvrages auxquels ils se réfèrent mon point de vue risque d’être un peu faussé...

    Je pense que la notion de "développement communautaire" n’est pas clair, s’il s’agit de faire de l’action sociale une action portée collectivement par les habitants pour ma part cela me paraît intéressant et interpelle bien sûr les habitudes et cultures professionnelles des travailleurs sociaux mais bien évidemment aussi les finalités des politiques publiques. Le collectif d’un quartier, d’un village n’est pas nécessairement communautaire au sens de l’ethnicité, et s’il l’est du fait de la ségrégation spatiale le collectif peut se créer sur des bases autres.

    Par ailleurs je ne partage pas cette vision dramatique de l’individualisme destructeur du lien social, par contre je conçois que les acteurs des politiques publiques s’interrogent de cette manière sur le sens de leur travail. Pauvreté et précarité produisent à la fois du repli sur soi et des réseaux de solidarité souvent ignorés du champ institutionnel et des politiques sociales. Il faudrait aussi se mettre d’accord sur le sens de la citoyenneté, ce n’est pas un état en soi, et l’on sait que les publics cibles du travail social sont loin de pouvoir exercer leurs droits, à commencer par le droit de vote, droit politique qui fonde la citoyenneté de mon point de vue...

    Bref, passionnant et utile débats à avoir, mais je n’ai vraiment pas le temps d’y réfléchir plus avant.

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  • ...Il est assez incroyable de constater que les travailleurs sociaux, dont la spécificité première était de travailler sur l’individu, là où tous les autres pro des quartiers travaillaient sur le collectif, et bien ceux là défendent dans ce texte la nécessité urgente de reconsidérer l’espace collectif au moment où toutes les autres composantes ont devoir de penser de plus en plus individuel !

    Mais que se passe-t-il dans notre société pour en arriver à de telles contradictions ?

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    • > 02.03.07 - L’Appel « Pour mieux vivre ensemble » de l’IR-DSU 5 mars 2007 19:35, par José Dhers, l’un des co-rédacteur de l’APPEL, administrateur de l’IR DSU

      Bonjour,
      Pouvant prendre seulement connaissance de votre contribution ce jour, Je pense que votre point de vue est effectivement à éclairer : But de la rencontre du 7 mars ou l’OZP devrait-être représenté par Marie-Gabrielle Philipp - rapidement cependant la spécificité du travail social s’il est bien de travailler avec les individus ( et non "sur") est d’aider chacun de ceux qui nécessitent leur intervention par l’aide professionnelle individuelle à les accompagner à l’entr’aide par le groupe ( famille, classe, Travail, association...) et à vivre la solidarité dans la communauté prise au sens opératoire : Quartier, Village, Communauté culturelle, ethnique...
      C’est justement une pratique trop "étriquée" du TS en France qui amène les signataires de l’APPEL à repositionner le travail social dans ses diverses dimensions et en lien avec le Développement Social Local dans des Projets de Développement Solidaire de Territoire..
      L’ANAS Association nationale des Assistants Sociaux à bien compris le sens de l’APPEL et y répond de la manière suivante sur le site :http://www.irdsu.net/Travail-Social-Communautaire-une:
      L’Association Nationale des Assistants de Service Social (ANAS) se félicite de cette initiative et partage le souhait de voir se développer les conditions d’un travail d’intérêt collectif de qualité avec les usagers. Ceci d’autant plus que les assistants de service social sont souvent en première ligne des projets et initiatives de l’intervention sociale d’intérêt collectif (ISIC).
      Un appel « pour mieux vivre ensemble, promouvoir le travail social et le développement communautaire »(1) est lancé par un groupe de responsables et militants engagés dans le développement social.

      Les auteurs se proposent d’organiser une journée nationale le 7 mars 2007 et se donnent comme objectifs de :

       Développer les valeurs républicaines et la notion de communauté dans l’intervention sociale,

       Définir les concepts de développement social et de travail social communautaire

       Favoriser la prise en compte de ces dimensions dans la formation initiale et tout au long de la vie des travailleurs sociaux. (2)

      L’Association Nationale des Assistants de Service Social (ANAS) se félicite de cette initiative et partage le souhait de voir se développer les conditions d’un travail d’intérêt collectif de qualité avec les usagers. Ceci d’autant plus que les assistants de service social sont souvent en première ligne des projets et initiatives de l’intervention sociale d’intérêt collectif (ISIC).

