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La loi Rilhac adoptée en seconde lecture par le Sénat. Un dossier législatif et historique du Café

21 octobre 2021

La loi Rilhac adoptée en 2de lecture par le Sénat
Ce que Fillon, de Robien et Chatel ont échoué à faire, JM Blanquer vient de le réussir. L’exception française d’une école primaire gérée par une petite république des professeurs disparait. Le Sénat a adopté le 20 octobre la proposition de loi Rilhac. Elle donne aux directeurs d’école une autorité "fonctionnelle" et une délégation de compétences de l’IEN qui en font de vrais chefs dans leur école. Pour autant la loi ne règle rien ni pour les moyens qui leur sont attribués ni pour leur régime de décharge.

Que demandent les directeurs ?

"Que demandent les directeurs", interroge JM Blanquer en ouvrant la séance consacrée à l’adoption de la loi Rilhac au Sénat. "Ils demandent qu’on leur donne davantage d’autonomie pour prendre des décisions". La consultation ministérielle de 2019 avait montré qu’ils ne voulaient pas d’un statut mais de moyens matériels pour faire face à leurs tâches. La loi Rilhac propose le contraire. Mais on verra qu’elle va passer avec le soutien de la droite et de la majorité.

Marie Pierre Monier (PS) répond à JM Blanquer. " En nous attaquant à la nature profonde de la fonction de directeur c’est la vision de l’école qui est enjeu. C’est par des décharges qu’on répondra à leurs attentes et non par un rapport d’autorité. Ce que veulent les directeurs c’est d’être soulagés dans leur tâches administratives. Or ce texte donne peu de réponses concrètes". " La suppression de la précision expresse que les directeurs d’école n’exercent pas d’autorité hiérarchique inquiète. Les équipes sont un atout : le directeur doit rester un pair parmi les pairs, et non devenir un gestionnaire", estime C Brulin (PC).

" En confiant aux directrices des missions supplémentaires sans coordination fonctionnelle, nous risquons d’aggraver leur charge de travail. Pis, l’autorité fonctionnelle génère de la défiance, car le flou du concept se prête aux dévoiements", explique M de Marco, écologiste. "Justement, le Président de la République annonce une expérimentation, dans cinquante écoles marseillaises, du recrutement des enseignants par les directrices. Le directeur devient un chef d’entreprise. La philosophie ? Les problèmes de l’école se règlent par l’autorité. Nous pensons au contraire qu’ils se règlent par la collégialité. C’est bien cette vision autoritaire, verticale, managériale et court-termiste de M. Macron dont nous ne voulons pas".

" Pour nous, l’autorité fonctionnelle représente l’apport majeur de ce texte, sa colonne vertébrale. Le Sénat l’a introduite et l’Assemblée nationale l’a maintenue", estime Max Brisson (LR). A droite Cédric Vial prend en exemple le chef d’orchestre nécessaire à des musiciens pour produire une musique harmonieuse.

Les articles adoptés

PC, PS et écologistes avaient déposé des amendements demandant à retirer l’autorité fonctionnelle du texte et à ajouter la phrase le directeur d’école "n’exerce pas d’autorité hiérarchique sur les professeurs de son école". La majorité et la droite votent contre ces amendements qui sont rejetés.

L’article 1 de la loi est adopté. Il dit que le directeur d’école " bénéficie d’une délégation de compétences de l’autorité académique pour le bon fonctionnement de l’école qu’il dirige. Il dispose d’une autorité fonctionnelle dans le cadre des missions qui lui sont confiées".

L’article 2 précise que le directeur "participe à l’encadrement et à la bonne organisation de l’enseignement du 1er degré" (nouvelle rédaction). Il peut être chargé de missions de formation. L’ensemble de ces missions est défini à la suite d ’un dialogue tenu tous les 2 ans avec l’inspection académique... Le directeur propose à l’inspecteur.. des actions de formation spécifiques à son école". Le reste de l’article traite de l’accès à la fonction . Des directeurs pourront toujours être nommés sans avoir demandé la focntion.

