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Rencontre OZP du 24 sept. 2025. Intervention de Michèle Coulon : le réseau, une utopie dépassée ?

30 septembre

Rencontre OZP du 25 septembre 2025
Intervention de Michèle Coulon

Le réseau, une utopie dépassée ?

Pour donner des éléments de réponse à cette question, on peut commencer par en définir tous les termes pour bien la comprendre !

Le réseau, c’est quoi ?

1. Le réseau est une entité qui effectivement n’existe pas, c’est une construction de liens, de relations entre des structures, établis dans une même perspective, pour atteindre un même objectif par un projet partagé. Au contraire des écoles maternelles, élémentaires, ou des collèges qui existent comme des entités à la fois concrètes et administratives, le réseau reste un mode d’organisation à construire. Dans le cas de la politique d’éducation prioritaire, le réseau est particulièrement incarné par la seule personne pour laquelle le réseau constitue l’objet même du travail, son unique terrain d’action : le coordonnateur. Faire exister le réseau est à la fois l’objectif et le moyen au service d’ une ambition : la réussite scolaire des élèves.

2. Le réseau est un concept à l’origine même de la politique d’éducation prioritaire
On le trouve évoqué dès le numéro spécial du BO janvier 1982 afin que les « projets définis localement qui feront l’objet d’une concertation approfondie avec les partenaires habituels du système éducatif -vous veillerez à ce que votre analyse ne soit pas menée de façon séparée selon les niveaux d’enseignement mais au contraire prenne bien en compte les relations multiples qui unissent entre eux les écoles et les établissements nécessitant une intervention ». Puis dans la circulaire du 1er février 1990 : « la nature des problèmes à affronter et la nécessaire continuité de l’action impliquent que dans chaque zone prioritaire constitue un ensemble cohérent ../..qui pourra aller de la maternelle au lycée " 

D’autres textes postérieurs en rappelleront l’importance (rapports des inspections générales, textes de relance 98, de 2006 (avec la définition des RAR, Réseau Ambition Réussite, et l’apparition des professeurs référents intervenant sur les 2 niveaux), …

Une utopie ?

Le réseau est une entité fragile :
Puisqu’il est davantage l’objet d’une volonté que le fait d’une réalité administrative même si les instances qui doivent l’organiser et le faire vivre sont définies par les circulaires successives (conseil de zone, comité de pilotage du réseau, )…
Puisqu’il installe des relations horizontales dans un système vertical et donc une coexistence parfois complexe de fonctionnements de nature différente.
Puisqu’il est censé unir deux degrés (le primaire et le secondaire) qui ont été historiquement séparés et le restent encore dans une large mesure. L’organisation administrative et pédagogique du système éducatif doit souvent être aménagée, contournée, dépassée, pour qu’un travail en réseau puisse se construire à contre-courant du fonctionnement habituel.… En ce sens il peut apparaît comme une utopie !

La fragilité de ce concept apparaît régulièrement dans l’histoire de la politique d’éducation prioritaire quand les textes eux-mêmes ouvrent régulièrement des brèches :
 Une première brèche est ouverte (JM Blanquer est alors DGESCO) avec l’expérimentation des « CLAIR » ( 2010, Collège Lycée pour l’Ambition l’Intégration et la Réussite) où le premier degré a été oublié et sera ajouté l’année suivante avec l’ajout du E pour Ecole et l’apparition des « ECLAIR ».
Une autre brèche plus récente apparaît avec la création des CLA (contrat locaux d’accompagnement) qui fait entrer en EP des écoles OU des établissements
Evoquons aussi le débat récurrent sur les « écoles orphelines » qu’il faudrait labelliser….

Le réseau, une notion dépassée ?

Si le concept de réseau est régulièrement fragilisé en éducation prioritaire, il a pourtant été généralisé à l’ensemble du système éducatif avec la création du conseil écoles/collège à la rentrée 2014 : « Le conseil école-collège a une mission essentiellement pédagogique : il mène des actions pédagogiques, à tout niveau, sur l’ensemble des cycles, en coopération avec les instances locales. Les projets qu’il élabore concernent les enseignements, les enseignants et les enseignés du premier et du second degré, c’est-à-dire les acteurs tout autant que les contenus du système éducatif. Il ne se limite pas à assurer la liaison entre la classe de CM2 et celle de sixième, associées au sein d’un même cycle 3 (CM1, CM2, 6ème) et il a en charge tous les élèves de l’école et tous les élèves du collège. » ( site Eduscol).
Comme souvent, la généralisation des avancées créées en éducation prioritaire semble entraîner leur affaiblissement dans ces territoires particulièrement complexes où elles sont nées et où pourtant elles apparaissent particulièrement indispensables…

Quelles sont les raisons de penser en réseau ? Ces raisons sont-elles dépassées ?

