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Journée OZP 2021. Table ronde : Géographie de l’éducation prioritaire et pilotages politiques, avec Marc Bablet, Elisabeth Bisot, Benjamin Moignard (texte et enregistrement audio)

8 décembre 2021

Journée nationale OZP du 27 novembre 2021.
40 ans d’éducation prioritaire, et après ?

Table ronde : Géographie de l’éducation prioritaire et pilotages politiques

De gauche à droite : Benjamin Moignard, Marc Bablet, Elisabeth Bisot

L’enregistrement audio complet de la table ronde (51:51)

 

SOMMAIRE
• Historique et présentation du problème. Apports de la
refondation de l’éducation prioritaire à la géographie de
la carte et au mode de pilotage des modifications : Marc
Bablet
• Une IADASEN parle de son métier : contraintes, marges
de liberté, force de la conviction, centration sur la lutte
contre les inégalités sociales en éducation : Elisabeth
Bisot
• Un chercheur fait le point sur les cités éducatives :
modes de choix des quartiers retenus, pilotage de
l’action partenariale, difficultés de la centration sur la
lutte contre les inégalités de réussite scolaire : Benjamin
Moignard

 

L’INTERVENTION DE MARC BABLET

Ci-dessous le PowerPoint de l’intervention de Marc Bablet (8 pages)

 

L’INTERVENTION D’ELISABETH BISOT

Géographie de l’Education prioritaire et pilotages politiques

Préambules
- Pas de confusion : le pilotage politique appartient au ministre. Le recteur en est le principal relais. Si le/la DASEN exerce, dans son département, une forme de pilotage, il est plutôt de l’ordre de l’impulsion, du soutien, de l’accompagnement.
- L’OZP s’est adressé à moi en tant qu’ex-DASEN, pour apporter un témoignage. Celui-ci est nécessairement partiel, et ne prétend nullement être représentatif. Partiel parce que limité géographiquement, et parce qu’il ne couvre que quelques années dans la longue histoire de l’Education prioritaire.
- Mon expérience de DASEN concerne 2 périodes et 2 départements :
2009-2013 : le Doubs (académie de Besançon), département moyen dans une petite académie, comprend en 2009 les 3 seuls RAR de l’académie, ainsi que 6 RRS.
2013-2016 : Paris : 4 REP+ et 25 REP (après révision de la carte en 2014).
Deux expériences plutôt atypiques et contrastées au regard de l’Education prioritaire, et de la définition de sa géographie.

A/ Les contraintes et les difficultés auxquelles se heurte le/la DASEN

Comme bien d’autres responsables, il se trouve confronté à des forces qui peuvent être antagonistes :
- autorités gouvernementales (le ministère de tutelle)
- société civile (parents, élus)
- acteurs éducatifs (enseignants, syndicats)
Ainsi, dans la définition de la carte, le/la DASEN n’est pas totalement « maître du jeu ».

Au sein de sa propre administration
- Il applique une politique nationale, plus ou moins favorable.
- Il dépend d’un recteur - leur poids s’est considérablement accru depuis 1 ou 2 décennies - qui peut vouloir préserver certains équilibres académiques (ne pas « léser » un département…).
Ce n’est pas ce que j’ai connu dans le Doubs (la géographie de l’EP faisant plutôt consensus), ni à Paris (situation particulière).

Le poids des élus locaux
Surtout s’ils appartiennent à la majorité gouvernementale.
Il peut y avoir des tentations, voire des tentatives, de court-circuiter le/la DASEN, mais ce n’est pas le cas seulement pour l’EP. Ainsi, l’EP peut représenter un enjeu (politique, voire électoral) vis-à-vis de la population d’un territoire. Certains élus – surtout au début – ont refusé l’entrée en EP, tandis que d’autres la revendiquaient.
Dans le Doubs je n’ai pas connu de pression pour l’EP (consensus sur les zones concernées). A Paris, en 2014, ce fut plus compliqué (en raison d’une géographie spatiale et sociale complexe et évolutive, et du statut très particulier de la capitale …).

