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Pour la création de « bourses sociales d’excellence »

27 février 2007

Extraits de « Libération », le 26.02.07 : Les grandes écoles sont des lieux privilégiés de la démocratisation

Il est indispensable d’ouvrir les voies de l’excellence à ceux qui n’ont pas la chance d’évoluer dans un environnement favorable.

La démocratisation de l’enseignement est une exigence d’équité citoyenne. En ce qui concerne le système grandes écoles ¬ classes préparatoires, la réflexion part de l’accusation qu’il est élitiste, ce qui est vrai, et antidémocratique, ce qui est faux. S’il est exact que les enfants de cadres et de parents occupant des professions intellectuelles supérieures représentent un pourcentage important des élèves des grandes écoles, ce phénomène est aussi présent, dans une moindre mesure, dans les troisièmes cycles universitaires.

Par ailleurs, si on considère l’encadrement en général, le niveau de représentation (72 %) est le même dans l’ensemble de l’enseignement supérieur. Des études montrent que près de 80 % des élèves de classes préparatoires aux grandes écoles (CPGE) étaient dans le quartile supérieur à l’évaluation d’entrée en 6e. Cela prouve, d’une part, que la sélection à l’entrée des classes préparatoires est bien fondée sur les capacités intellectuelles et, d’autre part, que les déterminismes socioprofessionnels sont déjà joués à l’entrée au collège.

L’ouverture sociale de l’enseignement supérieur nous impose donc de travailler en amont afin d’éviter toute forme d’autocensure des bacheliers. Etayons ce raisonnement : il y a actuellement 38 % de boursiers en STS et en IUT, 28 % en Deug et 18 % en CPGE. Comme aucun dossier de bachelier n’est éliminé sur le critère boursier / non boursier, on peut conclure que les bacheliers issus de milieux non favorisés choisissent majoritairement les filières courtes professionnalisantes.

Les classes préparatoires aux grandes écoles sont des voies de formation qui ouvrent à ceux qui osent les emprunter des formes plurielles d’excellence. Elles sont aussi des lieux privilégiés de la démocratisation puisque la part du mérite scolaire y est déterminante. Il faut donc y assurer la diversification sociale en accompagnant ceux qui, en raison de leur environnement géographique, social ou culturel, s’autocensurent et n’osent pas entreprendre ces études. L’accompagnement doit être engagé à partir de l’articulation entre la troisième et la seconde, « point névralgique » s’il en est, et doit comporter ¬ pour les élèves dont le mérite scolaire ou le potentiel de réussite est repéré et validé ¬ du tutorat, une incitation à l’inscription en CPGE, des mesures facilitant le logement et les conditions d’études, enfin une bourse au mérite attribuée pour la totalité des études.

Le tutorat individuel ou collectif pourrait être mis en place au travers de l’opération qui mobilise 100 000 étudiants des grandes écoles et des universités de niveau bac + 3 pour parrainer et accompagner 100 000 élèves des quartiers défavorisés. Dans ce modèle, les étudiants assurent simplement la tête de cordée et ancrent la cohésion entre les origines sociales et ethniques. N’oublions pas que ce tutorat peut aussi être assuré par des doctorants, des enseignants-chercheurs, des cadres d’entreprises en activité ou par de jeunes retraités, ce qui démultiplierait la cohésion au-delà des générations.

C’est dans ce sens qu’il faut comprendre les propos du président de la République lors de ses voeux à la presse : « Les classes préparatoires aux grandes écoles devront accueillir un tiers d’élèves boursiers », comme un objectif collectif et un indicateur de réussite et non comme un objectif en soi fondé sur des quotas. Une politique de quotas est souvent une façon de ne pas analyser les causes et de se contenter de traiter les symptômes.

Une réflexion sur les internats et sur le financement des études doit aussi s’engager. Que dire du manque de places dans les internats, du peu de place pour les filles et des internats fermés en fin de semaine et pendant les vacances scolaires ! Cette situation, gérable financièrement par des parents ayant un certain revenu, ne l’est pas pour tous et constitue donc un facteur clair de discrimination... Attirer vers l’enseignement supérieur et y faire réussir des jeunes issus de milieux défavorisés suppose aussi que l’on soit en mesure de les soutenir dans un monde qu’ils connaissent peu et dont ils se persuadent trop vite qu’il n’est pas fait pour eux.

Enfin, pour lutter contre l’image du long tunnel de cinq ans et le fait qu’une interruption des financements casse le parcours brutalement avant que l’élève ait obtenu un diplôme professionnalisant, on pourrait envisager la création de bourses sociales d’excellence. Financées sur des fonds publics ou par un club d’entreprises, ces bourses seraient décidées pendant l’année de première du lycéen.

Il est indispensable d’ouvrir les voies de l’excellence à ceux qui n’ont pas la chance d’évoluer dans un environnement familial économiquement fort ou culturellement porteur ! N’excluons plus les talents qui tardent à s’épanouir en raison de blocages sociaux ! Cessons de priver les élites qui aspirent à exercer des responsabilités de la diversité des origines, garante de richesse intellectuelle !

Christian Margaria

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