Le dernier article a été longtemps débattu. Il s’agit de savoir qui prendra en charge une éventuelle aide administrative. Le gouvernement avait déposé un amendement demandant que ce soit l’Etat ou la collectivité locale. Le Sénat a imposé que ce soit l’Etat seul. On verra que ce sera le prochain point de débat pour la rédaction finale de la loi.

Que change cette loi ?

La loi Rilhac met fin au régime institué par Jules Ferry pour les écoles primaires. A la différence du second degré hérité du lycée napoléonien avec un chef à sa tête, J Ferry a voulu faire des écoles de petites républiques fabriquant des démocrates. Pour cela il avait mis à leur tête un conseil des maitres avec un directeur représentant le conseil. C’est cette construction qui est détruite. A la place d’une gestion collective de l’école on a un véritable chef détenant l’autorité dans l’école.

La loi donne au directeur d’école une autorité réelle dans son école dont les contours seront définis par l’inspecteur. L’autorité fonctionnelle est donnée par l’inspecteur au directeur d’école. Ce dernier dans le cadre défini a l’autorité déléguée par l’inspecteur. Ici le cadre est large : "le bon fonctionnement de l’école et la réalisation des missions qui lui sont confiées" dit la loi. Ces missions ne sont pas précisées par la loi. Théoriquement cela peut aller jusqu’à l’évaluation des enseignants, comme le Grenelle de l’éducation l’a envisagé.

Pour autant le directeur avec cette délégation appartient toujours au corps des professeurs des écoles. Il n’a pas la garantie qu’a un chef d’établissement. A tout moment l’autorité fonctionnelle peut lui être retirée par l’inspecteur. Cela en fait un rouage particulièrement docile. Le directeur n’appartient pas a un corps à part. Cette autorité ne peut que grandir. La fusion des corps d’inspection est lancée et à terme il ne devrait plus y avoir d’IEN. Quand on en sera là le directeur d’école sera l’échelon d’exécution sous les ordres de l’inspection académique comme le sont les chefs d’établissement. D’ailleurs c’est toujours la comparaison avec les chefs d’établissement qui revient chez les partisans de la loi.

C’est l’aboutissement d’un long combat de la droite.

Historiquement la fonction de directeur pair de ses collègues est liée à la volonté de multiplier les petites écoles. Le débat sur la fonction de directeur, depuis le projet d’EPEP de F Fillon en 2004, est lié à l’idée de concentrer les écoles. La révision de la fonction devrait s’accompagner à terme d’une concentration des écoles pour donner à l’emploi fonctionnel son vrai cadre d’exercice.

L’idée de transformer les écoles en établissements publics de l’enseignement primaire (EPEP) avec un chef d’établissement vient de François Fillon, le ministre de l’éducation nationale qui a mis le pied à l’étrier de JM Blanquer. Il insère cette réforme dans la loi du 13 août 2004. Elle prévoit que "les établissements publics de coopération intercommunale ou plusieurs communes d’un commun accord, ou une commune, peuvent, après avis des conseils des écoles concernées et accord de l’autorité académique, mener, pour une durée maximum de cinq ans, une expérimentation tendant à créer des établissements publics d’enseignement primaire". F Fillon est remplacé par G de Robien qui tente de faire passer le décret d’application, ce qui occupe les années 2006-2007. Finalement le décret n’est pas publié. C’est l’époque où tous les syndicats d’enseignants s’opposent à la mesure.

En 2010, l’Institut Montaigne, un autre ami de JM Blanquer, relance le débat sur l’EPEP et une seconde tentative de glisser l’EPEP dans une loi échoue à son tour en 2011. Pourtant il n’y a déjà plus d’unanimité syndicale sur la question. La même année, un sondage publié par le Snuipp montre un net rejet des Epep par les enseignants avec la crainte de voir un échelon hiérarchique plus présent que les IEN peser sur les enseignants. Mais un an plus tard le Se Unsa publie un autre sondage qui montre une majorité de directeurs en faveur de l’Epep.

