La classe de seconde, une adaptation difficile pour les élèves les plus fragiles : un rapport de l’IGESR (ToutEduc)

11 février

La classe de seconde : étape-clé pour l’élève en termes scolaires, d’orientation et d’engagement, entre un collège qui évolue et des offres nouvelles au lycée
IGESR, Janvier 2025

Cécile BRUYÈRE
Xavier GAUCHARD
David BAUDUIN
Brigitte HAZARD
Mathieu MONTHÉARD
Jean-Michel PAGUET
Michel QUÉRÉ

SYNTHESE

La mission s’est intéressée, pour la première fois, à ce moment charnière que constitue la classe de seconde dans le parcours scolaire des élèves, par laquelle passe 90 % d’une classe d’âge. La mission a entendu de très nombreux acteurs et en tire un portrait inédit autour des dimensions d’apprentissage, d’orientation, et d’engagement citoyen dans un contexte d’évolutions structurelles au collège et au lycée.
La mission souligne la complexité de la transition du collège au lycée. Quoiqu’appréciant ce nouveau cadre de vie, les élèves sont confrontés à un environnement de travail plus autonome et à des attentes accrues, pour lesquelles ils sont souvent mal préparés. La diversité des niveaux et des objectifs des élèves accentue les disparités au sein des classes, tandis que des facteurs comme l’usage excessif des téléphones et les séquelles de la crise sanitaire ont toujours des effets sur leur bien-être et leurs performances scolaires. La mission a également relevé que les élèves sont souvent déstabilisés par le système d’évaluation, perçu comme stressant et parfois inéquitable, ce qui entrave leur confiance et leur motivation. Le rapport souligne enfin la difficulté à identifier et à assurer un suivi des élèves les plus fragiles.

Pour surmonter ces difficultés, le rapport recommande de renforcer la transition entre le collège et le lycée par une collaboration institutionnalisée entre enseignants des deux niveaux, d’utiliser les moyens de l’établissement pour rendre plus progressif le passage du collège au lycée, d’introduire des pédagogies adaptées à l’hétérogénéité des classes et d’harmoniser les pratiques d’évaluation. Ces initiatives visent à assurer une intégration plus sereine des élèves en seconde, en faisant de cette année une base solide pour leur réussite future.
Si la classe de seconde est bien identifiée comme un moment d’adaptation crucial, ses enjeux ne le sont pas par les élèves et les familles. En matière d’orientation, la classe de seconde marque une étape décisive où les élèves doivent envisager leur poursuite d’études et faire le choix d’un métier dans la voie professionnelle, d’une série dans la voie technologique ou de spécialités dans la voie générale. Ce processus est souvent compliqué pour les élèves mais aussi pour les enseignants, du fait d’un manque de connaissance des différents parcours qui peut aboutir à des choix d’orientation subis plus qu’assumés. Le rapport recommande d’intégrer la thématique de l’orientation dans la liaison collège-lycée pour une meilleure connaissance des parcours par les acteurs, de rendre davantage visible la voie technologique par l’augmentation de son enseignement en classe de seconde et de renforcer le dialogue entre enseignants et familles pour que le parcours d’orientation reflète davantage les projets des élèves construits à partir d’informations robustes.

Sur le plan de l’engagement, le rapport souligne l’importance du parcours citoyen qui accompagne les élèves dans la prise de conscience de leur rôle sociétal à travers de fonctions électives ou d’actions dans et hors l’École. Les lycées sont encouragés à proposer des initiatives variées pour favoriser une culture d’implication civique chez tous les élèves. Par ces expériences, ils peuvent expérimenter les conséquences concrètes de leurs actions, renforçant ainsi leur engagement citoyen. La mission recommande de reconnaître cet engagement au travers des compétences, notamment psychosociales, que les élèves construisent.

Extrait de education.gouv.fr de janvier 2025

 

La classe de seconde trop souvent déconnectée du collège (Inspection générale)
Paru dans Scolaire, Orientation le lundi 10 février 2025.
Mots clés : IGESR, seconde, orientation
"Si la majorité des élèves poursuit sa scolarité en franchissant cette nouvelle étape (le passage en seconde, ndlr) comme les précédentes" et si "les relations qu’ils ont avec leurs professeurs sont jugées bonnes ou très bonnes par une grande majorité d’élèves", pour certains, "cette ’marche’ se transforme en obstacle". C’est à cette minorité que l’Inspection générale consacre l’essentiel de son rapport sur la classe de seconde.

"Entre l’apprentissage ’par cœur’ au collège et l’exigence d’analyse et d’approfondissement au lycée, entre la simple application au collège et la nécessité de l’organisation autonome au lycée ; entre la saisie simple de la leçon posée au tableau au collège et l’exigence d’une prise de notes attentive au lycée", certains sont perdus et "expriment leur désarroi et leur difficulté à comprendre ce que l’on attend d’eux." C’est moins vrai en lycée professionnel, "les professeurs s’intéressent davantage à l’élève" et l’un d’eux commente : "Le prof est plus avec nous, les profs s’intéressent à nous, ils nous suivent aussi pour les stages."