      L’Intervention Sociale d’Intéret Collectif en France

      En effet le travail social communautaire, le travail social avec des groupes et le développement social local ne sont pas des méthodologies récentes. Elles sont nées avec la professionnalisation des assistants sociaux lors du mouvement des « résidences sociales », ancêtres des actuels centres sociaux, au tout début du XXème siècle. Elles se sont développées comme réponse à l’exode rural et à la croissance urbaine dans les années 1960 - 1970.

      C’est ainsi que l’enseignement des méthodes de travail social communautaire et du service social de groupe ont été inscrits dans le programme d’études des assistants sociaux français depuis 1962.

      Le Conseil Supérieur du Travail Social a publié en 1987 un rapport et des recommandations sur ces méthodes qu’il a renommé « Intervention Sociale d’Intérêt Collectif ». Ce document fait une analyse historique et sémantique du travail social communautaire, action sociale collective et développement social local, suivi d’une étude du dispositif législatif et réglementaire de l’époque. Un rapport complémentaire, publié dans la Revue FORUM (3), a produit des propositions spécifiques pour la formation des travailleurs sociaux.

      L’intervention sociale d’intérêt collectif se définit comme l’action des travailleurs sociaux auprès de personnes constituées en groupe, sur un territoire ou dans une institution, ayant pour objectif de :

       Créer des réponses collectives à des problèmes collectifs

       Faciliter l’accès aux ressources existantes et/ou créer des nouvelles

       Développer l’autonomie personnelle et sociale par la participation citoyenne à la vie sociale locale

      L’ISIC comprend les différents niveaux d’intervention en travail social : du travail auprès de petits groupes jusqu’au développement social local. Regrouper ces différentes dimensions dans une même définition a comme avantages de mettre l’accent sur le processus (passage d’un niveau vers les autres), sur la participation indispensable des personnes et la centration sur leurs propres capacités et dynamismes.

      Les contradictions actuelles

      Or, aujourd’hui par rapport à la mise en œuvre des interventions sociales d’intérêt collectif, nous pouvons relever plusieurs éléments contradictoires :

      Il existe un discours politique qui donne injonction aux travailleurs sociaux de développer des approches collectives de travail avec la population, les préconisations du rapport de l’IGAS en sont un exemple récent (4). En même temps, la priorité donné aux dispositifs qui parcellisent l’action sociale, l’intervention individuelle conçue comme une prestation de service et non comme une aide à la personne, l’accroissement des tâches administratives et bureaucratiques de gestion des prestations, fait que les conditions de travail des assistants sociaux se dégradent. L’élaboration et le pilotage de projets d’intervention collective deviennent alors de plus en plus difficile.

      Aujourd’hui, de très nombreuses interventions d’intérêt collectif sont mises en place par des travailleurs sociaux convaincus de leur intérêt et du fait qu’elles constituent une réponse adaptée et efficace aux problèmes sociaux des usagers. L’effort et la détermination des professionnels restent très peu soutenus par les orientations, les missions et les moyens institutionnels des employeurs.

      Les développements des différentes politiques urbaines depuis une vingtaine d’années, ont mis l’accent sur des procédures organisationnelles globales, les injonctions descendantes et sur la répartition entre les associations de la manne des subventions de l’Etat. Dans ce contexte, la place des personnes et des groupes est inexistante, leur parole est peu sollicitée, cela ne favorise pas la prise de responsabilités et d’initiatives sur le plan local.

      La formation des professionnels

      Alors que le travail social de groupe et communautaire étaient enseignés depuis 1962, le nouveau référentiel professionnel et de formation de 2004 (5) a notablement renforcé l’enseignement et la pratique de l’ISIC. En effet, la formation à chaque méthode principale (ISAP et ISIC) occupe un nombre d’heures d’enseignement équivalent. De plus, l’ISIC fait l’objet d’une obligation de stage et de la présentation écrite d’une pratique de travail collectif dans le Dossier des Pratiques Professionnelles à fournir pour le Diplôme d’Etat. De ce fait, l’intervention sociale d’intérêt collectif a acquis une place à part entière dans la reconnaissance officielle de cette forme d’intervention constitutive de la profession. Il est à noter que le Ministère a ainsi suivi à la lettre les préconisations du rapport du CSTS de 1988 (6).

