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Coup de chaleur d’un parent dans la ZEP de Soyaux

13 juin 2006

Extrait de « La Charente libre », le 13.06.06 : La communauté scolaire de Soyaux sous le choc après une agression

Le directeur de l’école Jean-Monnet a été giflé par l’oncle d’un élève. Les enseignants de la ZEP ont réagi en cessant les cours un quart d’heure

Julien Peyraut est encore sous le choc. Depuis trois ans, ce jeune directeur se battait pour rétablir la réputation de l’école primaire Jean-Monnet à Soyaux, au cœur de la ZEP et du Champ-de-Manœuvre. Une école difficile, avec une population particulièrement défavorisée et deux tiers d’enfants confrontés à une culture étrangère.

« Ce n’est jamais gagné. Mais avec mes collègues, on avait réussi à faire des choses, à améliorer l’image », assure-t-il. Et puis patatras. Vendredi en fin de matinée, deux enfants de CM1 sont en train de se chicaner. « Un d’eux a eu un geste un peu vif en direction de mon collègue. Je suis intervenu. Je l’ai saisi très calmement, je l’ai fait s’asseoir et je lui ai suggéré d’aller boire un coup et de se rafraîchir », raconte Julien Peyraut.

L’élève est parti chez lui. Cinq minutes plus tard, sa mère et son oncle ont fait intrusion dans la cour : « C’était un jeune de 24, 25 ans. Il m’a mis une bonne tarte et il m’a insulté. Heureusement que je suis resté calme, car cela aurait pu être bien pire. »

L’agresseur a immédiatement regretté son geste. Il s’est excusé. Mais cela ne suffit pas. Les nombreux enfants et parents d’élèves qui ont assisté à la scène ont été extrêmement choqués. Tout comme les enseignants des quatre maternelles, des trois primaires et du collège du secteur.

Symboliquement et solidairement, ils ont tous exercé leur droit de retrait hier pendant un quart d’heure. « Pour marquer le coup », explique Catherine Lavauzelle, la coordinatrice de la ZEP.

Deux autres incidents dans le quartier

Deux autres incidents nourrissent les inquiétudes des enseignants. Le même jour, une autre enseignante a été insultée par des parents d’élèves, à l’école Jean-Moulin, située dans la partie résidentielle de Soyaux.

Jeudi, c’est une marchande de légumes du quartier qui est venue protester. Elle avait appris qu’elle apparaissait, en arrière-plan, sur la vidéo réalisée par une classe de maternelle. « Elle n’était pas contente parce qu’elle était sans son voile, parce que son patron ne veut pas qu’elle le porte, alors que son mari, au contraire, l’exige », raconte Catherine Lavauzelle.

Trois incidents qui illustreraient un climat de tension dans le quartier ? « Pas du tout, assurent les enseignants. C’est vraiment un épiphénomène. Mais alors que nous menons un travail d’éducation à la solidarité, ces individualismes-là nous perturbent. On s’inquiète. On veut dire qu’on n’est pas dupe, qu’on ne nous empêchera pas de bosser. On ne peut pas accepter ce manque de respect et de confiance, des valeurs que l’on essaye d’enseigner aux élèves. »

Symboliquement, hier après-midi, les enseignants et les enfants se sont pris par la main au cours d’une ronde solidaire. Et dans la plupart des classes, on a échangé autour de l’agression. « Des enfants nous ont dit qu’ils seraient tristes si leurs parents agissaient de cette manière. Ils ont aussi dit qu’ils s’étaient comportés comme les enfants les moins sages, que la violence n’était pas la solution », rapportent les maîtres, émus.

Ils sont convaincus que leur message passe auprès du plus grand nombre : « On vient de le voir à travers le festival Zep’dit qui vient de s’achever. Pendant quinze jours, 5.000 personnes se sont croisées. Toutes les classes de Soyaux ont participé, des parents d’élèves se sont investis dans une chorale ou dans un atelier théâtre », insiste Catherine Lavauzelle. Elle ne voudrait surtout pas que cette agression vienne tout gâcher : « Même si on savait bien que l’on n’était pas à l’abri d’un pépin. »

Le soutien de l’inspecteur d’académie

Aujourd’hui, alors les cours reprendront normalement dans les établissements scolaires de Soyaux, les enseignants se réuniront pendant la pause déjeuner pour discuter de nouveau et envisager d’éventuelles suites à donner.

Ils devraient recevoir la visite de soutien de l’inspecteur d’académie. « Ce qui s’est passé est inacceptable pour des enseignants qui s’investissent comme eux dans leur quartier. Je comprends leur émotion, a vigoureusement réagi hier Philippe Carrière. Julien Peyraut est un directeur super, qui réalise un excellent travail dans son école. »

Le patron de l’Education nationale prendra également contact avec le procureur de la République pour aborder les suites pénales de l’agression

Armel Le Ny

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