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Rencontre OZP du 24 sept. 2025. Intervention de Marc Douaire : Où va l’éducation prioritaire ?

29 septembre

Rencontre OZP du 25 septembre 2025
Intervention de Marc Douaire

Où va l’éducation prioritaire ?

Après des années de silences ministériels, la question de l’éducation prioritaire revient dans l’actualité. Mais ce retour n’est pas initié par une relance de la politique éducative mais par des discours portant sur le coût des dédoublements de classes dans le contexte de politique gouvernementale d’économies budgétaires.
Dans un rapport publié le 7 mai dernier à la demande de la commission des finances du Sénat, la Cour des comptes estime que la politique d’éducation prioritaire est aujourd’hui « complexe et illisible » et, qu’au vu de l’augmentation des moyens accordés, ses impacts sur la réussite des élèves sont limités. En conséquence, la Cour des comptes appelle à "réformer sans délai" cette politique.
Ce rapport de la Cour des comptes apparaît en rupture avec le précédent concernant la même question. En effet, le rapport publié en octobre 2018 présentait l’éducation prioritaire comme la seule politique publique engagée contre les inégalités scolaires. Comment expliquer ce revirement ?
Tout d’abord par le contexte politique général : en mai dernier, le gouvernement Bayrou s’était engagé dans une campagne publique de rabotage budgétaire afin d’abaisser le montant de la dette, qu’il chiffrait à 40 milliards d’euros. La Cour des comptes, dans son rôle de contrôleur financier, n’hésitait alors pas à cibler l’éducation prioritaire plutôt que d’autres politiques scolaires comme l’enseignement privé sous contrat ou le coût des classes préparatoires aux grandes écoles.
L’injonction proférée par la Cour des comptes, « sans délai », se fonde sur une analyse critique de la politique ministérielle engagée depuis 2017 concernant l’éducation prioritaire. Le rapport cite notamment les déficiences du pilotage national, l’insuffisance de la formation, l’hétérogénéité des réseaux, le retard dans l’actualisation de la carte de l’éducation prioritaire... Le rapport précédent se situait dans un autre contexte de politique éducative et prenait en compte la refondation de l’éducation prioritaire engagée en 2015 : référentiel, projets pour l’ensemble de réseaux, nouvelle carte...
La politique engagée en 2017 par le ministre Blanquer a rompu avec cette refondation : le refus de procéder en 2019, comme il en avait été décidé, aux évaluations des projets de réseaux et de la nouvelle géographie prioritaire, la tentative ministérielle de remplacer l’éducation prioritaire par les contrats locaux d’accompagnement (Nathalie Elimas), le turn-over des titulaires du poste de ministre de l’éducation nationale, tout cela a contribué à déliter le pilotage national de cette politique au point que nous avons pu constater qu’elle ne figurait plus que dans un angle mort de la politique ministérielle.
La commission des finances du Sénat s’est empressée de reprendre à son compte les critiques portées par la Cour des comptes pour avancer ses propres recommandations. Sans surprise lorsqu’on connaît l’hostilité traditionnelle de la majorité sénatoriale envers toute politique éducative publique nationale, la commission propose de refonder l’ensemble des dispositifs (Cités éducatives, Contrats locaux d’accompagnement, Territoires éducatifs ruraux, Rep+ et Rep) dans un seul continuum de moyens alloués par le recteur aux établissements. Cela signifierait clairement l’abandon d’une politique nationale de lutte contre les inégalités scolaires, la confusion de dispositifs de nature et d’objectifs différents, la fin de la politique des réseaux.

