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Thèse. Les stéréotypes de genre véhiculés par le personnel enseignant et les garçons à l’égard de la relation enseignant-élève au secondaire, par Carl Beaudoin, Université de Sherbrooke (Québec), 2020, 424 p.

4 juin 2021

Les stéréotypes de genre véhiculés par le personnel enseignant et les garçons à l’égard de la relation enseignant-élève au secondaire

Depuis quelques années, certains chercheurs au Québec et en Europe soulèvent l’hypothèse d’un lien possible entre la faible représentativité des hommes en enseignement et certaines difficultés sociales ou scolaires des garçons (Carrington, Tymms et Merrell, 2008 ; Royer, 2011). Les recherches connues à ce jour ne montrent pas la présence d’une relation directe entre le sexe du personnel enseignant et la réussite scolaire des garçons (Carrington, Francis, Hutchings, Skelton, Read et Hall, 2007). C’est cette absence de relation qui nous a amené à nous intéresser à d’autres variables susceptibles de porter un éclairage sur la relation enseignant-élève (REE), dont le genre qui est l’expression des rôles ou des comportements attribuables au masculin ou au féminin.

Pour nous guider dans cette entreprise, nous avons fait intervenir un cadre de référence portant sur les paradigmes d’interprétation dans lesquels différentes relations exercées entre les concepts de sexe et de genre ont été décrites (Baril, 2015). Au cours de cet exercice définitoire, il nous a été donné de voir que le conformisme social joue un rôle déterminant dans l’expression du genre par sa force à maintenir les hommes et les femmes dans des rôles attribués en fonction de leur sexe, et ce, depuis des siècles (Mosconi, 2017). De là, est émergé un autre concept qu’est celui des stéréotypes de genre désignant le processus de généralisation d’attitudes pour un sexe ou pour l’autre. Reconnaître que les stéréotypes de genre s’actualisent encore aujourd’hui, c’était reconnaître de plus qu’ils s’immiscent dans la REE (Quenzel et Hurrelman, 2013). C’est pourquoi nous avons par la suite brossé le portrait de la REE sur ses aspects affectif, cognitif et social. Sur le plan affectif, nous nous sommes appuyé sur les fondements de la théorie de l’attachement (Bowlby, 1969 ; Pianta, 1999), pour mettre en évidence ses influences possibles dans le développement de la REE au secondaire.
En raison des limites qu’impose une perspective ancrée dans l’attachement et ne tenant pas suffisamment compte de l’apprentissage, nous nous sommes tournés vers des théories qui opérationnalisent les processus relatifs à la connaissance. C’est ainsi que, sur le plan cognitif, nous avons focalisé sur les déterminants de la médiation didactique (Numa-Bocage, 2007) de même que sur la théorie de l’autodétermination (Ryan et Deci, 2000) afin de mettre en lumière la dimension de l’apprentissage qui est présente entre le personnel enseignant et les élèves. Conscients que les plans affectif et cognitif de la REE s’inscrivent dans un contexte social donné, nous avons mis en exergue les aspects sociaux qui empreignent tout comportement en classe (Durkheim, 2014).
L’établissement de ce cadre de référence nous a permis de poser cette question spécifique de recherche : Quels sont les stéréotypes de genre véhiculés par le personnel enseignant et les garçons à l’égard de la REE au secondaire ? À cette question, nous avons associé les objectifs de recherche suivants : 1) décrire les perceptions déclarées du personnel enseignant à l’égard des relations qu’ils entretiennent avec les garçons ; 2) décrire les perceptions déclarées des garçons à l’égard des relations qu’ils entretiennent avec le personnel enseignant ; 3) identifier les stéréotypes de genre véhiculés par le personnel enseignant et les garçons dans leurs perceptions déclarées à l’égard des relations qu’ils entretiennent mutuellement. S’inscrivant dans une épistémologie de recherche qualitative interprétative, notre méthodologie de recherche a été élaborée sur la base d’un échantillon de convenance de 18 enseignants, de 19 enseignantes et de 86 élèves, des garçons, provenant de deux écoles secondaires de la région du Centre-du-Québec.
