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Colloque national de l’OZP du 5 décembre : présentation des axes 1, 2 et 5 du référentiel (Anne Armand)

14 décembre 2020

PRÉSENTATION DES AXES 1, 2, ET 5 ET QUESTION EN DÉBAT« AUTONOMIE ET PRESCRIPTION PÉDAGOGIQUE »

 

 AXE 1 - « LIRE, ÉCRIRE, PARLER » ET ENSEIGNER PLUS EXPLICITEMENT

La lecture des réponses aux questions de l’axe 1 fait émerger cinq constats.

Premier constat : Les termes qui reviennent en plus grand nombre dans les réponses ne sont pas ceux de l’intitulé de l’axe 1, mais ceux qui se réfèrent au travail collectif.

Sur les 80% de réponses notant une évolution positive, 51 % le font par des termes relevant du collectif :
  Les termes qui désignent les acteurs : tous / tout – l’emploi du pronom « nous », des adjectifs « commun », « collectif »
  Ceux qui disent la continuité : du cycle 1 au cycle 3 – du CP au collège – du cycle 1 au cycle 4, les mentions du « réseau »
  Ceux qui évoquent directement le travail collectif : aller voir les collègues – observations croisées – échanges – partage –– mutualisation –co-intervention, etc.).

On les trouve aussi pour les obstacles. Les réponses pointent le manque de collectif :
o le manque de temps pour travailler ensemble (deuxième obstacle mentionné après les moyens humains)
o la disparition du maître supplémentaire qui permettait la co-intervention,
o le manque de culture commune entre premier et second degrés,

On les trouve également pour les leviers, pour ceux qui dépendent de l’initiative des acteurs, sont évoqués dans les mêmes termes : se doter d’outils communs et de méthodes communes, travailler ensemble, se former entre pairs. C’est le deuxième levier envisagé, après les moyens humains.

La dynamique collective est donc centrale pour favoriser la mise en œuvre du « lire, écrire, parler et enseigner plus explicitement ».

Deuxième constat : le relevé des termes de l’intitulé de l’axe 1

1) La question du lire – écrire – parler (début du libellé) est désormais bien partagée entre tous les acteurs, que ce soit déjà un acquis, ou un obstacle identifié.

On en retient particulièrement :

a) Une double avancée didactique :
  l’émergence forte et nouvelle du travail sur l’oral,
  et la préoccupation largement exprimée, aussi bien dans les évolutions positives que dans les obstacles rencontrés, concernant l’acquisition du lexique.

b) Une deuxième avancée didactique et pédagogique : la prise en compte plus collective des apprentissages langagiers

D’autres champs de réflexion et d’action que le cadre strict du lire – écrire – parler sont listés dans les évolutions positives :
o le travail de différenciation et l’organisation d’ateliers de besoin, d’ateliers individuels, la mise en place de tutorat,
o la mise en place de tâches complexes au cycle 3,
o la mise en œuvre d’une évaluation positive,
o la prise en compte de la grande difficulté scolaire…

Les difficultés dans les apprentissages linguistiques et langagiers cessent d’être traitées uniquement dans le cadre de l’enseignement technique du lire – écrire, mais en variant les méthodes pédagogiques, et en prenant en compte l’élève « globalement ».

c) Une appréhension cohérente du référentiel : l’association entre les priorités

Quand on leur demande ce qui est le plus important pour la réussite des élèves, les répondants privilégient largement la priorité 1 du référentiel, ce qui est attendu puisqu’on est dans l’axe 1,
  mais en rappelant aussi que les priorités sont toutes importantes
  et en parlant plus particulièrement de la priorité 2, l’exigence et de la bienveillance nécessaires pour bien répondre à la priorité « écrire, lire, parler » (46 % des réponses).

2) Par contre, pour la fin du libellé, la référence à un enseignement plus explicite dont les chercheurs font une des clés de la progression dans les apprentissages pour les élèves de l’éducation prioritaire, est beaucoup moins présente, et l’éparpillement des réponses selon les académies retient l’attention :
  dans six académies les répondants ne citent jamais un de ces termes,
  dans onze autres ils ne le citent qu’une seule fois ;
  seules les réponses venant de trois académies permettraient de penser que la notion se diffuse.