En juin 2025, la ministre de l’Education nationale Elisabeth Borne a annoncé avoir demandé un rapport sur l’évaluation de la politique d’éducation prioritaire à l’Inspection générale. L’objectif fixé est « d’évaluer plus finement les résultats des élèves et de regarder s’il y a lieu d’adapter la carte des établissements et la répartition des moyens ». Les premières préconisations de ce rapport devraient être connues courant octobre et le rapport définitif remis en décembre 2025.
L’OZP a été auditionné le 28 août dernier par la mission de l’Inspection générale. Si la mission a souligné la nécessité de porter l’éducation prioritaire dans le cadre d’une politique pilotée au niveau national et de marquer une distinction forte entre cette politique et celle des Cités éducatives, on ne peut que s’interroger sur sa volonté de prendre en compte les acquis de l’éducation prioritaire tout au long de son histoire et de ne pas se cantonner à la période récente depuis 2017. Des questions majeures comme le travail en réseau, le projet pédagogique et les pratiques professionnelles, la consolidation des collectifs professionnels et la reconnaissance institutionnelle du travail engagé semblent rester en suspens.

Dans le même temps et dans le cadre de la préparation du budget 2026, la commission des affaires culturelles et de l’éducation de l’Assemblée nationale a engagé une mission parlementaire pour émettre « Un avis budgétaire- Enseignement scolaire ». L’OZP a été auditionné le 19 septembre dernier par cette mission dont le questionnaire porte quasi exclusivement sur la question des dédoublements : leur coût dans le budget, les freins et difficultés dans la mise en œuvre, les effets sur les acquis des élèves, les effets sur les conditions de travail des enseignants, l l’évolution des pratiques pédagogiques et même une référence au dispositif « Plus de maîtres que de classes », libellé dans le questionnaire « Plus d’élèves que de classes »...

Après des années de silences ministériels, l’éducation prioritaire fait l’objet en cette rentrée d’un tir groupé d’interventions plus ou moins concertées. La Cour des Comptes, le Sénat, l’Assemblée nationale se saisissent de la question essentiellement à travers le seul prisme du dédoublement des classes et cela dans un contexte politique marqué par la priorité gouvernementale de réduire les déficits financiers. Aucune analyse préalable de l’évolution des inégalités dans la société, aucune interrogation sur la fonction de tri social effectuée par le système éducatif français, aucune analyse critique de la politique éducative engagée depuis 2017. On peut avoir le sentiment qu’il s’agit « d’avoir la peau de l’éducation prioritaire », vieux projet depuis plus de 40 ans des forces politiques de droite mais pas que...

Aujourd’hui l’éducation prioritaire concerne 1,7 million d’enfants et de jeunes qui vivent dans des quartiers ou secteurs marqués par une forte ségrégation sociale. Pour ces enfants et ces jeunes l’aspiration légitime au droit à la réussite est barré par un faisceau d’inégalités sociales et scolaires.
Le système éducatif actuel y contribue fortement. Cessons de considérer ’’l’éduc. prio, » comme une question scolaire ou syndicale parmi d’autres. La place centrale donnée ou non à l’éducation prioritaire dans la lutte pour l’égalité des droits contribue grandement à déterminer l’avenir de l’école publique et la possibilité même de faire société en France.

Ce que demande L’OZP

L’éducation prioritaire doit rester une politique nationale, pilotée par le ministère de l’Education nationale.
Pour permettre à cette politique de réussir, il faut lui accorder du temps (celui d’une scolarité obligatoire), de la stabilité et le statut de réelle priorité dans les choix ministériels, académiques et départementaux.
Au cadrage assuré par le pilotage national doit s’articuler une forme d’autonomie du travail pédagogique engagé par les collectifs professionnels dans le cadre de projets de réseaux d’une durée périodique, soutenus et évalués.
Les réseaux d’éducation prioritaire doivent bénéficier de moyens prioritaires et renforcés en ce qui concerne les postes, les remplacements, la formation en service, les crédits, l’accompagnement des personnels et des projets.
Le référentiel de l’éducation prioritaire doit être actualisé pour mieux servir de base aux projets des réseaux.
La politique d’éducation prioritaire et le dispositif des Cités éducatives ne sauraient se confondre. L’Ecole doit assumer ses missions spécifiques dans une perspective de réussite pour tous en étant accompagnée par un partenariat fort.
La tenue d’Assises nationales de l’éducation prioritaire préparées localement constitue une échéance déterminante pour la réussite de cette politique,

Marc Douaire,
président de l’OZP

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