      Ce nouveau référentiel représente une évolution réelle de la formation, car il obligera aussi les sites qualifiants offrant des stages à favoriser cette méthode de travail et à former les professionnels chargés de l’encadrement des stagiaires.

      En attendant le développement de l’ISIC facilité par cette réforme, les professionnels en exercice ont besoin de formation continue dans ce domaine et de soutien à la mise en place de projets d’intervention sous forme de consultations ou de supervisions.

      Les enjeux

      Dans une société où le modèle dominant tend à favoriser l’individualisme et la compétition, l’intervention sociale d’intérêt collectif avance à contre-courant. En effet, elle se fonde sur des valeurs de solidarité, de coopération et de collaboration entre les personnes, elle croit en leurs capacités, leurs potentialités et leurs forces individuelles et collectives.

      Les problèmes sociaux liés à l’exclusion et la précarité sont principalement dus à des situations contextuelles et sociétales (chômage, emploi précaire, relégation culturelle et sociale, discriminations), ils frappent plus durement les personnes les plus vulnérables. Ils les enferment souvent dans une responsabilisation de leur sort et une culpabilisation individuelle.

      L’intervention sociale d’aide à la personne, indispensable bien souvent pour accéder aux droits, serait efficacement complétée par l’intervention sociale d’intérêt collectif permettant aux personnes de retrouver confiance en soi, reconnaissance, utilité sociale et de développer leur pouvoir d’agir sur leur vie.

      Pour cela il est nécessaire de développer l’ISIC dans tous les espaces territoriaux et institutionnels. Par conséquent, il est indispensable pour les travailleurs sociaux d’avoir des conditions de travail stimulant et soutenant la créativité, l’innovation et l’investissement des professionnels.

      Cela représenterait un véritable retour aux sources pour la profession des assistants de service social.

      Janvier 2007

      Pour le bureau de l’ANAS Laurent Puech et Cristina de Robertis

      (1) appel à télécharger en bas de cette page et sur le site internet Inter Réseau DSU dn cliquant sur ce lien

      (2) Des extraits de ce texte ont été publiés dans les ASH du 29.12.06

      (3) Comité de Liaison des Centres de Formation Permanente et Supérieure en Travail social, FORUM N° 43 , Mars 1988, Paris

      (4) IGAS - Intervention sociale, un travail de proximité - La documentation française, Paris, 2006 « Faire du développement des modes d’intervention collective une priorité, que ce soit le travail communautaire comme le travail en groupe ». S’appuyant sur des exemples choisis, le rapport préconise de dépasser le tête-à-tête travailleur - usager et diversifier les formes de prise en charge en favorisant la complémentarité entre travail individuel et travail de groupe. Il faut développer le travail de groupe y compris avec les usagers les plus en difficultés. Regrettant l’écart qui existe entre les décideurs qui prônent le travail collectif et la rareté de la pratique notamment dans le service social départemental, le rapport propose de « faire du développement des capacités collectives un enjeu fort du travail social ».

      (5) Décret n° 2004 - 533 du 11 juin 2004 et Arrêté du 29 juin 2004

      (6) A savoir : - Les formations initiales forment « à deux grandes logiques d’intervention auprès des citoyens : l’intervention sociale individualisée et l’intervention sociale d’intérêt collectif, - La formation à l’ISIC ne relève pas d’une option proposée aux étudiants, elle fait partie intégrante du programme... - Obligation d’effectuer des stages pratiques avec un objectif d’apprentissage des méthodes et actions requises par l’ISIC. - Exiger un rapport permettant de vérifier la capacité de l’étudiant à maîtriser les divers niveaux d’observation, de réflexion et d’action propres à une intervention sociale d’intérêt collectif. »

      Introduit par José Dhers

      Voir en ligne : Les diverses dimension du Travail Social

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  • Quelques réflexions sur l’appel de l’IRDU :