Afin de collecter nos données relatives à la REE ainsi qu’aux stéréotypes de genre, nous avons privilégié l’entrevue semi-dirigée, le groupe de discussion ainsi que le questionnaire d’enquête auprès du personnel enseignant et des élèves garçons. Afin d’analyser notre corpus de données qualitatives, nous avons procédé à une analyse thématique (Paillé et Mucchielli, 2010) dans la description de la REE ainsi qu’à une analyse par catégories conceptualisantes (Paillé et Mucchielli, 2010) dans la mise en évidence des stéréotypes de genre véhiculés à l’égard de la REE. Les principaux résultats obtenus à la suite de l’analyse thématique des perceptions déclarées du personnel enseignant et des garçons à l’égard de leurs relations montrent que la qualité de la REE demeure importante pour les deux parties. En effet, les qualificatifs qu’évoque le personnel enseignant sont généralement positifs pour décrire la REE (p. ex. : importante, nécessaire, bonne), tout comme c’est le cas pour les garçons (p. ex. : normale, stable). Concernant la gestion de classe, la REE tend à être plus coercitive et interventionniste chez les enseignants que chez les enseignantes. Quant aux enseignantes, elles expriment des propos montrant qu’elles font figure de confidentes sur le plan des difficultés personnelles des garçons, ce qui est non sans rappeler que l’on attribue aux femmes de manière stéréotypée leur prédisposition naturelle à prendre soin des autres (Garrau et Le Goff, 2010). Sur le plan des situations conflictuelles, les enseignants mettent l’accent sur leurs relations conflictuelles avec les garçons, tout en précisant qu’ils parviennent à résoudre plus aisément leur conflit avec les garçons qu’avec les filles.
En ce qui concerne les garçons, ils mettent en lumière les conflits qu’ils vivent principalement avec les enseignantes à l’endroit desquelles ils manifestent des comportements violents et intimidants. Par ailleurs, nos résultats ont révélé que les enseignants perçoivent une faible autonomie chez les garçons en classe. D’ailleurs, les enseignants sont plus susceptibles que les enseignantes de se désengager auprès des garçons. Sur le plan affectif de la REE, les enseignants signalent qu’ils craignent que leurs gestes soient perçus comme une tentative d’abus physique ou sexuel (p. ex., toucher l’élève, taper sur son épaule en signe d’encouragement). Parallèlement, la question de séduction s’est introduite dans le discours des garçons au regard de leurs relations avec les enseignantes. Ils relèvent d’ailleurs que certaines caractéristiques physiques ou personnelles des enseignantes (p. ex. : beauté physique, voix douce) sont susceptibles d’influencer leurs relations avec ces dernières. Soulignons toutefois que nos résultats ne permettent pas de montrer dans quelle mesure ce sentiment d’attirance ou de séduction contribue précisément à la REE. Durant l’analyse de nos résultats visant à identifier les stéréotypes de genre véhiculés par le personnel enseignant et les garçons dans leurs perceptions déclarées à l’égard de leurs relations, notre travail d’analyse par catégories conceptualisantes a permis de mettre en évidence que les stéréotypes de genre persistent encore en classe, notamment en montrant que les enseignantes sont perçues par les garçons comme étant plus sujettes aux états émotifs que les hommes, et que ces derniers sont portés à ne pas exprimer leurs émotions en présence des garçons. Du côté du personnel enseignant, les enseignantes articulent des pratiques d’enseignement qui misent sur les intérêts stéréotypés des garçons, alors que les enseignants engagent des discussions avec les garçons sur la base de sujets qui s’avèrent être stéréotypés masculins (p. ex. : les sports, les loisirs).

URI
Le texte intégral

Extrait de savoirs .usherbrooke.ca} de 2020

 

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Note du QZ : Sur le site OZP, le croisement des deux mots-clés (groupe 5) "Inégalités de "genre" et "Ethnicité, Racisme, Immigration" apporte une dimension ethnique qui n’est pas abordée dans la thèse canadienne.

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