Troisième constat : la référence constante aux moyens humains (ce qui aurait pu ne pas émerger)

  26 % des réponses citent comme évolution positive le dédoublement des CP et CE1, 30 % la présence de personnels supplémentaires. Dans les deux cas, ce sont des moyens humains qui permettent la mise en œuvre de l’axe 1.
  Ces réponses croisent celles qui sont apportées à propos des obstacles (manque de moyens humains) et à propos des leviers (souhait de personnels supplémentaires).

Quatrième constat : la place de la formation dans les réponses

  Les répondants évoquent peu la formation comme moteur des évolutions positives (12 % des réponses exprimées),
  et ils ne sont pas plus nombreux à voir dans l’absence de formation un obstacle à la mise en œuvre de l’axe 1 (13 % des réponses exprimées).
  Heureusement, ils sont 30% à citer la formation comme un levier. Ils l’évoquent sous le signe du collectif, de la formation vécue en commun, de la formation par les pairs, des échanges et des analyses partagées. Nous y reviendrons.

Cinquième constat : la place accordée aux conditions socioculturelles et socioéconomiques dans lesquelles vivent les élèves

Elles auraient pu être mises en avant parmi les obstacles à la mise en œuvre de l’axe 1, ce qui n’est pas le cas. Les obstacles sont clairement identifiés par les acteurs :
  ils sont d’ordre structurel (manque de personnels supplémentaires, spécialisés ou non ; manque de temps de travail collectif, turnover des pilotes et des enseignants)
  ils sont également imputés aux acteurs eux-mêmes (absence de culture commune inter cycles donc absence de continuité dans les méthodes et de cohérence dans les progressions, résistance au changement didactique et/ou pédagogique, non adhésion au collectif de travail).

Mais les réponses qui chercheraient à dédouaner les acteurs de leurs difficultés à mettre en œuvre l’axe 1 au prétexte que ce « type d’élève » (venant d’une famille qui ne parle pas le français, qui ne le motive pas, lui-même ayant des difficultés de concentration, voire étant non motivé et perturbateur…) sont quasi inexistantes.

Pour conclure : on retiendra l’intérêt évident des acteurs pour la question sur les leviers pouvant améliorer la situation. Précisément, dans leurs réponses, on note un équilibre entre
  les leviers qui dépendent d’une décision politique, nationale ou académique, nécessitant des moyens humains (40 %),
  les leviers qui dépendent de l’initiative du terrain (35 %),
  et les leviers qui dépendent de l’une et de l’autre (32 %).

Ainsi, les acteurs espèrent des aides venues de l’extérieur, mais comptent aussi sur leur propre dynamique, ce qui est particulièrement positif.

En contrepoint, quelques réponses, pour peu nombreuses qu’elles soient, font entendre que tous les acteurs ne sont pas également impliqués, ne partagent pas l’esprit de l’éducation prioritaire, ni même peut-être n’en partagent la lettre. Nous ouvrons là vers deux des questions en débat, celle des ressources humaines (recrutement – nominations) et celle des rapports entre autonomie et prescription pédagogique.

 

 AXE 2 – BIENVAILLANCE ET EXXIGENCE

Le dépouillement des réponses concernant cet axe a été difficile, car les réponses semblaient partir dans de multiples directions. Nous verrons deux explications possibles à ce constat. Mais d’abord, voici ce qu’on dit les répondants, de façon globale puis autour des trois catégories acquis / obstacles / leviers.

I- Ce que disent les répondants

De façon globale, les acteurs de l’éducation prioritaire adhèrent manifestement aux recommandations de bienveillance et d’exigence, le fort taux de réponse en atteste (82%). Parmi eux, 91% expriment une évolution positive. Les deux concepts sont très largement partagés ; les équipes disent souvent qu’elles les portaient déjà dans leur exercice professionnel avant la refondation. La moitié des réponses qui dressent un constat négatif expriment plus une difficulté dans la mise en œuvre de l’axe 2 que sa non prise en compte.