    Le diagnostic, de connaître l’existence d’une « question ethnique pour « comprendre notre société »
    On peut s’étonner que pour des « travailleurs sociaux « donc une catégorie de personnes et un ensemble d’institutions ( ?) bien au fait des réalités locaces, sociétales il ait fallu l’explosion des exclus de la reconnaissance (« jeunes des banlieues » en majorité fils de familles maghrébines et noires et aussi héritiers des stigmates de la colonie » ), jeunes désespérés qui protestent contre la place qui leur a été assignée à eux et à leurs parents, le déni d’existence qui leur est fait quotidiennement en dépit des droits de citoyenneté qui sont les leurs en tant que Français, des laissés pour compte du principe de l’égalité des chances- et ce depusi 1960 début des « émeutes urbaines »), donc en cette année 2005 des faits et des événements violents alors que nombre de travaux ont analysé et montré les processus et les mécanismes d’ethinicisation à l’œuvre dans notre société et notamment aussi à l’Ecole, que des voix se sont levées pour les dénoncer, pour qu’enfin soit réaffirmée dans ce texte l’existence d’une « fracture urbaine, sociale et ethnique, culturelle religieuse » qui justifie un « changement de cap ».

    L’émeute aura au moins provoqué un retour sur soi salutaire ! Non plus « eux « et « nous » mais un « Nous » à construire !

    Donc saluons d’abord cet appel à un changement de société, à des changements concrets et réels qui se défient des incantations aux principes républicains, qui posent de véritables pierres à la construction d’une société plus démocratique ; une société de libertés qui tend vers l’égalité des chances et ne laisse pas sur le bord du chemin les plus démunis...

    Le texte s’en prend à une critique à présent obligée et bien établie du modèle républicain et oppose (rappelle), là encore opposition attendue, l’existence de corps intemédiaires entre l’individu et l’Etat, le citoyen et l’ Etat, les citoyens qui forment la communauté nationale et l’Etat - la communauté nationale étant, la seule comunauté acceptable (car abstraite) et que reconnaisse la République . Le « modèle » , le soi- disant modèle républicain intangible rejette « les communautés » ou associations fondées sur des affinités, des appartenances ethniques,culturelles et religieuse. Le texte sous-entend et pose comme acquis que les valeurs républicaines (liberté, égalité, fraternité laïcité, universalité) ne contribuent plus à modifier les pratiques ségrégatives, stigmatisantes que les dominants ou « plus favorisés » (y compris les institutions) développent à l’égard des dominés.

    Il s’agirait en fait d’élaborer un modèle mixte tout à la fois communautaire et individualiste si l’on se réfère aux objectifs déclarés : « développer les valeurs républicaines, la notion de communauté dans l’intervention sociale »
    Néanmoins il n’est pas sûr qu’il ne faille point rester vigilants sur le rôle et le poids décisif que joueront les appartenances ( alors acceptons provisoirement le terme « appartenances communautaires ») s’il désigne là le résultat d’une configuration d’ « appartenances » - ce ne sont pas toujours souvent les m^mes qui sont mobilisées par les individus pour agir) par rapport à tel ou tel projet porté collectivement, et ce à défaut de l’avoir expérimenté. Sans doute se sentira t-on davantage citoyen et impliqué dans la vie et la transformation des situations ; « le lien social » ne sera plus de l’ordre de l’abstraction mais du « vécu » dans une telle perspective.

    Certes « citoyenneté et appartenances ne sont pas contradictoires », encore faudrait-il que les droits politiques qui sont aussi sous tendus par la notion de citoyenneté soient reconnus à ceux qui ne sont pas des nationaux et qui vivent et travaillent parfois depuis de nombreuses a nnées dans la société française. Le texte nous paraît flou sur ce point Comment accrître la capacité d’intervention si elle n’est pas non plus aussi politique dans une démocratie ?.
    Il semble que dans cet appel soit privilégiées « les communautés de vie » donc différents types d’associations, fondées sur des liens qui se forment au niveau du local, sur un (des) même territoire(s) où auraient à voir et à agir ensemble des individus, parce qu’ils y vivent et y mettent en commun leurs ressources (intellectuelles affectives...) pour prendre en charge démocratiquement c-’à -d par le dialogue et le débat leur avenir commun.

