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Le comédien Jamel Debbouze parle de sa ZEP (Sud-Ouest)

23 novembre 2004

Extrait de « Sud-Ouest » du 22.11.04 : le comédien Jamel, ancien élève de ZEP

Jamel, Zidane de l’humour : dans les coulisses de son spectacle, jeudi dernier à Bordeaux. Son DVD sort aujourd’hui.

Michel Drucker est dans les coulisses de la Patinoire de Bordeaux. Il est venu spécialement pour voir Jamel en tournée et préparer avec lui un « Samedi soir avec... » qui sera diffusé dans quelques semaines sur France 2. L’humoriste vient d’arriver dans la loge, accompagné de son frère, Karim. Dans une demi-heure, il va sauter sur la scène sur un rythme à la James Brown. Il vibrionne déjà mais il a les jetons : « Le trac, c’est terrible. J’ai l’air OK mais dès que tu vas quitter la pièce, je vais flipper. Rien que d’en parler, je panique. Avant de monter sur scène, j’ai deux ans d’âge mental... » Des fruits sont disposés sur des assiettes, frais pour l’énergie, secs pour l’endurance, des bonbecs aussi. « Certains, c’est la cocaïne et le LSD. Moi, c’est des amandes et des pruneaux d’Agen. Après le spectacle, ce sera un bon couscous, mais pas de vin parce que je me retrouve vite à poil sur la table... »
Côté santé, l’artiste a un petit souci au genou : « C’est rien, dit-il en haussant les épaules, c’est un geste un peu sec que je renouvelle chaque soir (et qu’il refera ce soir, NDLR). J’en suis à 250 représentations. Je fatigue un peu, mais je vais tenir jusqu’au 31 décembre au Zénith. Personne pourra m’arrêter. »

Sans intermédiaires

Cette fois, Jamel s’est livré tout entier dans ce spectacle, sans auteur comme à la télé, sans metteur en scène comme au cinéma. 100 % Debbouze : « J’ai jamais autant souffert que pour l’écrire [avec Kader Aoun, NDLR], mais j’ai jamais été aussi fier. Pareil pour le DVD. »

Cinq mois de gestation, trois mois d’écriture et quatre mois de mise au point furent nécessaires pour arriver à ce naturel stupéfiant qui donne une totale impression d’improvisation : « Le plus dur, c’est le fond. Je voulais parler de ma famille, de mon enfance, pour la première fois. Après, pour la forme, cela vient tout seul, c’est inné. Mon grand-père était de ces conteurs qui vous font rire et pleurer pendant quatre heures avec des histoires invraisemblables. Mon père aussi. C’est de famille. »

Rire, pleurer, pleurer de rire. Même dans cette patinoire bien trop vaste pour un comique de mimiques et de gestes autant que de paroles, ça marche. Jamel, c’est le Zidane de l’humour, son idole. Même manière de passer outre les défenses les plus hermétiques (« Une dame à Montpellier m’a dit que grâce à moi elle ne votait plus Le Pen »), de changer de cap, de contourner les murs, d’être là où on ne l’attend pas...

Bruiteur, danseur, mime, imitateur, coureur de fond dans un hommage hilarant à Devos, il dévore la vaste scène, sans une seconde de flottement. Sérieux entre deux grimaces, faisant passer des petites choses importantes en douce, pitre imparable de la réalité la plus amère : « Les sœurs dans les cités, le seul moyen de s’en sortir qu’elles ont, c’est de devenir des frères. Avant, il y avait une belle meuf dans mon quartier, maintenant c’est juste un mec bizarre... »

Double sol à 100 %.

Lorsque cet ancien élève de BEP parle des ZEP (zones d’éducation prioritaires), c’est terrible comme du Dickens, touchant comme du Chaplin, drôle comme du Tex Avery. En privé, il remercie les profs qui lui ont donné le goût de la lecture : « Steinbeck, Molière, Shakespeare, "Zembla", "le Club des cinq"...

Je me mets à plat ventre devant les profs qui parviennent à ne pas montrer leur désarroi d’aller enseigner dans des conditions pareilles. Je comprends ceux qui craquent... »

Français ? Marocain ? « Lorsque des imbéciles me demandent à quel pays j’appartiens, c’est comme s’ils me demandaient de choisir entre mon père et ma mère », déclare-t-il sur scène, déclenchant l’approbation d’une grande partie du public... C’est la fin du spectacle, Michel Drucker n’a pas détourné une seconde son attention. Il a particulièrement aimé le sketch sur le quartier Saint-Germain où un Jamel nouveau riche se dit gêné par le trop grand silence. Un autre clin d’œil à Devos : « C’est pas bientôt fini ce silence ? ! » Essoufflé, il tombe dans les bras du présentateur : « Magnifique ! »

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