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Thèse. La ségrégation sociale entre les collèges dans le système éducatif français : mesure, disparités géographiques, évolution temporelle et conséquences, par Olivier Monso [DEPP], Sciences Po Paris, 2024

17 février

La ségrégation sociale entre les collèges dans le système éducatif français : mesure, disparités géographiques, évolution temporelle et conséquences

Auteur(s) : MONSO Olivier

Date de soutenance : 2024

Thèse délivrée par : Sciences Po Paris (IEP)

" Dans le contexte du système éducatif français, la ségrégation sociale entre les collèges se définit par les écarts entre ces établissements suivant les milieux sociaux des élèves qu’ils scolarisent. Cette thèse prolonge des travaux de morphologie sociale de nature statistique que j’ai menés en tant qu’expert à la DEPP, service statistique de l’Éducation nationale. Les données sont les bases nationales individuelles d’élèves du second degré et les panels d’élèves de la DEPP. Selon des recherches récentes menées à une échelle locale, l’existence d’une forte ségrégation entre collèges est préjudiciable au climat scolaire et aux poursuites d’études dans les collèges les plus défavorisés, alors que ces effets sont toutefois modérés en matière d’acquisition de compétences, ce qu’accréditent mes investigations. La thèse dresse un état des lieux de la ségrégation sociale entre les collèges au début des années 2020. Celui-ci s’appuie sur une étude circonstanciée des principales mesures de la ségrégation qui ont été proposées dans la littérature scientifique, étude qui me fait privilégier l’indice d’entropie. La stabilité de la ségrégation au plan national depuis vingt ans résulte d’une baisse de la ségrégation entre collèges publics et d’une hausse des écarts entre collèges publics et privés. L’analyse menée dans les principales villes françaises confirme le poids important du secteur privé dans la ségrégation, même si le rôle de la ségrégation résidentielle est prépondérant. La thèse se conclut par un tour d’horizon des travaux à entreprendre en vue d’approfondir cet état des lieux de la ségrégation sociale et mieux appréhender ses effets sur les parcours et résultats scolaires "

Extrait de theses.hal.science

 

Les inégalités socioéconomiques comme "déterminant fondamental de la ségrégation sociale entre les collèges" (thèse de sociologie)

Parmi les facteurs générateurs d’inégalités scolaires – la France détenant de tristes records en la matière –, celui de la ségrégation sociale au collège est très souvent invoqué, avec "l’idée que les résultats scolaires des élèves de milieu social défavorisé seraient influencés négativement par la ségrégation sociale, et qu’une réduction de celle-ci leur serait bénéfique", pose en introduction de sa thèse de sociologie Olivier Monso. Ce dernier, qui a travaillé à la Depp de 2014 à 2024, se présente comme un "expert sur l’analyse des inégalités scolaires" au sein du service statistique de l’Education nationale.

Les recherches menées dans le cadre de sa thèse l’ont conduit à interroger le constat selon lequel les inégalités scolaires seraient dues à la ségrégation sociale entre établissements. L’auteur ne nie pas ce lien causal mais invite à le nuancer en parlant "d’effets modérés" de la ségrégation scolaire sur les inégalités de performance scolaire. Il souligne par ailleurs que des "facteurs contextuels" propres aux territoires observés "peuvent être associés, à la fois, au niveau de ségrégation et aux résultats scolaires". Il écrit aussi : "Le sens de la causalité entre ces deux dimensions lui-même n’est pas univoque : ainsi, un fort niveau de ségrégation sociale entre établissements scolaires peut être autant le produit de fortes inégalités de performances que leur cause."

Le privé : un vecteur plus qu’un facteur de ségrégation

Si le privé est régulièrement pointé du doigt, l’auteur tient à distinguer son rôle comme vecteur ou facteur de ségrégation. "Le privé est un vecteur de ségrégation majeur. Sa contribution est importante à l’échelle nationale et plus encore lorsqu’elle est mesurée à une échelle locale. Pour autant, la contribution du privé comme facteur de ségrégation est plus réduite", écrit Olivier Monso qui avance plus loin que "ce sont des réformes de l’enseignement public qui sont vraisemblablement, et principalement, à l’origine de ces tendances".

Et de citer la réforme de l’éducation prioritaire de 2006 qui "a induit des effets de stigmatisation des établissements concernés et provoqué un recours croissant des familles de milieu favorisé au secteur privé", ou l’assouplissement de la carte scolaire de 2007 dont un des effets fut d’inciter ces familles à recourir à un collège privé, "compte tenu notamment du fait que le recours à une dérogation pour un autre collège public était devenu plus difficile". En effet, comme l’explique l’auteur, "l’augmentation des possibilités de choisir son collège public a paradoxalement généré une montée d’insatisfactions, compte tenu des attentes qu’elle a générées, et elle a au bout du compte conduit une partie des familles à se détourner de l’enseignement public". Les pratiques des établissements privés participent malgré tout à ce phénomène. C’est pourquoi le sociologue plaide pour "une meilleure transparence (…) au sujet de leur offre scolaire, de leur recrutement et de leur financement".

Lutter contre les inégalités socioéconomiques

Pour l’auteur, "l’existence de fortes inégalités socioéconomiques entre les familles est le déterminant fondamental de la ségrégation sociale entre les collèges". La diminution du niveau de ségrégation scolaire passerait ainsi par des actions de lutte contre les inégalités. Olivier Monso avance comme exemple allant dans le bon sens la "délivrance d’une bourse sur critères sociaux (qui) est un levier pour réduire les inégalités, non seulement parce qu’elle donne un supplément de revenus – permettant par exemple à certaines familles de milieu défavorisé d’envisager une inscription dans un collège privé ou de faire un autre choix que le collège de proximité – mais aussi parce qu’elle est associée à une priorité pour une demande de dérogation pour être inscrit dans un autre collège public que son collège de secteur".

Au-delà des acquis, de multiples intérêts à la mixité sociale

Plus généralement, au-delà de la question des performances, Olivier Monso soulève l’intérêt qu’il y a à favoriser une plus grande mixité sociale dans les collèges. "D’abord pour des raisons d’efficience, au regard du coût que les pouvoirs publics déploient pour contenir les effets de la ségrégation sur les performances des élèves ; ensuite au regard du fait que les actions en faveur de la mixité sociale peuvent limiter les risques d’abandons précoces de la scolarité, qui constituent également, d’une autre façon, un coût pour la société ; enfin, au regard des enjeux de climat scolaire et de cohésion sociale."

En conclusion, l’auteur invite à développer "des outils d’aide à la décision et (à) faciliter leur appropriation à l’échelon local", il rappelle que, face aux postures fatalistes, des "marges de manœuvre" existent. "La ségrégation sociale entre les collèges est très liée à la ségrégation résidentielle et aux choix des familles, qui en sont des déterminants puissants, sans pour autant qu’il y ait de fatalité en la matière."

Olivier Monso, "La ségrégation sociale entre les collèges dans le système éducatif français : mesure, disparités géographiques, évolution temporelle et conséquences", Sociologie, Institut d’études politiques de Paris - Sciences Po, 2024. La thèse ici.

Extrait de touteduc.fr du 21.02.25

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