    Ce appel prône comme solution le « dévelopement communautaire », plus qu’un concept ou une notion, qu’une politique avec des dispositifs originaux tels ceux développés et mis en oeuvre au Canada, aux Etats -Unis (CDC depuis 1967 aux USA) , de façon pragmatique mais toujours évalués.

    Là, le texte laisse entendre qu’il est peut-être inutile de réinventer la roue mais de transposer en l’expérimentant dans nos contextes territoriaux en France (ZUP, ZUS, banlieues etc ), tous très divers et ayant leurs spécificités propres en dépit des nombreuses similarités qu’ils partagent, ajoutons à condition néanmoins de tenir compte des différences de culture, d’histoire entre les pays anglo-saxons et au sens large européens.

    On sait par ailleurs alors qu’en France les réponses aux questions d’exclusion et de « diversité » ou de « minorités ethniques » ou « minorités visibles « (terme canadien) sont centralisées et fondées sur l’intervention de l’Etat, elles s’enracinent aux USA dans les initiatives des habitants et les dynamiques locales (sauf pour la question ethnique où l’Etat joue le rôle principal d’impulsion d’affirmativ action ). Y devient le principal moteur de l’action le sentiment de solidarité communautaire. Ainsi on peut se demander si porté à son terme le principe de communauté affinitaire quelconque même s’il est « fondé « sur le partage d’un territoire ne risque pas de constituer un danger celui de mener à un enfermement relationnel ? ou un séparatisme social ? Toutefois l’IRDU semble avoir perçu ces risques puisque dans ses objectifs, elle évoque de « définir les concepts de développement social local et de travail social communautaire ». Alors vient une autre question. Comment ? par l’expérimentation et l’évaluation ? par des discours théoriques, par la contruction d’une théorie fondée sur les résultats de l’expérimentation ? et pour cela en s’inspirant des expériences étrangères et françaises méconnues parce que mal diffusées et en France encore trop peu analysées et disponibles

    Il parle aussi d’"ingénierie » ? qu’est-ce à dire ? un emboitement de dispositifs articulés et coordonnés : les uns mis en place et expérimentés par les acteurs locaux, les autres promus par les différentes collectivités (niveau commune, région Etat). Là aussi ne faut-il pas repartir et réfléchir en termes d’interactions, d’interconnections que certaines conditions et un ensemble de conditions, certains « liens » à différents niveaux (personne interpersonnel ?? institutionnel) contribuent à créer età maintenir ouverts ? Dans ce type de configuration, quel sens prend la notion de pilotage ? et celle d’ évaluation ? qui se concerte avec qui ? quel partage du pouvoir dans la décision et l’action ?

    Un peu bureaucratique et opaque cette notion d’ « ingénirie » !

    L’expression « utilisation intelligente du lien communautaire » nous inquiète.Quel est tout à coup ce surplomb non indentifié et identifiaible ainsi désigné ? L’Etat ? les différentes collectivités territoriales ? les seuls travailleurs sociaux ?? A eux la charge ou la mission de « renforcer le capital socialdes habitants » ? N’y faut-il pas des actions croisées et la parole, enfin entendue qu’expriment au départ des habitants eux-m^me ?

    Comment accroître la capacité de pouvoir des gens dans leur vie (empowerment) et quelles en sont les conditions, voilà la seule et vraie question ! Comment rendre capable sans immédiatement assujetir à sa vision (la première phase de la Politique de la Ville a montré le slimites de ce que l’on désiagnait par la participation et l’initiative des habitants) ? comment construire un compromis autour du quartier ? comment faire vivre la démocartie , la délibération, l’intérêt général à l’heure de la mondialisation, d’un sentiment général de précarité et d’incertitude partagées, de défiance vis à vis des politiques.

    Il reste donc beaucoup d’éléments à préciser et à débattre au cours des rencontres à venir que nous espérons fructueuses et éclairantes pour tous.

    Enfin, la partie « perspectives » de l’appel veut « réconcilier travail social classique avec actions relevant de la politique de la ville... » et appelle à « la création d’un groupe de recherche action inter-réseaux . »
    Nous n’y pouvons qu’y souscrire et l’encourager.

    MG. Philipp le 1/2/07

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