Un sondage Sofres sur la mixité sociale

21 novembre 2006

Extrait du « Figaro » du 20.11.06 : La mixité sociale, oui... mais loin de chez moi

Un sondage TNS-Sofres pour le compte de Nexity, que révèle « Le Figaro », prouve que le pouvoir d’achat reste le principal clivage de notre société. Plus que la religion ou l’origine sociale.

Les Américains ont inventé un mot qui pourrait fleurir par ici : Nimby, qui signifie, « pas dans mon jardin ». En France, la dernière enquête menée par TNS-Sofres, pour le compte de l’Institut pour le logement de Nexity, dévoile combien l’idéal de mixité sociale reste fort, mais aussi qu’un nombre croissant de Français en reste plus à l’idée qu’à sa concrétisation à côté de chez eux. La question du logement est à ce titre révélatrice. Près de 67 % des Français interrogés sont favorables à la construction de HLM près de chez eux, tandis 30 % s’y opposent. Surtout, l’immense majorité préfère que soient construits à proximité de chez eux des logements en accession à la propriété (83 %). « Confrontés à l’éventualité de nouveaux arrivants dans leur quartier, les Français privilégient par conséquent des populations plutôt aisées au détriment de foyers plus modestes », analyse l’institut de sondage. Ceux qui vivent dans des villes avec peu de logements sociaux veulent largement préserver ce cadre et 40 % se montrent hostiles à l’implantation de HLM. 

Les 18-34 ans plus ouverts

Ces réflexes de crainte concernent surtout les propriétaires, qui veulent préserver « la valeur » de leurs biens. Or, l’image des classes populaires fait peur, comme si leur présence allait entraîner une dégradation de l’environnement. Globalement perçue comme une source d’apaisement dans la société, la mixité sociale et ethnique apparaît plus risquée à l’échelle individuelle. Un Français sur quatre ne « souhaite pas le mélange de population ». Ces opinions suivent les lignes de fracture politique. « Les sympathisants du Parti socialiste sont 88 % à juger la mixité souhaitable, tandis que ceux de l’UMP ne sont que 68 % », précise TNS-Sofres. Et parmi ceux qui soulignent l’importance de la mixité ethnique, ils ne sont plus que 22 % à la privilégier à l’échelle de leur quartier, lui préférant le mélange des générations. Seuls les 18-34 ans se montrent plus ouverts à la diversité ethnique autour d’eux puisqu’un tiers l’encourage dans son quartier. Le désir de mixité augmente aussi avec le revenu. Ce sont finalement les couches populaires qui s’y montrent les plus rétives. « Comme si l’arrivée de population plus aisée ne ferait que souligner la relégation qu’ils vivent, comme si cela pouvait les déposséder de leur quartier », explique TNS-Sofres. Car dans une société française désormais focalisée sur le clivage d’argent et le pouvoir d’achat, la communauté de destin dans le quartier rassure. « En ce moment, il existe une demande d’entre-soi, mais il serait démagogique de suivre l’opinion », fait valoir Robert Rochefort, du Crédoc, chargé de réfléchir à l’avenir du logement pour l’institut Nexity. « La logique du marché - avec une segmentation sociale marquée, des prix au mètre carré qui amènent des personnes de même standing dans un quartier - conduit vers la ségrégation », met en garde le sociologue.

Effet d’entraînement positif

Or la mixité n’est pas seulement une belle idée, à en croire les études conduites par le sociologue Hugues Lagrange sur des cohortes d’adolescents. Dans les quartiers populaires, lorsque la proportion de cadres et de professions intermédiaires dépasse, même très légèrement, les 5 %, « la probabilité d’être impliqué dans des délits baisse systématiquement. » En clair, il suffit de très peu de cadres pour créer un effet d’entraînement positif. Reste qu’aujourd’hui, nombre de quartiers sensibles des banlieues ne comptent pratiquement plus de professions intermédiaires. En revanche, à Paris et dans les agglomérations qui disposent d’un centre attrayant, la mixité se maintient mieux. En réalité, Le Ghetto français, récemment évoqué par le sociologue Éric Maurin, se manifeste surtout, aux deux extrémités, pour les plus riches et les plus pauvres, selon une enquête tout juste conclue par Edmond Préteceille, chercheur au CNRS (La Preuve des inégalités, éditions des PUF, à paraître en décembre). En revanche, la mixité se maintiendrait, voire progresserait, ailleurs, selon cette enquête menée sur la base des recensements de 1990 et 1999 en Île-de-France. Le chercheur parvient à un indice de mixité sociale de 20, sachant que 100 montrerait une ségrégation totale et 40, une mixité ethnique (sur la base des immigrés et des Français par acquisition). On est encore loin des taux de ségrégation observés aux États-Unis, mais la mixité sociale s’effrite à mesure que les prix de l’immobilier s’envolent.

Cécilia Gabizon

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