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Les rythmes scolaires : une exception française ?
La question de l’organisation du temps scolaire fait régulièrement débat en France. Depuis 2000, plusieurs réformes ont été mises en œuvre afin de concilier intérêts pédagogiques et enjeux économiques. En juin 2025, une nouvelle réflexion sur les rythmes scolaires doit s’ouvrir avec le lancement d’une convention citoyenne pilotée par le CESE.
Sommaire
Rythmes scolaires : où se situe la France par rapport aux autres pays ?
L’organisation du temps scolaire de 1882 à 2008
Semaine de 4 ou 4,5 jours : les clés du débat
Après les conventions citoyennes sur le climat et la fin de vie, le président Emmanuel Macron a annoncé, en mai 2025, le lancement d’une nouvelle démarche participative. Des citoyens tirés au sort vont se pencher sur la question des "temps de l’enfant", et en particulier sur les horaires scolaires et les temps de vacances. Le Conseil économique, social et environnemental (CESE) sera chargé de l’organisation de cette convention citoyenne dès le mois de juin 2025.
Rythmes scolaires : où se situe la France par rapport aux autres pays ?
La France se distingue par un temps d’enseignement plus concentré que dans la plupart des pays de l’OCDE (Organisation de coopération et de développement économiques). Les élèves français ont moins de semaines de classe (36 semaines par an, contre 38 en moyenne dans l’OCDE), mais des journées plus longues. Leur temps d’instruction obligatoire s’élève à 864 heures de cours par an à l’école primaire, contre 805 heures dans les pays de l’OCDE. Au collège, il s’élève à 968 heures en France, contre 916 heures en moyenne.
[Graphique] Temps d’instruction obligatoire en primaire dans les établissements publics en 2023
Note : Le nombre d’années d’études de l’enseignement primaire varie selon les pays entre 4 et 7 années.
Lecture : En primaire, un élèves français aura 864 heures de classe sur une année, 4 320 sur toute sa scolarité d’élémentaire.
La France fait également partie des pays où les élèves ont le plus de vacances avec 16 semaines par an. Cette durée est supérieure à la moyenne de l’OCDE (14 semaines). Toutefois, les vacances d’été séparant deux années scolaires sont plus courtes en France : 8 semaines, contre 9 en moyenne. La spécificité de la France réside dans ses vacances intermédiaires, plus fréquentes et plus longues que dans la plupart des autres pays : quatre périodes de congés dans l’année de deux semaines chacune (8 semaines).
[Graphique] Congés scolaires en primaire dans les établissements publics en 2023
L’organisation du temps scolaire est souvent pointée du doigt pour expliquer les mauvais résultats de l’école française dans les classements internationaux. Le programme PISA, qui évalue le niveau des élèves de 15 ans, plaçait ainsi la France 26e sur 81 pays en mathématiques, en compréhension à l’écrit et en sciences en 2022. La France figure également parmi les pays où le poids de l’origine sociale des élèves influence le plus fortement leurs résultats scolaires.
D’après une étude du ministère de l’éducation nationale, publiée en avril 2023, les vacances d’été augmenteraient les inégalités scolaires dès les premières années d’apprentissage. Si les écarts de niveau entre élèves en éducation prioritaire (REP) et hors REP tendent à se réduire pendant le CP, ils réapparaissent à la rentrée en CE1. L’absence d’école pendant deux mois de coupure estivale aurait un impact négatif sur les performances des élèves scolarisés en éducation prioritaire.
L’organisation du temps scolaire de 1882 à 2008
Le débat sur les rythmes scolaires existe au moins depuis l’instauration de l’école obligatoire par Jules Ferry en 1882. Il s’agit au départ de concilier temps scolaire, éducation religieuse et participation aux travaux agricoles. Ce n’est que dans la seconde moitié du XXe siècle qu’entrent en jeu des considérations d’ordre économique (années 60) puis pédagogique (années 80). Si les rythmes scolaires ont évolué assez lentement, on note une accélération des réformes ces vingt dernières années.
Les principales réformes
1882 : le temps scolaire est fixé à 30 heures hebdomadaires réparties du lundi au samedi, avec un repos le jeudi. Les vacances d’été durent environ 1 mois.
1922 : les vacances d’été sont allongées de 15 jours.
1939 : les vacances de la Toussaint, de Noël et de Pâques sont instaurées. Les vacances d’été sont allongées de 1 mois, ce qui les porte à 10 semaines. Le calendrier scolaire est arrêté par le ministère de l’éducation nationale, et non plus par les préfets.
1961-1980 : les rythmes scolaires sont aménagés en fonction d’intérêts économiques (allongement de la saison touristique). Cela passe par l’instauration du zonage des vacances d’été (1965, supprimé en 1971), de février (1967-68) et de Pâques (1971-72).
1969 : la durée hebdomadaire passe de 30 à 27 heures et le samedi après-midi est libéré.
1972 : le jour de repos est déplacé au mercredi.
Années 1980 : début des réflexions sur la chronobiologie de l’élève (étude de l’organisation temporelle des enfants en rapport avec l’apprentissage scolaire) et premières expérimentations de la semaine de 4 jours.
1990 : la durée hebdomadaire passe de 27 à 26 heures. La semaine reste organisée sur 4,5 jours, avec des cours le samedi matin dans la plupart des écoles.