Dernière remarque générale : on compte 40 occurrences du terme « bienveillance » et 35 du terme « exigence » ou termes de même racine. Mais c’est l’une ou l’autre de ces deux notions qui est évoquée, et non leur association, « bienveillance ET exigence ».

1) Les acquis

Les réponses touchent trois domaines :

  les relations avec les familles : La première caractérisation d’une école bienveillante et exigeante est d’avoir une attention particulière aux familles des élèves. En témoigne le nombre d’occurrences des termes « famille » (15 occurrences) et « parents » (17 occurrences), soit 32 occurrences au total, presque autant que le terme « exigence ». On note des remarques proches de celles qui apparaissent pour l’axe 3.

  les pratiques d’évaluation : 27 % des réponses citent des formes d’évaluation, des outils d’évaluation, des réflexions sur l’évaluation (avec en particulier la remise en question de la notation chiffrée au profit de l’évaluation des compétences selon d’autres modalités considérées comme « plus positives »).

  le climat scolaire avec deux sous-ensembles, le bien-être des élèves et la gestion comportements. Dans les réponses venant des collèges, on évoque particulièrement
o des outils concernant le vivre ensemble : outils individuels comme les échelles de comportement, le permis citoyen, et outils collectifs, comme les conseils des élèves…
o des réflexions et dispositifs pour lutter contre les sanctions et les exclusions.

Comme pour l’axe 1, cette avancée trouve sa source et se traduit dans l’apparition de fortes dynamiques collectives. Ces nouvelles postures professionnelles garantissent
  un suivi plus fin du parcours des élèves,
  des décisions communes d’explicitation des attendus de l’école ;
  une harmonisation chez tous les acteurs de la relation à l’élève, dans la dimension climat scolaire, comme dans la dimension pédagogique : le fait de confronter les élèves à un enseignement cohérent est synonyme pour les répondants de bienveillance.
o A propos de dynamique collective, parmi les formations ou groupes de recherches mentionnés, plusieurs associent ATSEM et enseignants.

2) Les obstacles

Obstacle relevant des acteurs eux-mêmes :

Les obstacles que citent en premier les répondants relèvent de tout ce qui peut menacer ces dynamiques collectives :
  postures individualistes, difficultés à faire réseau, entraînant spécifiquement pour l’axe 2
o des pertes d’informations dans le suivi des élèves,
o des incohérences entre enseignants dans les modalités d’évaluation, dans la définition des exigences, dans la place accordée au climat scolaire,
  et non adhésion ou compréhension divergente des concepts de bienveillance et d’exigence, nous allons y revenir.

Obstacles relevant du fonctionnement institutionnel :

Comme pour l’axe 1, sont mentionnés dans les obstacles le manque de personnel, spécialisé ou non, et la question des ressources humaines (personnel inexpérimenté, nombre de demi-postes, congés non remplacés, turnover…).

Mais les répondants pointent aussi trois obstacles spécifiques :
  des politiques inconstantes :
o des évaluations nationales qui percutent la mise en œuvre d’autres formes d’évaluation,
o le passage d’un objectif de réduction des écarts entre EP et hors EP de 10% au DNB fixé par la refondation à un objectif de 100% de réussite à l’évaluation de cycle 2,
  la lourdeur des programmes qui font obstacle à la bienveillance,
  le LSU, qui est un outil mal adapté aux pratiques d’évaluation positive.

3) Les leviers

Leviers relevant du fonctionnement institutionnel

  Pour 32% des répondants, des moyens supplémentaires pour réduire les effectifs, la présence de personnel spécialisés.
  Pour 21 %, des formations (thématiques éparpillées).

