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Où l’on reparle de discrimination positive (Le Monde)

26 octobre 2004

Extrait du « Monde » du 16.10.04 : où l’on reparle de discrimination positive

Un cercle patronal lance des propositions iconoclastes pour lutter contre les discriminations. L’Institut Montaigne refuse les quotas.

« En France, la lutte contre les discriminations a les mains propres mais elle n’a pas de mains. » Le dispositif de lutte contre les discriminations est complet mais il demeure inefficace. Il le demeurera aussi dans les entreprises tant que ce qui fonde la discrimination ne sera pas nommé et leurs victimes potentielles recensées. Le constat, sans complaisance, émane des sphères de réflexion patronale. L’Institut Montaigne devait publier, vendredi 15 octobre, une étude intitulée Ni quotas ni indifférence : l’entreprise et l’égalité positive, et rédigée par un de ses chercheurs associés, Laurent Blivet.

L’Institut, club de réflexion libérale à destination des entreprises, créé par le fondateur d’AXA, Claude Bébéar, a tenté de réfléchir sur les dispositifs d’évaluation des discriminations raciales au sein des entreprises. L’étude commence par dresser un tableau des obstacles institutionnels et politiques à toute action offensive contre les discriminations raciales.

Le premier est d’ordre sémantique. L’idéal républicain universaliste a du mal à prendre en compte les phénomènes de racisme et de discrimination. Les pouvoirs publics ont beau afficher une détermination dans la lutte contre ces phénomènes, ils sont "incapables de parler explicitement du facteur qui les fonde : la race". En clair, il est impossible de dire qu’un Africain ou un Maghrébin sont victimes de discrimination parce qu’ils sont noir ou arabe. "Or c’est la façon la plus pertinente de saisir la manière dont fonctionne aujourd’hui la grande majorité des discriminations", insiste M. Blivet. Il propose ainsi de parler de "différence visible".

La deuxième difficulté découle de cette impossibilité à nommer. Comme on demeure dans l’idéal égalitaire comme "promesse républicaine", l’Etat est incapable de garantir une "égalité réelle" pour tous. Un "marché de dupes" qui entraîne frustrations, rancœurs et sentiment de "racialisation de la société" : les discriminés ont l’impression non démentie qu’ils sont cantonnés à des rôles et que cette situation aboutit à une "stratification sociale basée sur la couleur de la peau". Pour remédier à cette situation, l’Institut Montaigne propose de mettre en œuvre une politique d’"égalité positive", qui ne soit ni celle des quotas, ni celle du laisser-faire. Il s’agirait d’une "vigilance" aux obstacles dressés dans l’accès des jeunes issus de l’immigration et des étrangers à l’entreprise qui conduirait à une meilleure représentation des minorités visibles en son sein.

Indicateurs quantifiés

La première urgence pour réaliser cette politique serait la mise en place d’"indicateurs quantifiés" pour saisir la représentation de ces minorités. En clair, un outil statistique capable de "mettre en lumière les discriminations". L’auteur préconise d’introduire des catégories permettant d’avoir une "connaissance ethno-raciale" des salariés d’une entreprise : un tel dispositif servirait à la fois à mettre en lumière des discriminations existantes et à montrer les progrès vers une plus grande diversification des recrutements. Il prône l’adoption, par les entreprises, d’indicateurs objectifs basés sur des "déclarations anonymes et volontaires" par les salariés de leur appartenance nationale ou d’origine. Une proposition qui ne manquera pas de provoquer des réactions.

M. Blivet propose aussi la mise en place d’un groupe de travail chargé de coordonner les données recueillies et les initiatives prises dans chaque secteur. Autre piste, la formalisation d’engagements de l’entreprise à de "bonnes pratiques" dans un document signé par les partenaires sociaux fixant des objectifs de diversification de la composition du personnel et les moyens pour y parvenir.

Cela peut passer, note l’auteur, par une formation à la non-discrimination, un tutorat pour les personnes immigrées pour leur faire accéder à des ressources qui conditionnent l’avancement, un changement des pratiques de recrutement (abandon des CV classiques, entretiens collégiaux des candidats, tests sur les compétences requises pour un poste et non sur les qualifications...). En clair à une évaluation du travail des ressources humaines au regard des objectifs définis en matière d’égalité.

Sylvia Zappi.

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