Pour bien comprendre cette notion de réseau d’éducation prioritaire, il est nécessaire de se rappeler ce qu’est cette politique : une politique nécessaire dans des territoires où la ségrégation sociale est forte, quand l’absence de mixité sociale dans les écoles et les établissements qu’ils fréquentent tout au long de leur scolarité impose aux élèves un entre-soi aux effets délétères. La politique d’éducation prioritaire se donne pour objectif de contrer les effets dévastateurs de la ségrégation sociale quand celle-ci apparaît durable et difficile à enrayer dans un avenir proche.
La politique d’éducation prioritaire ne s’oppose pas à la recherche de la mixité sociale partout où cela est possible, qu’elle encourage au contraire pour pouvoir disparaître ! Tout en sachant que la seule mixité sociale ne saurait suffire à combattre l’inégalité scolaire liée aux origines sociales des élèves.
Il est donc nécessaire de rappeler que la politique d’éducation prioritaire ne doit pas être confondue avec une nécessaire politique d’envergure sur l’ensemble du système éducatif pour une meilleure réussite scolaire des élèves issus des milieux populaires quel que soit leur lieu de scolarisation.

Dans ces lieux où les effets de la ségrégation sociale sur la scolarité sont importants et les problématiques professionnelles complexes, le réseau apparait comme l’entité nécessaire pour :

Construire une nécessaire continuité pédagogique, comprise comme la permanence de points de vigilances pédagogiques essentiels pour permettre aux élèves de comprendre l’école, sa logique et ses attentes, de bénéficier d’un enseignement des compétences nécessaires à l’apprentissage (le plus souvent non enseignées car semblant « aller de soi »), d’un accompagnement renforcé du travail personnel.

Favoriser le travail d’équipe et la formation commune des personnels pour comprendre les obstacles que rencontrent les élèves et partager leurs pratiques,
Atténuer les effets négatifs sur les élèves des ruptures entre les degrés (notamment le passage école/collège)
Construire une continuité essentielle de la relation école/familles, des partenariats utiles avec les structures présentes sur un territoire qui sont bien souvent les mêmes de la maternelle au collège
Enfin, pour construire un réseau de professionnels qui se vit comme une ressource par la multiplicité des regards, des expertises qui le composent.

 

Ce que signifie le renoncement au réseau :

En insistant sur cette notion de réseau, constitué du collège et des écoles qui l’alimentent, la refondation de 2014 a bien signifié :

Que pour des écoles appelées depuis « isolées ou orphelines », c’est à dire accueillant une proposition importante d’élèves issus des milieux les plus défavorisées scolairement mais relevant d’un collège plus mixte socialement, il était préférable de rechercher la mixité sociale visiblement présente à proximité et /ou d’accompagner ces écoles sans avoir besoin de déployer une politique spécifique et d’ « exception ».
Qu’étendre cette politique à toute structure scolaire rencontrant des difficultés était une façon de non seulement renoncer à développer la mixité sociale, mais c’est aussi et surtout courir le risque de signifier qu’enseigner aux enfants de milieux populaires relève, non du droit commun, mais d’une politique spécifique.

Si la politique d’éducation prioritaire est essentielle dans les territoires les plus socialement ségrégués, elle ne peut pas être déraisonnablement étendue. Elle doit au contraire rester circonscrite et inspirer l’ensemble du système éducatif, et participer à son évolution pour une école véritablement pensée pour tous et toutes, partout.

La place du projet, du référentiel dans le collectif professionnel du réseau

Mais le réseau n’existe que s’il est porté par un projet capable de construire une continuité et une cohérence pédagogiques utiles à la réussite des élèves. Sur quoi doit-il expressément porter ? Quels sont les déterminants fondamentaux pour la réussite des enfants de milieu populaire ?
Face à cette redoutable question, plusieurs constats ont abouti à la création du référentiel de l’éducation prioritaire ( janvier 2014) :

Il faut en finir avec l’idée que l’on ne sait rien sur les conditions de la réussite scolaire des enfants de milieux populaires et qu’il revient aux équipes d’inventer, d’innover, d’écrire sur une page blanche …
De nombreux travaux, recherches, pratiques éclairantes existent mais ne sont pas rassemblés. Ces savoirs solides et convergents se trouvent dans les travaux de recherche, les pratiques des personnels, les rapports des inspections générales …

Une approche systémique est absolument nécessaire, toutes les dimensions (pédagogiques, partenariales, de formation, de travail d’équipe, ..) doivent être mobilisées simultanément pour aboutir à des progrès.

Le référentiel a tenté de répondre à ces constats en proposant 6 axes de travail rassemblés dans un document conçu comme un outil au service des équipes, au service du travail en réseau.

Michèle Coulon,
membre du conseil scientifique de l’OZP

 

En ligne demain, l’intervention de Marc Bablet

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