La difficulté se retrouve du côté des enseignants. "Si des relations informelles peuvent exister entre professeurs exerçant au lycée et professeurs des collèges environnants, elles demeurent isolées, relevant très majoritairement de discussions de personne à personne : quasiment aucun dispositif institutionnel pérenne n’est instauré pour assurer la continuité des apprentissages (...). Alors que chaque élève issu du collège est censé disposer d’un livret personnel de compétences dûment et précisément renseigné par l’équipe de son collège, il apparaît que les professeurs du lycée n’ont pas connaissance des éléments qui y sont portés." La réciproque est vraie. "La pratique judicieuse d’un envoi des bulletins des élèves arrivés en seconde dans leur ancien collège n’est que peu répandue."

Or les enseignants doivent prendre en compte un phénomène décrit comme "nouveau", "la forte hétérogénéité des groupes classes", "une hétérogénéité protéiforme, qui peut être liée au collège d’origine, à l’engagement scolaire, notamment dans le travail personnel, à l’état du projet d’orientation, à la confiance en soi, à l’environnement de travail… (...). Nombre d’équipes expriment des difficultés à maitriser et à assurer la prise en charge de cette hétérogénéité des élèves" et les enseignants sont tiraillés "entre les efforts de remédiation et l’exigence de tenir les attendus des programmes".

Alors qu’ils devraient les aider à pallier cette difficulté, les tests de positionnement en début de seconde ne sont pas mobilisés : "Force est de constater que cet outil ne trouve pas sa place dans de nombreux lycées." Quant à MIA seconde, une application d’intelligence artificielle, les enseignants la trouvent intéressante, mais "monotone", et elle "n’a pas encore fait la preuve de son efficacité".

L’IGESR s’intéresse aussi au processus qui amène en fin de troisième les élèves en seconde. Interrogés par la mission, "beaucoup ont évoqué le peu d’informations dont ils disposaient pour effectuer un choix éclairé (...). L’orientation en fin de troisième reste encore largement marquée par une hiérarchie des voies, des trajectoires et des parcours des élèves au bénéfice de la voie générale (occultant d’ailleurs la voie technologique) et au détriment de la voie professionnelle." Ce processus connaît des ratés, des élèves dont le niveau scolaire est très faible ont été affectés en seconde générale et technologique faute de place en lycée professionnel. Pour l’inspection générale, il faudrait "repenser les procédures d’affectation vers la voie professionnelle" et "faire évoluer Affelnet, afin que l’affectation dans la voie professionnelle prenne en compte la pertinence de la demande des élèves au regard de leur projet d’orientation et de leur projet professionnel."

Le rapport évoque longuement la question de l’orientation vers la voie technologique, il s’intéresse aussi au stage de fin d’année pour constater que "le tissu économique et associatif est en difficulté pour accueillir plus de 550 000 jeunes au même moment". Les auteurs s’intéressent encore à la problématique de l’engagement. Ils n’évoquent que très rapidement le SNU, mais soulignent que "les pédagogies actives d’éducation à la citoyenneté, tels que les projets citoyens, sont encore très peu développées au lycée". Si plus de quatre lycéens sur dix "sont engagés bénévolement dans des associations humanitaires et/ou de défense de l’environnement", 4 % des élèves et 10 % des élèves de lycée professionnel déclarent "ne vouloir participer aucunement à la vie de la cité". Si certaines formes d’engagement sont reconnues avec l’obtention de diplômes comme le BAFA, "d’autres engagements mériteraient eux aussi de voir reconnues les compétences acquises, par exemple par l’intermédiaire d’open badges". Mais les élèves de seconde peinent à trouver une place "dans certaines instances monopolisées par les élèves de terminale, désireux d’enrichir leurs dossiers Parcoursup (par exemple, rares sont les élèves de seconde élus au conseil de la vie lycéenne)".

L’état de santé des adolescents excède les problématiques spécifiques à la classe de seconde, mais l’IGESR met en garde, ces élèves sont fragiles ; on assiste au "doublement, entre 2012 et 2020, puis de nouveau entre 2020 et 2022, du taux d’hospitalisations pour geste auto-infligé de la patientèle féminine âgée de 10 à 19 ans". La crise sanitaire a provoqué une augmentation du mal-être et des cas identifiés de phobie scolaire, des problématiques d’addictions, de concentration, d’humeur, d’absentéisme... et les équipes sont mises en difficulté : "Nous éliminons (nos élèves, ndlr) alors qu’on devrait les accompagner", constate un enseignant.

Le rapport "La classe de seconde : étape-clé pour l’élève en termes scolaires, d’orientation et d’engagement, entre un collège qui évolue et des offres nouvelles au lycée" ici.

Extrait de touteduc.fr du 07.02.24

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