Levier dépendant de l’initiative des acteurs eux-mêmes

  Le troisième levier envisagé est une meilleure utilisation du temps mis à disposition pour travailler ensemble sur quatre domaines :
o Le travail d’équipe
o l’évaluation des élèves
o la relation aux familles
o la liaison inter degrés

II- Deux explications à nos difficultés d’analyse des réponses

Au-delà de ce qu’ont dit les répondants, revenons sur nos difficultés à analyser clairement leurs réponses. Nous pouvons proposer deux explications.

1) Des concepts mal cernés

On note dans les réponses exprimant une évolution positive une forte présence, plus marquée que pour les autres axes du questionnaire, de formulations qui sonnent comme autant de déclarations de principe : parler de la bienveillance et de l’exigence, c’est toucher un principe fondamental de l’enseignement en éducation prioritaire.

Mais il est difficile de cerner exactement ce qui conduit les répondants à ce jugement, tant le détail des réponses est varié. Cela tient au fait que, contrairement aux questions de l’axe 1 qui interrogent des actes professionnels définis, l’axe 2 vise deux concepts peu ou non définis, la bienveillance et l’exigence.

La notion d’exigence est inscrite dans trois perspectives :
  notion d’exigence associée à une offre culturelle exceptionnelle ;
  notion d’exigence mise en relation avec les objectifs des programmes
  notion d’exigence participant à la réflexion pédagogique centrale de l’éducation prioritaire, : « jusqu’où aller dans les classes dans l’adaptation pour ces élèves en difficulté, comment maintenir une exigence sans être malveillant par rapport à leurs compétences ».

De plus, l’exigence peut être référée aux élèves (ils manquent d’exigence), ou aux familles et non aux acteurs (les familles manquent d’exigence, elles ne suivent pas le travail).

Pour la bienveillance, on note une confusion entre bienveillance dans la sphère privée et bienveillance dans la sphère professionnelle. La bienveillance dans les apprentissages est largement méconnue.

Notre hypothèse sur ces erreurs de représentations et de définitions est confortée par ce que disent les répondants de relations conflictuelles au sein des équipes de représentations et de définitions :
  certains s’arc-boutent sur les exigences, craignant que la bienveillance signifie qu’on braderait la qualité de l’enseignement en éducation prioritaire. Bienveillance signifierait renoncement à l’exigence ;
  des critiques sont exprimées à l’encontre de ceux qui confondent exigence et autoritarisme, ou encore ont un niveau d’exigence défini personnellement par opposition à une définition d’exigences communes ;
  certains refusent d’adhérer aux décisions prises collectivement sur de nouvelles modalités d’évaluation, jugeant qu’elles sont des leurres ou qu’elles font perdre du temps.

Enfin, signe majeur d’une compréhension floue des enjeux de l’axe 2 : une seule réponse se confronte au cœur de la réflexion, la « conjugaison » de la bienveillance et de l’exigence. Or c’est le couple des deux termes qu’il s’agit de prendre en compte.

La formation sur la définition et le couplage des deux concepts (travailler sur l’association bienveillance et exigence dans les apprentissages) est donc une nécessité, même si les répondants ne l’expriment pas (pour 8% seulement des répondants, l’absence de formation est un obstacle ; pour 21% la formation est un levier, alors que c’en est un pour 30% des répondants dans l’axe 1).

2) Le référentiel mal connu

C’est surtout le titre de l’axe 2 qui est connu, mais les rubriques qui l’organisent ne sont pas évoquées dans les réponses. On ne retrouve pas les termes précis du référentiel.

Ainsi, la première rubrique de l’axe 2 a pour titre projets et organisations pédagogiques éducatives ; ce sous-titre n’est présent explicitement que dans une seule réponse.

Pour les sept items qui déclinent ce titre on relève :
  « l’accueil des moins de trois ans » est cité dans dix réponses, et le « climat scolaire » dans dix également ;
  sept seulement mentionnent la « lutte contre l’absentéisme »,
  cinq le « travail personnel de l’élève »,
  trois le « principe de l’hétérogénéité »,
  trois le « bien-être des élèves »,
  aucune la « politique d’orientation » ;
  seule la continuité école – collège est largement citée.