La perception qu’a chacun, à la place qu’il occupe, (parents, enseignants, élus…), de vivre une situation exceptionnelle, qui mériterait à elle seule une appartenance à l’EP.
L’OZP connaît bien cette difficulté, qui a pu mener à des demandes d’extension inconsidérées de la géographie de l’EP.
Non que les acteurs concernés soient de mauvaise foi ou adoptent une attitude purement revendicative, mais, par manque de points de comparaison, chacun fait valoir les difficultés - réelles – de sa propre situation.
Il y a aussi parfois une difficulté à prendre en compte et accepter les évolutions au fil du temps (changements de secteurs géographiques, ou de « carte scolaire », ou de types de population).
Dans le Doubs, ces difficultés se sont surtout posées pour les RRS/REP et les sorties d’EP (cf. infra).
A Paris, la difficulté vient notamment d’une géographie des quartiers très resserrée.

B/ Face à ces contraintes, quelles marges de manœuvre, quels atouts pour le/la DASEN ?

La vision d’ensemble qu’il a sur son département et son académie.
Le/la DASEN est ainsi comptable d’une juste appréciation (justesse) et d’une appréciation juste (justice) des situations par comparaison les unes avec les autres.
Pour cela il dispose de :
Tableaux de bord et indicateurs,
sur lesquels il/elle peut s’appuyer, et qui permet d’éviter la 3ème difficulté (cf. supra), une perception, par les différents acteurs, souvent parcellaire et un peu faussée.
Dans le Doubs, on disposait, dès avant la révision de 2010, d’outils comparatifs, prenant appui sur des indicateurs somme toute classiques : difficultés sociales (PCS) et scolaires (résultats aux paliers 1 et 2 de l’élémentaire, résultats au DNB, taux d’orientation en 2de), mais prenant en compte les écarts à la moyenne académique. Les tableaux, visuellement très accessibles avec des codes-couleur, ont permis en 2010 une révision de la carte EP sans surprise : les 3 RAR sont devenus ECLAIR, sans qu’il ait été fait mention de la composante violence (pourtant introduite par le ministère), les difficultés sociales et scolaires étant connues et reconnues.
A Paris, en 2014, l’académie (département) disposait déjà d’une typologie des collèges en 5 catégories, qu’elle souhaitait revoir, eu égard aux évolutions démographiques et sociales importantes (notamment une gentrification sur certains secteurs situés entre l’hypercentre et la périphérie de la capitale). La révision de la carte de l’EP voulue par le ministère a été l’occasion d’une nouvelle typologie des collèges parisiens. L’étude des tableaux de bord a permis d’intégrer en REP un secteur de collège qui n’était pas initialement prévu.

Elles C/ Les situations délicates
concernent les RRS/REP, et les sorties d’EP.
Autant, dans mon expérience, la désignation des RAR et ECLAIR, aussi bien dans le Doubs qu’à Paris, n’a pas posé de grandes difficultés, autant celle des autres secteurs de l’EP, plus nombreux, a pu ici ou là poser problème. Où mettre la « barre » dans un continuum de situations ?
En effet :
- Les situations y évoluent plus vite que dans l’EP+.
C’est très patent à Paris, où la gentrification s’est accrue. Un exemple : en 2014, un collège RRS voit sa composition sociale modifiée à la suite de la scission avec son annexe devenue collège à part entière.
A Besançon, la restructuration d’un quartier (avec démolitions de logements sociaux dégradés), modifie la composition sociale d’un collège.
- Se pose alors la question des éventuelles sorties d’EP.
Celles-ci sont possibles, elles ont besoin d’être préparées, anticipées longtemps en amont, et accompagnées.
Dans le Doubs, c’est le cas, à la rentrée 2011, du collège cité ci-dessus. Lors de la révision de la carte en 2010, sur l’ensemble de l’académie de Besançon, près d’1/4 des collèges sont sortis de l’EP (6 sur 25), pour des raisons diverses (dont des suppressions ou des fusions de collèges).
A Paris ce fut aussi le cas de quelques collèges, avec maintien des moyens EP garanti sur 3 ans.

Le rôle du DASEN est alors d’expliquer, convaincre, s’appuyer sur des données fiables, lisibles, et d’accompagner la sortie d’EP.