1991 : à la suite d’un décret signé par Lionel Jospin, alors ministre de l’éducation nationale, les écoles peuvent choisir d’adopter la semaine de 4 jours après avis de l’inspecteur de l’éducation nationale.
2008 : la semaine de 4 jours est instaurée sous l’égide du ministre Xavier Darcos, baissant la durée hebdomadaire à 24 heures.
Chronologie sur les rythmes scolaires. 25 février 2019
Semaine de 4 ou 4,5 jours : les clés du débat
La France est le seul pays de l’OCDE où les élèves de primaire suivent une semaine de 4 jours (la semaine de 5 jours étant largement répandue dans les autres pays). Pour certains, la semaine de 4 jours serait responsable des mauvais résultats de l’école française en termes de performances des élèves mais aussi de réduction des inégalités sociales. En effet, les enfants apprendraient mieux le matin (comme l’ont montré les travaux de chronobiologistes) et seraient inutilement fatigués par des journées trop longues. De plus, la semaine de 4 jours pénaliserait les élèves issus de milieux défavorisés, qui se retrouveraient souvent désœuvrés le mercredi.
La réforme des rythmes scolaires (2013)
En janvier 2013, le ministre de l’éducation nationale Vincent Peillon publie un décret relatif au temps scolaire dans les écoles maternelles et élémentaires. Cette réforme prévoit notamment le retour à la semaine de 4 jours et demi qui avait été supprimée par Xavier Darcos en 2008. La réforme entre en application à la rentrée 2013, avec la possibilité d’un report à la rentrée 2014 pour certaines communes. L’objectif est d’étaler les apprentissages fondamentaux sur 5 matinées au lieu de 4. La durée de la journée de classe est réduite pour prévenir la fatigue des élèves.
La réforme prévoit la mise en place d’activités périscolaires – sportives, culturelles et artistiques – sur le temps dégagé en fin de journée. Ce temps d’activité périscolaire (TAP) est à la charge des municipalités et il doit contribuer au développement de la curiosité intellectuelle de l’enfant. Il peut être organisé dans le cadre d’un projet éducatif territorial (PEDT) qui associe à la collectivité territoriale l’ensemble des acteurs intervenant dans le domaine de l’éducation (associations, institutions culturelles et sportives, etc.).
Les premières évaluations de la réforme de 2013 (une étude de la direction de l’évaluation et un rapport de l’inspection générale du ministère de l’éducation nationale) ne permettent pas d’établir un impact positif de celle-ci sur les performances des élèves. Pour certains, le débat se cristalliserait inutilement sur les rythmes scolaires, passant à côté de questions plus essentielles comme la qualité de l’enseignement ou le nombre d’élèves par classes.
L’assouplissement de la réforme (2017)
De nombreuses mairies soulignent leurs difficultés à financer la semaine de 4,5 jours, et ce malgré les aides mises à disposition par l’État. Ces difficultés tiennent principalement au coût des activités périscolaires et du transport scolaire dans les communes rurales. Pour aider les communes à développer une offre d’activités périscolaires dans les écoles, un fonds de soutien au développement des activités périscolaires (FSDAP) a été instauré par la loi pour la refondation de l’école de la République. Ce fonds doit être supprimé à compter de la rentrée 2025. Par ailleurs, la semaine de 4,5 jours est particulièrement contraignante pour les enseignants qui voient leur temps de présence réparti sur 5 jours au lieu de 4.
Ces protestations poussent le ministre de l’éducation nationale, Benoît Hamon, à publier dès 2014 un décret assouplissant la réforme. Tout en maintenant les 5 matinées travaillées, le décret ouvre la possibilité de concentrer le TAP sur une seule demi-journée.
En juin 2017, le ministre de l’éducation nationale Jean-Michel Blanquer signe un décret permettant aux communes qui le souhaitent de revenir à la semaine de 4 jours. Promesse du candidat Emmanuel Macron, cette dérogation doit permettre d’adapter les rythmes scolaires aux spécificités locales, conformément à une demande de flexibilité exprimée par de nombreuses communes. Dès la rentrée 2018, une grande majorité des communes choisissent le retour à la semaine de 4 jours. Seules quelques villes à l’image de Paris, Toulouse, Nantes ou Lille conservent un rythme scolaire sur 4,5 jours.
Le décret introduit par Jean-Michel Blanquer s’accompagne d’un “Plan mercredi” qui vise à garantir aux enfants un accueil de loisirs le mercredi, en particulier dans les communes ayant opté pour la semaine de 4 jours. L’objectif est de proposer aux enfants des activités périscolaires de qualité le mercredi afin de favoriser l’accès à la culture et au sport, et de lutter contre les inégalités sociales en évitant que ceux issus de milieux défavorisés ne restent chez eux le mercredi.
La semaine de 4,5 jours est-elle encore appliquée en 2025 ?
Après la publication du décret de 2017, 87% des communes ont fait le choix de revenir à la semaine de 4 jours dès la rentrée 2018. Dans la réponse à une question écrite du député Pascal Lecamp, le ministère de l’éducation nationale précise que 1 200 communes continuent, en 2025, à bénéficier du fonds de soutien au développement des activités périscolaires (FSDAP) pour 600 000 élèves car elles ont conservé la semaine scolaire sur 4,5 jours. La suppression du FSDAP est prévue à la rentrée 2025. Le ministère justifie cette suppression car près de 50% du coût du fonds se concentre sur une quinzaine de communes, dont Paris.