Le titre de la deuxième rubrique, l’évaluation des élèves, est bien connu, comme quatre des cinq items qui le déclinent, mais l’absence de ce cinquième item alerte : deux réponses seulement mentionnent le statut de l’erreur, alors que la rédaction du référentiel place en tête de cette entrée : « L’erreur est considérée comme source d’apprentissage. »

Le même constat s’impose à propos de la troisième rubrique, le suivi : l’idée de suivi est très largement présente dans les réponses, mais les termes précis qui déclinent cette idée sont absents :
  l’existence d’un groupe de prévention contre le décrochage (GPDS) n’apparaît qu’une seule fois,
  comme celle d’une commission de suivi ou du tutorat,
  et il n’y a que deux occurrences seulement d’un coordonnateur de niveau.

Pour conclure, nous dirons comme pour l’axe 1 que la lecture des réponses de l’axe 2 apporte un vrai réconfort : les réponses expriment de façon explicite une transformation professionnelle, comme en témoigne le relevé du terme « changement » :
  changement dans la relation école – famille
  changement dans la relation à l’élève, dans le regard sur l’élève induit par le terme bienveillance, qui se traduit dans une « meilleure acceptation des différences de niveau et des difficultés de chacun ».

 

 AXE 5 - L’ACCUEIL, LA FORMATION, LE SOUTIEN DES PERSONNELS

Le dépouillement des réponses montre qu’il reste, en ce domaine, bien du chemin à parcourir pour répondre aux attentes et aux besoins.

1) Les acquis (évolution positive)

37 % des répondants ne renseignent pas la question sur les évolutions positives, ou disent qu’il n’y en a pas eu, ce qui est un pourcentage élevé par rapport à l’évaluation positive notée dans d’autres axes.

La moitié de ceux qui estiment qu’il y a eu évolution positive parlent l’accueil (on évoque des temps dédiés, des formations, du tutorat ou des découvertes de l’environnement au moment de l’accueil des professionnels entrant dans le réseau) et non de la formation, pour laquelle on perçoit nettement moins de satisfaction.

Est considéré comme une évolution positive le temps supplémentaire dédié, avec une confusion fréquente entre temps de formation et temps de concertation. Cette confusion ou assimilation est significative de l’idée que, pour certains répondants, la formation se ferait seulement ou principalement entre pairs.

La dynamique collective est-elle un des acquis comme dans les autres axes ? Dans près de la moitié des réponses exprimées, les priorités de formation ne sont pas dégagées collectivement dans le réseau :
  56% des réponses exprimées font état d’un travail collectif,
  44% d’une absence de travail collectif,
  un quart des répondants disent ne pas pouvoir répondre à la question du choix des priorités de formation.

Si on ajoute les réponses « je ne peux pas répondre » (car s’il y avait eu concertation, le répondant le saurait sans doute) et « pas réellement », on constate qu’on est loin de pouvoir dire que la concertation dans le réseau est une pratique établie.

Par rapport aux autres axes et à la place centrale d’une dynamique professionnelle collective qu’on y a relevée, ce constat sonne comme un véritable contrepoint.

2) Les obstacles

Trois obstacles sont mentionnés pour expliquer le bilan négatif concernant la formation :

  l’excès d’apports théoriques, au détriment de construction de séquences ou de séances, d’exemples d’activités, d’élaboration d’outils (d’où sans doute la valorisation de la formation entre pairs) ;
  la non adéquation entre les besoins des acteurs et la formation suivie. Les répondants regrettent des formations décidées d’en haut et la qualité pas toujours avérée des formateurs ;
  le temps accordé à la formation, avec quatre caractéristiques négatives :
o saupoudrage,
o appropriation rendue impossible,
o décalage temporel entre le moment de la formation et le ressenti du besoin,
o absence d’un temps pour transmettre et conserver la mémoire du réseau.

