> II- EDUCATION PRIORITAIRE (Politique. d’) : Types de documents et Pilotage > EDUC. PRIOR. TYPES DE DOCUMENTS > Educ. prior. Formation(s) et colloques > Educ. prior. Formations nationales hors Education nationale > Les « Assises de la pédagogie » du CRAP-Cahiers pédagogiques ont (...)

Voir à gauche les mots-clés liés à cet article

Les « Assises de la pédagogie » du CRAP-Cahiers pédagogiques ont questionné l’école et les ZEP

5 février 2007

Extraits de « L’Expresso » du 05.02.07 : De l’égalité des chances au droit à l’éducation pour tous

« L’Égalité des Chances, il y a la Française des Jeux pour ça. Le Droit à l’Education, c’est un des droits de l’Homme fondamentaux que l’Etat doit garantir, et pour lequel nous devons nous battre pour les prochaines échéances électorales, et bien au-delà... » Si l’on doit retenir une phrase du colloque organisé par le Crap le 3 février c’est bien cette formule de Philippe Meirieu.

Le Café rend compte de cet événement où se sont aussi exprimés Françoise Lorcerie, Jean-Yves Rochex et Samuel Joshua.

Mais je voudrais revenir ici sur la contribution de Philippe Meirieu parce qu’elle rejoint des constatations faites ici par L’Expresso.

Pour Philippe Meirieu, " les classes moyennes sont peut-être prêtes à " fermer la porte derrière elle : puisque nos enfants y arrivent, grosso-modo, laissons dehors les 20% qui nous coûtent déjà cher pour la Sécu et le chômage... C’est du droit de ces 20% d’élèves que nous devons parler, convaincre". Il lit les réformes mises en place (apprentissage à 14 ans, remise ne question de la scolarité jusqu’à 16 ans, remise en question de la carte scolaire et orientation selon "le mérite" etc.) comme le renoncement du gouvernement et d’une partie de la population à l’idéal de la scolarisation universelle traduit par exemple par le 80% de bacheliers.

Simple hypothèse ? Malheureusement ce renoncement s’inscrit en noir sur blanc dans les documents gouvernementaux, par exemple les prévisions du Centre d’analyse stratégique, un service du premier ministre, pour l’horizon 2015. Ce document évalue les résultats du système éducatif en 2015.

Or il prévoit en 2015 120 000 sorties sans qualification du système éducatif soit sensiblement le même taux qu’aujourd’hui. Les taux de bacheliers ou de diplômés du supérieur sont eux aussi reproduits à l’identique à l’horizon 2015. Autrement dit, en contradiction avec les discours ronflants qui ont enrobé la loi Fillon, ce que le gouvernement prépare c’est le statu quo éducatif et le maintien de l’échec scolaire. Ce manque d’ambition mérite explication.

C’est que derrière l’abandon de tout progrès éducatif se profile l’image d’une société immobile préservant ses inégalités. Ainsi l’analyse de l’emploi préparée par le même CAS,prévoit davantage de cadres mais surtout davantage d’employés de maison (+27%), d’aides à domicile (+28%) , de manutentionnaires (+22%). Et logiquement cet été le CAS a demandé l’arrêt de l’inflation scolaire : " Miser sur le capital humain ne se réduit évidemment pas à fabriquer des diplômes sans se soucier de leur usage. L’enchaînement vertueux qui fonde la Stratégie de Lisbonne partie de la formation pour aller vers l’innovation et la productivité, ne peut dépendre uniquement d’une politique d’offre de formation. Elle tient plus largement à la capacité à définir une juste adéquation entre les besoins des entreprises et les capacités des salariés présents sur le marché du travail".

Cette société immobile renvoie évidement à des choix économiques. Alors que l’Europe veut construire "l’économie de la connaissance", le gouvernement travaille sur l’hypothèse d’une économie de transformation proche de l’économie actuelle.

C’est cette cohérence entre prévision économique, sociale et choix scolaires qui apparaît clairement maintenant. Et cette analyse éclaire la politique scolaire du gouvernement.

On pourra lui opposer la stratégie américaine de la "Commission sur les compétences de la main d’œuvre américaine" qui est en train de mobiliser l’opinion américaine. La perspective est inversée. Pour rester la première économie mondiale et maintenir l’emploi, il faut développer une économie de l’innovation, nous disent les experts de la commission. Pour cela, il faut élever le nombre de diplômés du supérieur de façon à en avoir le premier stock mondial. Et pour cela il faut aller chercher les jeunes des milieux défavorisés et les pousser jusqu’au supérieur. Pour les experts américains cela passe d’abord par un investissement massif dans le pré-élémentaire (un secteur où la France désinvestit).

