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Illettrisme : y a-t-il autant de jeunes concernés que le disent les politiques ? (Claude Lelièvre, The Conversation)

11 janvier 2022

Illettrisme : y a-t-il autant de jeunes concernés que le disent les politiques ?
Invitée sur RTL le 3 janvier 2022, la candidate des Républicains à l’élection présidentielle Valérie Pécresse a évoqué « l’un des deux points noirs de notre système éducatif », à savoir « l’illettrisme » en arguant qu’« aujourd’hui, aux journées citoyennes d’appel à la défense, vous avez 25 % de jeunes Français qui n’arrivent pas à lire le texte qu’on leur donne à lire ».

[...] Succès garanti sur la scène politico-médiatique, avec un emballement et une surenchère dans le gonflement statistique (ou l’approximation à géométrie variable). Dans une déclaration au Monde du 3 mai 1993, François Bayrou indique ainsi qu’« il faut engager une politique ambitieuse pour réduire de moitié en cinq ans le nombre des enfants – 30 % actuellement – qui ne savent pas comment lire et comprendre un texte simple ».

[...] Pour sa part, Alain Bentolila considère avoir mis au point un test fiable, fidèle et probant pour évaluer et classer les performances en lecture des conscrits. Il souligne que, depuis que cette évaluation a commencé, en 1990, les résultats au test obtenus chaque année n’ont varié que dans des proportions insignifiantes.

Cinq « familles » de « lecteurs » ont pu être distinguées qui correspondent chacune à un même seuil de performance.

La famille A regroupe des individus qui se situent en deçà de la lecture de mots simples et isolés ; on peut considérer que l’on a affaire à des personnes en situation d’analphabétisme.

La famille B comprend ceux qui sont en deçà de la lecture de phrases simples et qui ne sont capables que d’identifier des mots isolés.

La famille C rassemble les personnes qui se trouvent en deçà de la lecture de textes courts, même s’ils sont capables de lire des phrases simples.

La famille D regroupe les individus qui sont certes capables de lire des textes courts, mais qui se situent en deçà de la lecture approfondie d’un texte ; ils ne sont capables que d’en extraire quelques informations explicites.

La famille E rassemble les personnes qui sont capables d’une lecture approfondie d’un texte.

En 1995, les résultats sont les suivants : « 1 % des jeunes adultes sont analphabètes (famille A) ; 3 % ne dépassent pas la lecture d’un mot simple isolé (famille B) ; 4 % sont limités à la lecture de phrases simples isolées (famille C) ; 12 % ne sont capables que de la lecture superficielle d’un texte court et simple (famille D) ; 80 % ont la capacité de lire un texte de façon approfondie (famille E) ».

[...] Selon une recherche menée à l’Université de Cambridge, il n’y a pas d’importance dans la manière dont les lettres d’un mot apparaissent, l’essentiel étant que la première et la dernière lettre du mot soient à la bonne place. La raison serait que le cerveau humain ne lit pas les mots lettre par lettre mais plutôt comme un tout.

On bien que lisez vous dans « J’a.me ma fe.me » ? « J’aime ma femme », ou bien « j’aime ma ferme » ou bien « j’arme ma ferme », ou bien « j’arme ma femme » ? Ce qui « saute aux yeux », ne serait-il pas avant tout « ce que l’on a en tête » ?

In fine, il s’avère que « l’illettrisme » – dans le débat public – est plutôt une façon de s’exprimer (souvent dramatisante, pour des raisons politiques) qu’une réalité évaluée de façon rigoureuse, précise et délimitée.

Extrait de theconversation.com du 09.01.22

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