En 2015 le rapport Leloup et Caraglia, deux inspectrices générales, évoque l’EPEP comme solution aux dysfonctionnements des circonscriptions du 1er degré. Début mars 2017, la ministre publie des "engagements" en faveur des directeurs pour alléger leurs taches administratives. Ce qui revient à enterrer les Epep.

La question agite encore la campagne électorale des présidentielles de 2017. Plusieurs candidats se montrent favorables aux EPEP ou à l’intégration des écoles dans un réseau piloté par un collège. Jean-Michel Blanquer lui-même, dans son livre "L’école de demain", prend position en faveur des EPEP et de directeurs qui soient de véritables chefs d’établissement.

Un autre acteur n’a cessé de défendre l’idée de réduire fortement le nombre d’écoles et de mettre de vrais chefs d’établissement : la Cour des Comptes. Depuis 2010 elle a multiplié les recommandations en ce sens avec une grande constance. Ainsi en 2017, la Cour demandait : " Dans le premier degré, associer les directeurs d’école à l’évaluation des enseignants par l’IEN ; donner aux directeurs d’école et aux chefs d’établissement la responsabilité, dans certaines limites, de moduler la répartition annuelle des heures de service devant la classe en fonction des postes occupés et des besoins des élèves".

Depuis 2017 les rapports se sont multipliés mais pas forcément en gardant l’idée d’EPEP. En août 2018, le rapport des députées Valérie Bazin-Malgras et Cécile Rilhac propose de créer un corps nouveau de directeurs d’école recrutés sur concours à qui seraient confiées des écoles de plus de 10 classes. Les autres seraient regroupées et confiées à la gestion des principaux de collège. En septembre 2018, c’est l’OCDE qui s’en mêle pour demander elle aussi un statut de directeur d’école , supérieur hiérarchique capable de gérer une école autonome. Puis en octobre 2018 c’est le rapport de Marie Blanche Mauhourat et Ariane Azéma qui invite à regrouper les écoles rurales et les collèges dans des "écoles du socle".

Enfin la question est relancée par la loi Blanquer. Un amendement surprise de Mme Rilhac propose de confier la direction d’école à un personnel de direction sous autorité du principal de collège du secteur. Toutes les écoles seraient regroupées sous cette autorité en un seul établissement. L’amendement est combattu dans la rue par les enseignants. Les maires s’y opposent aussi. Finalement le ministre est obligé de retirer cet amendement de la loi Blanquer.

Le suicide de C Renon entraine l’ouverture d’un groupe de travail au ministère, d’une consultation des enseignants et d’une concertation syndicale. C’est au milieu de cette concertation que la proposition de loi Rilhac surgit avec un calendrier très rapide. La première version de la loi voit son texte totalement remanié en séance au dernier moment. Le Sénat rétablit l’autorité des directeurs d’école dans la 1ère lecture . En 2de lecture, en septembre 2021, l’Assemblée modifie le texte pour en retirer toutes les dépenses contraintes pour l’Etat. Et en octobre 2021 le texte arrive en seconde lecture au Sénat.

Quand la loi sera t-elle promulguée ?

Les deux textes du Sénat et de l’Assemblée nationale ne sont pas absolument identiques. Une commission mixte paritaire sera donc réunie. A l’issue des débats le seul point de désaccord porte sur la prise en charge de l’aide administrative. Le Sénat est hostile à toute contrainte pour les communes. L’Etat ne veut pas d’obligation non plus. Assemblée et Sénat devraient rapidement se mettre d’accord ne serait ce que sur le caractère très facultatif de cette aide administrative. La loi sera probablement promulguée en 2021.

François Jarraud

Le dossier législatif

Quand le ministère démontre l’inutilité de la loi Rilhac...

Extrait de cafepedagogique.net du 21.10.21

 

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