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La maternelle plus utile encore aux enfants de ZEP (Rapport OCDE)

21 septembre 2006

Extrait de « L’Expresso » du 20.09.06 : L’enseignement préélémentaire oublié du débat scolaire

"Un nombre croissant de pays accorde une priorité élevée à l’éducation des tout jeunes enfants ainsi qu’à la qualité des services. Les premières années sont de plus en plus considérées comme l’une des clés de la réussite des politiques sociales, familiales et éducatives". Avec une nouveau rapport sur la préscolarisation, "Petite enfance, Grands défis", l’Ocde met aujourd’hui l’accent sur le développement de l’enseignement préélémentaire dans les pays membres de l’organisation.

Ce consensus est porteur de motivations parfois bien différentes, souligne l’OCDE. En effet, se mêlent dans cet intérêt pour la petite enfance des préoccupations économiques, favoriser le travail des femmes, démographiques, faciliter la natalité, et sociales, lutter contre l’inégalité devant l’école. Car tous les pays reconnaissent que la préscolarisation a un effet bénéfique sur les résultats scolaires des enfants des milieux défavorisés. Alors que la pauvreté des enfants augmente dans 17 pays de l’OCDE (sur 24), le rapport rappelle que "l’enseignement préscolaire facilite l’intégration des familles qui ont de jeunes enfants. Elle contribue fortement à préparer l’enfant à l’école". Et l’organisation recommande le développement de systèmes nationaux pour le préélémentaire, même si elle critique la conception française trop proche de l’école et pas assez attentive à la psychologie du petit enfant, et invite à utiliser du personnel formé et bien payé.

C’est clairement demander un effort financier. L’Ocde cite en exemple les pays scandinaves qui consacrent 1,5 à 2% de leur PNB (Danemark) à la préscolarisation. Pour une fois la France apparaît bien classée avec 1% du PNB (loin devant les Etats-Unis ou les grands pays d’Europe qui n’y consacrent que 0,5% du PIB), un taux de scolarisation de 100% à partir de 3 ans et l’utilisation d’enseignants diplômés pour s’occuper des plus petits. Cette particularité française est historique : on frôlait déjà les 90% en 1980. L’école maternelle est d’ailleurs souvent citée comme l’un des points forts de notre système éducatif.

Pourtant c’est oublier une autre spécificité française : la France est le seul pays développé où le taux de scolarisation en préélémentaire régresse. Depuis 2003, la France va à rebours des efforts des autres pays. Cela s’explique par la baisse de la scolarisation à deux ans : le taux est passé de 35% en 2000-2001 à 24% en 2005-2006 (chiffres MEN).

Cette régression s’explique d’abord par des nécessités budgétaires. Pour un gouvernement qui veut réduire le budget de l’éducation nationale, la tentation est forte d’opérer une ponction sur un enseignement qui n’est pas obligatoire et qui n’est pas considéré comme un dû par les familles. On peut ici prélever des crédits pour les utiliser ailleurs, par exemple dans une université mise à mal par le développement concurrentiel des prépas.

Elle s’explique également, il faut le dire, par une vive contestation de son principe même. L’association française de psychiatrie et l’ancienne défenseure des enfants se sont élevés contre elle, l’assimilant pratiquement à un mauvais traitement infligé à l’enfant. Pour eux, la troisième année de la vie achève un cycle de développement important pour la construction de l’identité. La scolarisation précoce perturberait celle-ci et serait responsable de comportements violents à l’adolescence. Pour le linguiste Alain Bentolila, les enfants scolarisés trop tôt manquent de vocabulaire ce qui nuit à l’apprentissage de la lecture.

Pourtant d’autres travaux ont mis en évidence les retombées positives de la scolarisation à deux ans. Une étude de l’Institut d’éducation de l’université de Londres affirme que " La scolarisation avant 6 ans.. améliore le développement de l’enfant. Ses effets sur le développement social et intellectuel de l’enfant sont évidents durant les premières années de l’école primaire". En France plusieurs travaux (J.P. Caille par exemple) insistent sur ses retombées scolaires positives. L’enfant entré après 3 ans à l’école maternelle a beaucoup plus de chance de redoubler son CP. "En ce qui concerne l’impact sur la scolarité élémentaire, entrer à l’école maternelle à deux ans au lieu de trois améliore les chances d’accès au CE2 sans redoublement, mais ne le fait que faiblement... S’agissant des évaluations des acquis cognitifs à l’entrée du CP, cette scolarisation précoce apparaît comme globalement bénéfique. Cet avantage, qui se retrouve dans plusieurs domaines : compréhension orale, familiarité avec l’écrit, familiarité avec le nombre, est cependant faible".

Si l’impact global est positif mais faible, il est très nettement favorable pour les enfants des milieux défavorisés. "À l’entrée en CP, les évaluations cognitives des élèves montrent que ce sont les élèves des catégories sociales défavorisées, mais aussi ceux des catégories sociales les plus favorisées3 qui bénéficient le plus de la scolarisation précoce. Elle est également plus bénéfique en ZEP que hors ZEP. Concernant l’accès au CE2 sans redoublement, également, l’effet positif associé à une scolarisation à deux ans s’observe principalement chez les enfants de cadres et d’ouvriers, et bénéficie particulièrement aux élèves de nationalité étrangère ou de parents immigrés".

L’effondrement de la scolarisation à deux ans se fait donc globalement aux dépens des familles les plus modestes. D’autant, on le sait, que ceux-ci entrent déjà moins souvent à l’école maternelle : " parmi les élèves en cours préparatoire en 1997, les enfants de père ou de mère immigré n’étaient qu’un sur quatre à avoir été scolarisés à deux ans, alors que c’était le cas de près de un sur trois de leurs condisciples" affirme une étude officielle. Il faudrait donc veiller à ce que l’offre soit au minimum maintenue dans les banlieues et les zones urbaines. Un simple regard à la carte publiée par Education & formations fin 2003 montre que c’est la France rurale qui bénéficie d’un bon taux de scolarisation à deux ans. Avec un peu de méchanceté on pourrait insinuer qu’exclu de l’école à 2 ans grâce à Fillon, le gosse des cités à quelque chance de bénéficier de l’apprentissage à 14 ans grâce à Robien...

Terminons par une note plus positive. Un sondage Sofres publié lui aussi le 19 septembre, montre que 87% des mamans ayant scolarisé leur enfant de moins de trois ans sont satisfaites. 45% des mères souhaiteraient le faire.

L’étude de l’OCDE

Le dossier spécial du Café pédagogique

Le sondage de la SOFRES

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