Les réponses permettent ici et là de caractériser une formation réussie :

  une formation qui répond aux besoins des équipes, qui sont associées à la définition de leurs priorités (alors qu’elles ont le sentiment aujourd’hui d’être étouffées par le choix imposé de formations en français et mathématiques),
  un formateur compétent,
  une formation inscrite dans la durée,
  commune aux acteurs (des écoles, d’un cycle, en inter-degrés, du réseau),
  qui permet la construction d’outils ou de séances, la mutualisation entre pairs, la mise en œuvre en classe, son observation et un retour réflexif.

S’exprime là une contradiction profonde entre ce qui est aujourd’hui ressenti sur le terrain du fait des nouvelles orientations nationales et une perspective essentielle de la refondation de l’EP, la nécessité de professionnaliser les équipes enseignantes en les responsabilisant et en les outillant.

3) Les leviers, dans l’axe 5 et dans les autres axes

La formation est considérée comme un levier :
  pour 30 % des répondants pour la mise en œuvre de l’axe 1,
  pour 21 % à propos de l’école bienveillante et exigeante (axe 2),
  pour 13 % au sujet de la relation avec les familles et les partenaires (axe 3),
  enfin, c’est le deuxième levier évoqué dans l’axe 6 pour améliorer la qualité du pilotage.

La formation figure bien parmi les leviers, de façon plus ou moins importante mais jamais de façon majeure. Et les réponses aux questions de l’axe 4 comme de l’axe 5 sont là pour dire en même temps toute sa fragilité actuelle :

  priorités de formation non définies collectivement et donc ne répondant pas nécessairement aux besoins des acteurs,
  hyper valorisation de la formation entre pairs (confondue avec la concertation) aux dépens de la formation conduite par un formateur extérieur ;
  qualité critiquée des formateurs,
  manque de formation des pilotes.

 

AUTONOMIE ET PRESCRIPTION PÉDAGOGIQUE

Je parle à partir de maintenant à la première personne, car la question est en débat entre nous au sein même du comité scientifique.

Constat :
  Quelques répondants ont reproché au référentiel de ne pas donner d’outils concrets.
  D’autres, plus nombreux, ont exprimé le besoin d’outils dont l’efficacité est avérée.

Autrement dit, « dites-nous comment faire ». Faut-il souhaiter une livraison d’outils « clé en main », des prescriptions d’outils validés par la science, au risque de limiter la liberté pédagogique ?

Je renverse la perspective : faut-il accepter sans l’interroger le discours qui prône de faire confiance au terrain pour trouver les solutions aux difficultés rencontrées, de laisser les équipes libres de leur choix, au nom du respect de la liberté pédagogique et de la créativité des équipes ?

Actualité de la question

Le SNES vient de publier dans l’US d’octobre le compte-rendu de ses travaux sur l’éducation prioritaire dont un chapitre porte
  en titre : « Les pratiques en éducation prioritaire : la main aux équipes »
  et en sous-titre en gras : « Les injonctions pédagogiques pleuvent sur les équipes pédagogiques, et en particulier en éducation prioritaire. Il est temps de reprendre la main ».

Le SNES martèle l’opposition entre initiatives des acteurs et injonctions venues de la hiérarchie (en particulier dans les trois petits paragraphes de l’encadré consacré au temps de pondération).

Dans le climat politique actuel au ministère de l’éducation nationale, on comprend tout à fait cette revendication de laisser l’initiative au terrain et de refuser que tout soit imposé pédagogiquement via la tutelle hiérarchique.

C’est d’ailleurs ce qui s’est exprimé fortement dans les réponses à l’axe 5.

Cela dit, de façon moindre mais cependant réelle, certains répondants ont revendiqué le droit à ne pas travailler avec les autres, au nom de la liberté pédagogique. D’autres ont pointé un usage hypocrite de la liberté pédagogique, qui « a bon dos », qui permettrait en fait de ne pas s’engager dans l’analyse des pratiques pédagogiques et le changement.

Un autre angle d’attaque

C’est sous un autre angle que je souhaite poser la question du rapport entre l’autonomie pédagogique et les prescriptions pédagogiques, autour de l’articulation entre institution / chercheurs / formateurs / acteurs.