Jamais les visions d’avenir n’ont été aussi divergentes entre la France et les autres pays développés. On mesure les conséquences de ces choix. Philippe Meirieu intervenait sur le champ des principes en mettant avant tout le respect du droit à l’éducation. Cet éclairage veut montrer qu’une fois encore, le respect des droits de l’Homme pourrait coïncider avec l’intérêt général. Et s’opposer à une vision plus particulière et passéiste du monde.

Le reportage sur la journée du CRAP

La rapport américain

Le rapport du CAS

----------------

Quelques extraits

Françoise Lorcerie :

Ce qui paraît inadmissible à Françoise Lorcerie, c’est effectivement la manière dont l’action gouvernementale s’égare dans des thèses autoritaristes qui n’ont pas de rapport avec une véritable politique éducative. Elle juge nécessaire de penser les insuffisances notre système éducatif centralisé. Pour elle, le principe de " liberté pédagogique " est un outil utilisé par l’administration pour déléguer au terrain des prises de décision difficile, parfois sans le recul nécessaire, refusant ainsi de prendre en charge sa propre responsabilité. Par exemple, bien que la relance des ZEP ait entraîné une phase de réflexion et de mobilisation des établissements, le manque d’appui institutionnel de l’appareil scolaire laisse les enseignants seuls pour affronter le réel. Elle dresse le même constat pour les projets d’établissement, l’administration jugeant que son rôle est rempli lorsque les projets sont rédigés...

"Or, les parents, les enseignants ont l’impression que "ça ne va pas". L’administration en a pourtant les preuves par les statistiques, les évaluations, les examens..." On peut donc parler de dysfonctionnement de l’institution scolaire, de mauvaises coordinations de la chaîne hiérarchique, des enseignants entre eux... Le " diagnostic partagé " par l’ensemble des protagonistes, le " pilotage concerté " lui semble largement absent du réel. La " liberté pédagogique " est sans doute à repenser, pour ne pas qu’elle devienne un principe qui sert plus à se protéger qu’à être efficace. " Pas d’intrusion dans le pédagogique " est-il un principe républicain ?

Jean-Yves Rochex :

Clôturant le propos, Jean-Yves Rochex entend ne pas seulement résister à ce qui s’annonce, mais aussi exercer un "droit d’inventaire" sur la manière dont a été gérée la présumée démocratisation dans les dernières décennies : "L’élévation générale du niveau s’est accompagnée d’une augmentation des ségrégations". L’idéologie du local, de l’autonomie des établissements, de l’initiative des acteurs, pensée uniquement bureaucratiquement, a amené au renoncement du politique, à l’obligation pour les établissements de gérer seuls, parfois les uns contre les autres, leurs difficultés. L’accroissement de la ségrégation urbaine couplée à l’exercice grandissant du libre-choix des familles augmente les écarts entre établissements, concentre le élèves en difficultés dans des lieux de plus en plus décrochés de la marche ordinaire du système éducatif. "On passe plus de temps à gérer bureaucratiquement des flux qu’à penser démocratiquement l’apprentissage des élèves..."

Pourtant, les statistiques de la DEP montrent qu’on a remplacé les processus de sélection brutaux (éviction par l’exclusion ou le redoublement) par une progression automatique des élèves vers la classe suivante, produisant un effet de leurre, d’illusion, qui se dévoile au changement de cycle, de plus en plus tardivement : on laisse avancer dans le système des élèves qui n’ont pas toutes les compétences requises pour suivre la scolarité du cycle suivant.

L’appel à l’initiative des acteurs ne doit pas amener à renoncer à l’appel au politique, sauf à faire porter sur les acteurs eux-mêmes la seule responsabilité de l’échec des élèves. Constater la " valeur ajoutée " d’un établissement ne doit pas conduire à penser mécaniquement que c’est l’établissement qui a produit cet effet...

"Ce qui est essentiel, c’est l’accès au savoir, et non l’accès aux cursus. Depuis des décennies, la bureaucratie minore les savoirs pour se centrer sur la socialisation ou la pacification, engendrant en retour des effets de violence contre l’Ecole lorsqu’elle s’avère menteuse sur ses propres normes". Prendre au sérieux le politique, c’est donc, pour lui, interroger les rapports sociaux autour des questions d’école. Comme Philippe Meirieu, il craint que "l’alliance historique entre les classes moyennes et les classes populaires pour l’accès au savoir" ne soit en train de se dissoudre. "Une idéologie de l’individualisation qui ne s’interroge pas politiquement sur la "diversité des talents" le renforce. Le travail éducatif, c’est de respecter les talents, mais surtout d’en faire surgir de nouveaux. Là est la vraie démocratie scolaire, qui respecte pensée politique et respect des sujets."

Le compte rendu sur le site des Cahiers pédagogiques

Répondre à cet article