D/ Finalement quelle place, quel rôle pour le/la DASEN dans la politique EP de son département

De mon expérience, si son rôle reste assez relatif pour influer sur la géographie de l’EP, il a en revanche, pour accompagner la politique d’Education prioritaire, d’autres atouts et marges de manœuvre au sein de son département
- liés à sa conviction personnelle pour lutter contre les inégalités sociales en éducation (c’était mon cas)
- liés à ses propres marges de manœuvre pour définir une politique départementale, i.e. le choix de privilégier plus ou moins l’EP dans son pilotage départemental.
Ainsi de :
L’attribution des moyens
En quoi est-elle un peu/beaucoup différenciée pour l’EP ? A quelle hauteur fixer le « plus » par rapport aux autres secteurs hors EP ?
Dans le Doubs, entre autres, le nombre d’élèves par classe en élémentaire était fixé à un maximum de 22 élèves en EP vs 27 hors EP (l’enveloppe étant contrainte, cela a nécessairement des conséquences sur le hors EP).

Les choix « politiques », les priorités accordées à l’EP , dans tous les domaines
Dans le Doubs par exemple, le choix a été fait de privilégier, pour la seule EP, la scolarisation des enfants de 2 ans. Il s’agissait d’une politique incitée par le ministère (en 2011-2012), mais davantage prisée par les familles aisées. Le département a dégagé des moyens importants (groupes à très faibles effectifs, accompagnement…) uniquement pour les secteurs les plus défavorisés.

Le pilotage pédagogique, et l’accompagnement
Dans le Doubs, un exemple que P. Picard a bien connu : les 3 collèges ECLAIR ont construit un partenariat avec des équipes de recherche (réflexion autour des gestes professionnels). Expérience particulièrement enrichissante et valorisante pour les équipes.

Conclusion
J’ai bien conscience que ce témoignage de mon expérience date quelque peu… mais les principes en sont toujours d’actualité.
Pour clore sur la thématique de cette intervention : pour moi, le pilotage du/de la DASEN concernant l’EP se constate moins dans la définition géographique des secteurs éligibles, très contrainte par les difficultés évoquées en première partie, mais plutôt dans les priorités de moyens, de pédagogie, d’accompagnement qu’il/elle impulse dans son département.

Elisabeth Bisot (ancienne DASEN)
* Par commodité, Education prioritaire est transcrit en « EP »

 

L’INTERVENTION DE BENJAMIN MOIGNARD
sur les cités éducatives
Voir l’article de Localtis
 

DEBAT AVEC LE PUBLIC (présentiel et distanciel) :

Penser réseaux ou territoires ?
Concernant les cités éducatives, la géographie est particulière, les périmètres sont extrêmement divers ; c’est moins une carte qu’un ensemble de réseaux d’acteurs qui interviennent sur des publics et selon des géographies différentes.
Il y a là une tentative d’articuler différentes géographies.

Evaluer c’est essentiel, mais que regarde-t-on quand on analyse ?
Derrière une politique ce sont les conditions d’implémentation qui sont essentielles.
Les résultats sont convergents pour dire que, au delà du bien fondé des dispositifs, c’est l’interrogation autour des conditions de mise en œuvre qui importe.
Invitation à consulter le travail du CNESCO et le rapport de Xavier Pons

Un point de vue des collectivités locales :
Les cités éducatives mettent en concurrence les différents territoires (comme avec les PRE) par un appel à postuler pour obtenir un label quand des territoires ont été préalablement identifiés et y sont mieux préparés. Par ailleurs le choix de ne pas adhérer à ce label existe-t-il réellement au vu des moyens qui lui sont associés ?

Une question en suspens  : Qu’en est-il de l’articulation à venir des cités éducatives avec la politique d’éducation prioritaire ? (Pas de cité = pas d’EP à l’avenir ?)

Une remarque : François Dubet alertait sur le risque de développer, sur des objets scolaires, des dispositifs en dehors de l’école au lieu de mieux s’intéresser à l’école elle-même.

 

Voir les autres comptes rendus de la journée

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