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La relance du latin et du grec, la ségrégation scolaire et le wokisme (Le Café, Le Figaro étudiant)

17 novembre 2021

JM Blanquer, le grec, le latin et l’électeur
"Je suis convaincu que nous devons à la fois proposer l’apprentissage des langues anciennes à davantage d’élèves et raffermir les liens entre cet enseignement et les autres disciplines". Dans un entretien donné au Point, le 16 novembre, JM Blanquer annonce une relance du latin et du grec avec le développement de l’option au collège et dans les lycées technologiques. Une annonce qui vient alors que ces enseignements ont particulièrement périclité depuis 2017. Et qu’il y a peu de chances d’aboutir à une vraie relance à cause du manque croissant de professeurs de lettres classiques. Mais une annonce qui vise un certain public en année électorale.

Les annonces

JM Blanquer a signé une déclaration avec les ministres grecs, italien et chypriote de l’éducation pour "promouvoir une Antiquité qui éclaire et nourrit le présent". En même temps il fait plusieurs annonces. Le ministre veut développer l’option français et culture antique en 6èmeet ouvrir en collège et lycée de nouvelles sections "Mare Nostrum" qui "favoriseront l’apprentissage d’une langue ancienne , d’une ou plusieurs langues vivantes étrangères ou régionales" avec notamment une heure d’enseignement en commun. Dans Le Point il explique qu’il s’agirait d’apprendre à la fois le latin et l’italien et l’occitan par exemple, ce qui est effectivement une idée intéressante. Enfin l’option LCA serait ouverte aux lycéens technologiques.

Le déclin accéléré des LCA sous JM Blanquer

Cet intérêt subite pour les langues anciennes intervient 3 ans après le rapport commandé à Pascal Charvet. Il prévoyait une relance des langues anciennes qui n’a pas eu lieu. Pourtant les langues anciennes (LCA) en aurait bien besoin. Mais bien au contraire, le déclin des langues anciennes s’est accéléré après 2017. Si la baisse vient de loin, le rebond de 2016-2017 se transforme en plongeon aussi bien au collège qu’au lycée après 2017. C’est au lycée que la situation est la pire puisqu’on atteint maintenant seulement 3% des élèves. Et ça ne va pas s’arranger. JM Blanquer avait donné un statut spécial aux options LCA permettant à ces seules options d’apporter des points au bac. Il vient de revoir le régime des options et les LCA sont traitées maintenant comme les autres. Leurs notes seront prises en compte et pas seulement les points supérieurs à la moyenne. Si cette politique vise à renforcer les options en général, le ministère a bien précisé qu’elle ne s’accompagne pas de moyens supplémentaires. Les heures données aux options sont donc prises sur l’offre de spécialités. Il n’y a donc pas réellement de moyens permettant le développement des LCA.

Une relance impossible

Mais il y a un autre problème qui rend très difficile une reprise du latin grec. C’est la disparition des enseignants de latin et grec. En 2018, P Charvet soulignait qu’en 5 ans 1500 professeurs sont partis en retraite et 500 n’ont pas été remplacés et qu’en une génération les professeurs de lettres classiques pourraient totalement disparaitre. Depuis ce mouvement s’est accéléré. En 2017 on comptait 9240 professeurs de lettres classiques. Ils ne sont plus que 8116 en 2020. Chaque année la moitié des postes proposés aux concours ne trouve pas preneur. Il y a presque trois fois plus de départs que de recrutements chaque année et cela va s’accélérer.

A la pêche à l’électeur

Alors pourquoi ces annonces ? Elles peuvent séduire un certain public. Plusieurs études sociologiques montrent que les options, et particulièrement les langues anciennes et les secondes langues, sont utilisées pour construire la ségrégation sociale dans les collèges. "Les options ne sont pas prises de manière égale par les élèves des différentes classes sociales. Les plus aisés prennent plus souvent le latin ou l’allemand par exemple", explique Son Thierry Ly, auteur avec Eric Maurin et Arnaud Riegert d’une étude sur la ségrégation dans les collèges franciliens parue en 2014. Selon cette étude, "pour 62% des élèves ségrégués socialement (et 70% scolairement), la répartition des élèves selon leurs choix d’option et de langues suffit à expliquer la segmentation observée". En 3ème c’est 76% des élèves. Une autre étude, celle de François Baluteau (2013), souligne le rôle du latin grec. 74% des collèges défavorisés proposent le latin mais 53% des favorisés ont latin grec. Selon le ministère de l’éducation nationale 42% des élèves suivant le latin ou le grec ancien sont favorisés ou très favorisés, 10% défavorisés. C’est cet électorat qui est visé par cette communication.

François Jarraud

Le rapport Charvet

Etude Beauteau

Etude Son Thierry Ly

Extrait de cafepedagogique.net du 17.11.21

 

[...] Ce qui fédère d’abord les pays européens, remarque Jean-Michel Blanquer, ce sont « les langues antiques ». « Et, bien évidemment, avec ce fonds linguistique commun rayonnent des valeurs communes. » Parmi elle, « l’humanisme », « le culte du vrai et du beau, l’exigence du logos, qui se révèle si nécessaire à notre époque où la déraison fait feu de tout bois. »

Les langues antiques ont récemment été la cible des adeptes de l’idéologie « woke ». La prestigieuse université de Princeton a notamment annoncé qu’il ne serait plus obligatoire pour les élèves en lettres classiques d’étudier le latin et le grec. La raison ? La culture gréco-romaine serait coupable d’avoir été « complice, sous diverses formes, d’exclusion, y compris d’esclavage, de ségrégation, de suprématie blanche, et de génocide culturel ». À cela, Jean-Michel Blanquer répond : « J’ai en effet lu et entendu ces critiques, dont certaines allaient jusqu’à affirmer que l’on trouvait chez Homère une apologie de l’esclavage. (...) Je trouve de telles interprétations absolument sidérantes : plaquer des catégories et une vision du monde contemporaines sur des écrits datant de deux millénaires est d’une absurdité abyssale. » Il ajoute : « Ce que nous ont apporté ces civilisations, c’est précisément une ouverture et une recherche d’universel. »

Extrait de etudiant.lefigaro.fr du 15.11.21

 

Plan européen pour le latin et le grec : pourquoi développer l’apprentissage des langues anciennes ?

Guillaume Erner reçoit Florence Dupont, latiniste, helléniste, professeure émérite à l’Université de Paris.

Ecouter l’interview en intégralité (8 min).

Extrait de franceculture.fr du 17.11.21

 

Voir le mot-clé Lang. Antiq. (gr 4)/

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