Azouz Begag et la discrimination positive

18 janvier 2007

Extraits du «  Monde » du 17.01.07 : Azouz Begag : "Les mots "Kärcher" et "racaille" ne sont pas oubliés. Sarkozy aurait dû exprimer des regrets"

Beaucoup des jeunes de banlieue qui s’inscrivent sur les listes électorales affirment le faire pour pouvoir voter contre Nicolas Sarkozy...

Beaucoup de jeunes, dans ces quartiers, sont largués du marché traditionnel du travail et ne trouvent pas de boulot. Depuis dix, quinze ans, ils créent eux-mêmes leur entreprise. Ce sont souvent des filles, des garçons qui sont animés par la volonté de créer. Ces gens-là ne sont pas hostiles au marché, à l’individualité, à l’effort, à toutes les valeurs qui sont en vigueur à l’UMP. (...) Mais il manque aujourd’hui dans l’offre politique nationale des personnes qui ont une fibre, qui ont été proches des gens, qui ont une histoire dans ces cités de pauvreté et qui ont quelque chose à faire, de l’action à mettre en oeuvre, au sein d’un gouvernement, pour que le progrès social avance dans ces cités en particulier.

Nicolas Sarkozy va-t-il payer, dans trois mois et dans cet électorat, l’emploi des mots "racaille", "Kärcher" ?

Je l’avais dit à l’époque et je continue de dire que ces mots étaient inappropriés. Dans les quartiers où les violences se sont produites, ces mots ont eu un impact, un écho. Aujourd’hui encore, ils ne sont pas oubliés. Parce que le ministre de l’intérieur n’a pas regretté ces mots. Il eût fallu, à cette époque, distinguer clairement les groupes de jeunes qui, dans ces quartiers, détériorent l’image de marque du quartier et toute une partie de la population qui est dans le train de la société française. Il fallait faire la différence.

Il devait présenter des excuses ?

Pas des excuses, mais des regrets. Un homme politique doit faire ce genre de démarche s’il veut s’ouvrir, aller vers les autres. Je trouve étonnant qu’il aille chercher Doc Gyneco comme le représentant de cette main qu’il veut tendre aux jeunes des banlieues.

Vous n’avez pas fait le deuil d’une candidature Villepin ?

Avant de lâcher le dernier soupir, on n’est pas mort. Le jeu n’est pas fermé. Je vais attendre, comme le président de la République, vers la fin février, pour pouvoir prendre des décisions personnelles.

En banlieue, il y a parfois une culture de l’échec. Comment lutter contre elle ?

En faisant de nombreuses apparitions dans les médias. Banaliser ma présence dans ce gouvernement, montrer que l’on peut être issu des quartiers les plus pourris de ce pays, être né de parents analphabètes, qui ne parlent pas français, et, grâce aux profs, aux instits, monter dans l’ascenseur social.

Vous étiez pour la discrimination positive, vous êtes contre aujourd’hui. Pourquoi ?

Parce qu’il y avait des Français qui en avaient marre qu’on puisse faire monter l’ascenseur social des Arabes ou des Noirs parce qu’ils étaient arabes ou noirs. Cette discrimination positive n’était pas bonne. Il fallait vite lui substituer l’égalité des chances. Le principe républicain. Il ne faut pas que les gens qui bénéficient de ce système, que les jeunes qui sortent des ZUP, des lycées conventionnés, de Sciences Po, s’entendent dire : toi, tu es là parce que tu es un pauvre, qu’on est allé te chercher. Il faut que tout le monde sache que ce sont les meilleurs élèves de ces établissements.

Propos recueillis par Raphaëlle Bacqué, Thomas Hugues et Stéphane Paoli

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