En dépouillant les réponses concernant la connaissance du référentiel, j’ai été choquée de lire qu’une personne nouvellement nommée à la direction d’une école n’avait pas lu le référentiel parce qu’elle n’en avait pas eu le temps au milieu de tout ce qu’imposait sa prise de fonction. Choquée non pas par ce qui était dit mais par ce que ces propos révélaient d’une situation professionnelle à mes yeux inconcevable : où était l’IEN, le conseiller pédagogique, qui n’avaient pas eu le temps / qui ne s’étaient pas sentis dans l’obligation de présenter à cette nouvelle directrice la boîte à idées, la boîte à outils, qui pouvait l’aider dans sa prise de fonction ?

En tant qu’ex inspectrice, je souhaiterais que l’encadrement pédagogique ait l’obligation de donner aux nouveaux personnels les moyens de gagner du temps dans leur prise de fonction. Je souhaiterais que la présentation du référentiel soit prescrite.

Je ne pense pas seulement à l’encadrement pédagogique. Plusieurs répondants ont déclaré qu’ils n’avaient pas lu le référentiel, ou qu’ils l’avaient découvert à l’occasion de notre enquête. Où sont les collègues, les pairs, qui auraient dû assurer cette passation ? Je souhaiterais que cette passation soit prescrite.

Et pourquoi ne pas prescrire quand les travaux des chercheurs proposent des méthodes, des outils que leurs travaux valident ? C’est ce que propose le référentiel, sauf qu’il n’est pas prescriptif. C’est aussi, paradoxalement, ce que propose le SNES tout en revendiquant de laisser l’initiative aux acteurs : les travaux de cinq chercheurs ou courants de recherches, présentés à la fin de l’article, doivent être mis à la disposition des équipes », écrit le SNES.

Ne pas dire ce qu’il faut faire,
  c’est donner aux acteurs la pleine responsabilité de leur action, certes ;
  c’est aussi risquer de les laisser dans l’ignorance des acquis de la recherche et l’inconfort ;
  voire, c’est faire peser sur de petits collectifs des questions fondamentales dont ils ne peuvent décider seuls ;
  c’est enfin ne pas mettre l’institution face à ses obligations de former et d’accompagner.

Pour une prescription pédagogique co-construite

L’accompagnement par des réseaux par un chercheur ne peut être réalisé partout, et la formation par les pairs ne saurait suffire à nourrir une dynamique professionnelle de formation. On doit pouvoir compter sur des « passeurs des acquis de la recherche ». Ils existent (formateurs éducation prioritaire, conseillers pédagogiques, inspecteurs), à trois conditions :

  que ces « passeurs » soient effectivement eux-mêmes formés,
  qu’il soit prescrit de se former (pour les acteurs) / de former (pour l’institution),
  que toute prescription pédagogique soit co-construite :
o que l’institution et / ou la recherche ose dire « voilà ce qu’il faut faire »
o que les acteurs puissent
 adhérer : découvrir, comprendre, analyser, s’approprier, tester ensemble les outils proposés,
 et rétroagir sur la prescription : en faire l’analyse critique qui permet de les adapter à chaque contexte de réseau.

Car s’il y a des méthodes et des outils à connaître, proposés tant par la recherche que par l’institution (et pas forcément de manière conjointe), il y a nécessairement confrontation et adaptation aux réalités spécifiques du lieu d’enseignement. C’est là, dans cette confrontation et cette adaptation, que s’exerce la liberté pédagogique du collectif professionnel (car ce n’est pas un choix individuel de travailler ou non en équipe, ce doit être pour moi une prescription).

Je continue donc à ne pas considérer comme contraires à l’autonomie des acteurs des discours pédagogiques prescriptifs (au pluriel), prescriptions qui osent dire « voilà ce qui est efficace pour résoudre telle difficulté d’apprentissage, pour garantir les progrès des élèves ».

Et je continue de craindre que l’absence de prescriptions permette à l’institution de se défausser de son obligation de former les acteurs.

Anne Armand,
membre du Conseil scientifique de l’OZP

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