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Agnès Van Zanten : problèmes urbains et problèmes scolaires sont liés

24 juin 2006

Extrait du site du PS, le 24.06.06 : Agnès Van Zanten : « Il y a des territoires dont le niveau de ségrégation est tel, que l’échec scolaire est inévitable »

Directrice de recherche au CNRS, Agnès Van Zanten a longtemps étudié les rapports de la société à l’école. Intervenante lors du colloque du comité d’évaluation et de suivi de l’agence nationale pour la rénovation urbaine du 22 juin au Sénat, elle a insisté sur les nouveaux besoins du pays en matière d’éducation. Pour cette sociologue, la ségrégation scolaire est devenue en France une réalité. Pour contrer ce phénomène, il n’y a pas d’outil miracles mais bien une nécessité d’étudier l’école, au cas par cas, en rapport avec sa place dans la cité.

Entretien.

La relation entre école et urbanisation est-elle un nouveau point de départ pou repenser l’école ?

Pendant très longtemps, deux mondes sont restés très distincts, le monde de la ville et le monde de l’école. En ce sens, ce colloque est emblématique puisque aujourd’hui on ne peut pas concevoir séparément des problèmes urbains et des problèmes scolaires.

Pensez-vous que la France connaisse aujourd’hui une ségrégation scolaire ?

Il y a des phénomènes d’aggravation dans l’environnement scolaire. D’un côté l’angoisse des familles, liées à des logiques de peur qui conduisent à renforcer la concentration des populations et surtout les effets pervers de cette concentration. Lorsqu’on vient d’un milieu difficile on aura probablement une scolarité difficile à titre purement individuel. Mais quand on est mis avec d’autres qui ont des problèmes, il est clair que les problèmes se renforcent. Si l’école ne peut pas tout faire, elle peut au moins ne pas aggraver les inégalités.

En renforçant par les concentrations spatiales dans les classes et les établissements, l’école se trouve face à des inégalités de départ contre lesquelles elle ne peut pas toujours lutter. L’opinion publique a été sensibilisée au fait que ces concentrations sont à la base de ces mouvements de révolte, des violences qui sont très fortes. Notre société crée une sorte d’identité des jeunes des banlieues qui revendiquent une identité négative, vécue négativement, liée à cette ségrégation territoriale reliée à l’école. C’est en effet souvent à l’école que les jeunes découvrent les injustices sociales.

La carte scolaire mise en place pour éviter les discriminations scolaires, du moins pour que celles-ci soient moins perceptibles à l’école, a t-elle des effets pervers ?

La carte scolaire n’a pas été faite seulement pour cela. La carte scolaire était au départ surtout un instrument de rationalisation de l’offre et la demande d’éducation sur le territoire. Elle fut mise en place en 1963, au moment où on commençait la création de ce qui est devenu « le collège unique ». A partir du moment où on a commencé à les implanter partout, on a rationalisé les flux d’élèves. Pour beaucoup d’acteurs éducatifs, la carte reste un outil de rationalisation et pas une question de justice et d’égalité.

Une réponse contextualisée et pragmatique est dépendante de ces cartes scolaires. Il y a des territoires dont le niveau de ségrégation est tel, que l’échec scolaire est inévitable. Ce qui s’est dégagé de nos études est qu’il faut une mixité des niveaux dans une classe pour que celle-ci progresse. Quand les bons élèves sont regroupés entre eux ils progressent qu’un tout petit peu plus que dans des classes hétérogènes. En termes de politique publique, l’Etat a tout intérêt à mettre en place des classes hétérogènes. Il est cependant nécessaire de mieux communiquer sur ces points. Les pouvoirs publics doivent alors sensibiliser les parents d’élèves mais aussi les professeurs.

Qui est le mieux placé pour prendre ces décisions « contextualisées et pragmatiques » ?

Il y a toujours une concurrence de légitimité entre les différents acteurs. Qui est le plus légitime pour appliquer des politiques locales ? D’après mes recherches, ce qui me semble le plus convaincant serait de mieux clarifier la compétence des différents acteurs au sein de la décentralisation. Alors, le pouvoir décisionnel sera enfin véritablement réparti. On peut imaginer que le maire, conseillé par un collège décisionnel, avec des inspecteurs de l’Education nationale, pourrait être en mesure, au cas par cas, de répondre à ces questions.

Propos recueillis par Ariane Vincent

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