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Entretien avec Marie-Lise Peltier-Barbier « En REP, pourquoi en dépit de l’investissement des enseignants et des mesures compensatoires, cela ne va-t-il pas mieux ? (Fenêtres sur cours)

29 novembre 2004

Extrait de « Fenêtres sur cours » 29.11.04 : Marie-Lise Peltier parle des REP.

Entretien avec Marie-Lise Peltier-Barbier
« En REP, pourquoi en dépit de l’investissement des enseignants et des mesures compensatoires, cela ne va-t-il pas mieux ? »
jeudi 18 novembre 2004

Marie-Lise Peltier-Barbier est Maître de Conférences en didactique des mathématiques IUFM de Rouen ; membre de l’équipe de recherche DIDIREM Université Paris 7

En étudiant les pratiques enseignantes vous mettez en évidence le caractère minoré des effets des mesures compensatoires en REP. Quelles causes avez-vous identifiées ?

 Nos études sont centrées sur les pratiques professionnelles d’enseignement et sur les effets potentiels de ces pratiques sur les apprentissages de ces élèves. Pourquoi en dépit de l’investissement des enseignants et des mesures compensatoires, cela ne va-t-il pas mieux ? Nos premiers résultats mettent en évidence des injonctions contradictoires auxquelles les professeurs sont confrontés. Ainsi généralement les pratiques répondent à un difficile équilibre entre les conceptions des enseignants sur leur rôle et sur le public auquel ils s’adressent, d’une part, et d’autre part, les contraintes auxquelles ils sont assujettis. Ces pratiques apparaissent très stables et semblent se diffuser très vite chez les maîtres débutants. Or certaines d’entre elles contribuent d’après nous à construire des malentendus entre les élèves de ces quartiers sensibles et l’école, malentendus qui peuvent hypothéquer les chances d’apprentissage tandis que d’autres semblent permettre de réels apprentissages et la construction d’un rapport idoine à l’école.

 Pouvez-vous donner une illustration des effets négatifs des injonctions auxquelles sont confrontés les enseignants ?

 Le caractère injonctif des prescriptions pousse les maîtres à proposer des solutions qui ont pour but de faire réussir sur des tâches très ponctuelles : cela rassure tout le monde. Mais ce travail ne contient pas en lui-même ce qu’il faut pour construire des apprentissages. En fin de compte c’est du temps perdu. De même l’injonction de différenciation et de personnalisation des parcours aboutit à une baisse importante des exigences des enseignants. Les exercices répétitifs sur des lacunes ponctuelles font que les élèves ne sont jamais confrontés à du nouveau. Cela ne veut pas dire qu’il ne faut pas le faire, mais ne faire que cela a pour résultat que les jeunes ne comprennent pas l’enjeu de l’école et adoptent une attitude passive : c’est un cercle vicieux. Il y a aussi des dérives avec la pédagogie du projet. Les projets ont souvent un aspect inaugural, visible, mais pas forcément centré sur des apprentissages. La dimension de motivation et de socialisation n’est pas négligeable. Mais ce travail, s’il n’est pas converti en apprentissage, introduit de la confusion chez les jeunes face aux attentes de l’école.

 En quoi le choix des mathématiques permet-il de mettre en évidence des pratiques problématiques ?

 D’abord je suis didacticienne en mathématiques, je peux donc mieux observer les situations d’apprentissage des maths. Mais c’est aussi une discipline qui permet aux jeunes d’origine immigrée ou des classes populaires de ne pas sentir handicapés par des questions de langue. A l’école primaire il n’y a pas d’a priori sur cette discipline, les enfants sont plutôt partants. Pourtant, là aussi, pas de progrès, ni de rattrapage du retard. C’est dramatique car souvent ils ne sont pas aidés au bon endroit. Il y a plus d’exercices d’application de règles et moins de résolution de problèmes : on ne développe pas l’initiative, l’autonomie et la réflexion. Les enseignants cherchent à combler plus qu’à développer. Et ce parce qu’ils ont une représentation des enfants des milieux populaires assez déficitaire.

 Quelles sont les pratiques dont on peut dire qu’elles favorisent les apprentissages ?

 On a pu mettre en évidence que la représentation que les enfants se font de l’école a une grande incidence sur leur futur scolaire. En maths, si l’enseignant véhicule une conception utilitaire de cet enseignement, il renforce un rapport à la discipline qui n’est pas souhaitable pour travailler efficacement. En essayant d’accrocher les enfants avec du quotidien, on renforce un rapport identitaire et non distancié. Or, cette distanciation est fondamentale pour la poursuite d’études. Ce faisant, on camoufle la nature même de l’apprentissage scolaire en ne donnant ni le moteur, ni le but. Des enseignants arrivent vraiment à combattre ce rejet de l’école. Quand on donne aux élèves des situations riches, intéressantes, les enfants fonctionnent comme les enfants des autres écoles, ils s’investissent. Cela ne veut pas dire qu’il n’y a pas de difficultés, mais des handicaps, non.

 Comment acquérir cette maîtrise de pratiques professionnelles efficaces ?

 La formation et la construction de ces pratiques nous interrogent. Ainsi la rapidité avec laquelle les professeurs en première année d’exercice mettent en place des pratiques identiques à ceux qui sont déjà là tend à prouver que le compagnonnage n’est pas toujours une bonne chose. Dans nos recherches, nous essayons de déterminer le moment le plus favorable pour aborder ce travail. Pendant la formation, on passe notre temps à répondre à des questions que les stagiaires ne se posent pas. Trop tôt, en PE2, sans un stage de responsabilité en ZEP, ça ne fait guère écho.

L’idéal, c’est en T1 ou T2, quand l’accompagnement est centré plus précisément sur les pratiques : analyse réflexive, information sur les risques de dérive, gestes professionnels efficaces

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