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« Egalité positive et présomption de mérite » plutôt que « discrimination positive »

27 décembre 2006

Extraits des « Echos », le 27.12.06 : Discrimination positive, discrimination négative : entre pléonasme et oxymore

Dans cette période qui a commencé avec la date anniversaire des émeutes de l’automne 2005 et qui s’achèvera avec les élections législatives de 2007, parions que le débat reviendra souvent sur la notion de discrimination positive. Et qu’à peine prononcée l’expression provoquera un concours de pétitions de principe passionnées, laissant pourtant parfois cette impression étrange que, sous l’écume abondante des arguments polémiques, l’accusation et la défense partagent le même malaise, chacune trouvant son rôle difficile à tenir. Les lignes qui suivent proposent de déplacer ce débat vers un terrain plus constructible.

Pour repérer les contours de ce concept si dérangeant, il est pratique de commencer par la mise en situation proposée par Anne-Marie Le Pourhiet, grande pourfendeuse de discrimination positive : « Si un employeur préfère un candidat français blanc moins diplômé et expérimenté qu’un candidat français noir, il est certainement raciste et commet sans doute une grosse erreur managériale préjudiciable à son entreprise... » Le cas a le mérite d’être clair et net : il s’agit d’une discrimination raciste, condamnable et négative.

Qu’en est-il de la discrimination positive, celle qui, dans les débats, précède ou suit de peu l’apparition du mot « quota » ? Dans sa version pure et dure, elle contraint l’entreprise à recruter un certain nombre de représentants de chaque catégorie ethnique pour aboutir dans toutes les institutions à une représentation miroir de la société. Peu importe alors dans l’exemple précédent que le candidat blanc puisse être plus qualifié : l’entreprise doit recruter le candidat noir si son quota correspondant à la minorité ethnique des Noirs n’est pas atteint.

Pas étonnant donc que, malgré l’adjectif, l’expression « discrimination positive » soit lourde à assumer, beaucoup lui préférant la notion d’« action positive » ou celle d’« égalité positive ». Les nuances avec le modèle des quotas ethniques ne sont pas que sémantiques et les rares champions de la discrimination positive prennent tous leurs distances : Nicolas Sarkozy et Eric Keslassy prennent soin de revendiquer une discrimination positive qui soit socio-économique et non pas ethnique ni religieuse ; Yazid Sabeg lui-même récuse les quotas ethniques.

Certes. Mais s’il faut en passer par des quotas, et même si ces quotas sont socio-économiques et non ethniques, alors la discrimination positive est bel et bien... discriminatoire. C’est-à-dire qu’elle institue une inégalité de droit sous prétexte de rétablir une égalité réelle entre différentes catégories de la population. Il est facile et légal, par exemple, de compter le nombre des salariés d’une entreprise qui résident dans telle ou telle commune défavorisée, ou qui y ont suivi leur scolarité. Mais vouloir les recruter ou les promouvoir de préférence à d’autres candidats pourtant plus compétents est une discrimination, une rupture du principe d’égalité.
Oui, mais, à compétences égales, qu’en est-il ? Voici comment Anne-Marie Le Pourhiet poursuit son exemple déjà cité : « Si un employeur préfère un candidat français blanc moins diplômé et expérimenté qu’un candidat français noir, il est certainement raciste [...], mais à CV équivalent en quoi est-ce « mal » de préférer le Blanc et, au contraire, « bien » de préférer le Noir ? » Ce n’est ni mal ni bien de préférer le candidat noir, ou disons plutôt le candidat présumé défavorisé, mais c’est peut-être efficace et juste.

Juste, parce qu’un candidat issu d’une catégorie défavorisée, s’il offre les mêmes compétences qu’un autre candidat, pourrait bénéficier d’une présomption de mérite supplémentaire. Une personne dont le parcours est passé par un établissement scolaire placé en zone d’éducation prioritaire, ou qui réside dans une zone urbaine sensible, n’a-t-elle pas probablement plus de mérite qu’un autre candidat ? Plus de mérite, c’est-à-dire, selon le Petit Robert, plus de « ce qui rend une personne digne d’estime, de récompense, quand on considère la valeur de sa conduite et les difficultés surmontées ». C’est juste aussi, parce que ce n’est pas injuste : ce n’est pas au profit d’un candidat moins compétent que lui que le candidat malheureux a perdu.

Efficace, parce que cette présomption de mérite supplémentaire à compétences égales, en laissant entrer davantage de représentants des catégories défavorisées, suscite un espoir contagieux sans effet pervers ni stigmatisation. Efficace parce que, en brisant le plafond de verre qui limite la promotion de certains, il confirme cet espoir à tous les étages de l’ambition. Mais efficace seulement, à vrai dire, s’il y a des candidats ! C’est-à-dire bien sûr si toutes les autres mesures sont mises en oeuvre en amont : efforts ciblés pour former et parrainer, pour attirer des candidatures diverses, pour définir des critères de recrutement ou de promotion qui s’appuient exclusivement sur les exigences du poste, en faisant table rase des préjugés et des stéréotypes insidieux, etc.

La présomption de mérite supplémentaire à compétences égales ne relève pas de la discrimination positive. Elle ne peut pas davantage relever d’une loi : c’est une attitude que peuvent adopter tous ceux qui souhaitent lutter contre l’inégalité réelle, urgente et grave qui menace notre pacte social, tout en respectant les grands principes républicains. Le débat ne serait-il pas plus constructif en renonçant clairement, sur le fond, à toute forme de quota et, sur la forme, au mot « discrimination » ? En se positionnant plutôt sur la notion d’égalité positive et sur la présomption de mérite supplémentaire à compétences égales ?

Laurent Tran Van Lieu, administrateur du Club XXIe Siècle.

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